Google This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project to make the world's bocks discoverablc online. It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the publisher to a library and finally to you. Usage guidelines Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying. We also ask that you: + Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for Personal, non-commercial purposes. + Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. + Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. + Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. About Google Book Search Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web at |http: //books. google .com/l Google A propos de ce livre Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en ligne. Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression "appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont trop souvent difficilement accessibles au public. Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. Consignes d'utilisation Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. Nous vous demandons également de: + Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un quelconque but commercial. + Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. + Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en aucun cas. + Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. A propos du service Google Recherche de Livres En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl » # DE LA MONARCHIE 1 ■ • PRUSSIENNE, sous FRÉDÉRIC LE GRAND t Ç M E CINQUIÈME. '^ /V<3 L o DE LA MO P RU SS ï E s o U 6 FRÉDÉRIC LE GRANDi AVEC UN APPENDICE Contenant des Recherches sur la situation actuelle des principales Contrées de l'Allemagne. Par le Comte de Mirabeau. Habutrunt virtuhs spatium exemploruau Tacit. Agricola vitA. $. 8. TOME CINQUIÈME. Prix de 1Mq-8* en feuilles , 5o liv. — Br*ché 61 liv. — de riQ-4* en feuilles , 78 liv. — Broché en carton , 80 lir. A LONDRES. M, D C Ç. L X X X V I I I. >■ % ^, * ♦ » • «. ç •# -Jî' ♦•■ .;^- ^ f . ï .A •^ •»• % J ^mm DE LA MONARCHIE PRUSSIENNE, SOUS FRÉDÉRIC LE GRAND. LIVRE HUITIÈME.- Religion, Instruction , Législation , Gouvernement, A l'époque de rintroduction du chrîs- EfTfts du ^ ^ ^ ^ chnstia* is- tianisme, Tesprît humain reçut une di- mesurTes- * , ' . pritbumain , rection nouvelle. Des peuples entiers firent leur grande , leur unique affaire d'une vie à venir; ils tournèrent tellement leurs yeux vers ce qui devoit exister dan«> un autre monde , qu'ils oublièrent presque entièrement celui-ci. Ce principe Tome V. A / t L I V R E VIII. se transmit d'une génération à l'autre; et, même aujourd'hui , il se maintient en- core dans toute l'étendue , dans toute la force qui peuvent donner le droit de le nommer général. Certes, une opinion qui frappoit à la fois toutes les facultés de Tame, a dû produire une grande révo- lution. Chez les anciens , chez ces peuples où la beauté , la gloire , la vertu , le génie eurent des autels , les grands mots de liberté , de patrie , de foyers , de domina- tion même agitoient les nations , et les &isoient courir aux armes , soit au de- dans, soit au dehors. Chez les peuples modernes, depuis plusieurs siècles, il ne s'est pas élevé une guerre civile , ou même une émeute, qui n'ait eu les intérêts de l'autre vie pour objet. Sans doute les chefs de ces convulsions furent animés par d'au- tres motifs; mais il leur a fallu s'entourer de cette imposante perspective , pour mettre le peuple en mouvement. Gui, que vos extorsions, que votre tyrannie s'exer- . cent uniquement sur les choses terrestres , Religion, etc. S îl les supportera ; îl se laissera ravir ses droits, ses privilèges l'un après Tautre sans murmurer; sa liberté, sa subsistance même sont à vous : mais demandez-lui la moin- dre déférence pour quelque innovation religieuse ; proposez-lui une opinion qui menace à ses yeux la plus légère parcelle de son bonheur futur; àHustant il devien- dra frénétique , et dans sa fureur , il dé- chirera toutes les victimes que lui indi- queront ses prêtres. Tel est peut-être le plus singulier phénomène qu'ait produit le christianisme sur la nature humaine, A la vérité , des changemens importans sont survenus. Les grands intérêts de cette vie , grâces aux Anglois , qui seuls les ont discutés , du moins en concurrence avec ceux de la religion , commencent à attirer les yeux de beaucoup d'hommes, et tous les jours on en compte davantage qui donnent autant d'attention à ce qu'ils ont ^ qa'à ce qu'ils peuvent espérer. Mais les zélateurs de la vie actuelle aux dépens de l'autre sont encore loin de faire le plus grand nombre , ou même un nombre Ai; 4 L I V R E VIII. considérable auprès du reste des hommes. Ainsi la religion , qui ne devroit sous aucun rapport ressortir du gouvernement uniquement institué pour les affaires de ce monde , la religion , simple intérêt de conscience entre Dieu et Thomme , est dans le fait un des plus grands ressorts de nos institutions sociales , et l'un de ceux peut'étre qui influent le plus sur tout le système politique d'une nation. Voyons quelle est à cet égard la situation de la monarchie prusienne. Trois sec- Le christianisme , dès son orierine , s'est tes domi- j, . 1 • /* • 1 oantes^ en divisé cu uu uombrc infini de sectes ; mais une seule avoit réussi en Europe , si Ion excepte la Russie et la Grèce , à engloutir toutes les autres, ou plutôt à les exter- miner. Son joug étoit devenu vraiment insupportable. Un hommed'une force émi- nente d esprit , et sur-tout de caractère , montra qu'on pouvoit s'en afiranchir. D'habiles coopérateurs , comme il s'en élève toujours à la première lueur d'une lumière nouvelle, secondèrent ses efforts. Leur éloquence et de grands intérêts Allemagac. Religion, etc. S attirèrent des souverains dans leur parti i bientôt ceux-ci entraînèrent leurs peuples: on arma de toutes parts ; des flots de sang coulèrent, et TAllemagne , grâces à sa constitution , fut sur-tout le théâtre de ces divisions convulsives. Le chef de TEmpire, qui n'en étoit même alor« que le suzerain très - limité , resta attaché à Tanciennc croyance. II voulut y ramener par la force ceux de ses grands vassaux qui s'en éloient . séparés , sûr que s'il les obligeoit à se sou- mettre à cet égard , il les subjugueroit à tpus les autres. Tel fut le principe des guerres civiles, qui.durèrent cent vingt ans presque sans interruption. La dernière ne sévît pas moins de trente années con- sécutives, et fut très - malheureuse pour l'empereur. Il lui fallut non - seulement reconnohre, dans TEmpire , deux sectes chrétiennes différentes de la sienne, etieur accorder une égalité de droits, mais lais- ser circonscrire ses prétentions politiques 'dans des bornes assez étroites , et déter* minées avec précision. Depuis cette épo* que, les sectes chrétiennes, distinguées A ii) 6 Livre VIII. par le nom de catholique romaine , de lu-^ thériennfe et de réformée, sont dominantes dans FEmpire : elles y jouissent de droits égaux ; mais elles y sont inégalement mê- lées , et ce mélange influe diversement sur leur constitution politique. Voici les traits principaux de cette singulière composi- tion. Leur coni- \\ çgt Jeg cotttrées où la religion catho- binaison ^ diuis TEm- lique subsiste seule ; tout au plus s y trouve-4-il quelques sectaires épars , dans un état d'oppression plus ou moins.sévère. Tous ces pays ( et ils forment la plus belle et la plus grande partie de TAIlema- gne),ont des souverains héréditaires où électifs , également catholiques ; car Tes- prit de cette secte est tel , que jamais le peuple ne s'y laisseroit gouverner par un prince d'une autre croyance. Dans les pays de l'Allemagne où le souverain est électif, il est aussi ministre de la religion ; et l'on auroit quelque droit de s'en éton* ner , en considérant l'esprit ostensible du christianisme en général , et celui que professent les livres qui en forment là base. Religion, etc. 7 II est d'autres^ contrées où domine Tune des deux sectes nommées luthérienne et réformée ^ comprises sous le nom général de protestantes ; la secte catholique en est entièrement bannie, ou nV subsiste qu'avec des limités très-resserrées. Le sou- verain , dans quelques-uns de ces pays , par des intérêts soit temporels , soit spi- rituels, professe pour sa personne et pour sa famille, les dogmes du catholicisme, La liberté de conscience adoptée par les protestans, et sur-tout Tappui du parti catholique, toujours le plus formidable en Allemagne , ont empêché les sujets de contrarier, à cet égard , leurs souverains ; ils ont seulement pris des mesures contre Fesprit prosélytique et même persécuteur du catholicisme. Dans certains états , tels que le Palatî- nat, par exemple , cette barrière a été renversée. Dans d'autres, comme en Saxe, elle est encore maintenue par Taxtrême vigilance qu'on y apporte , et , pour tran- cher le mot , par la foiblesse et les besoins du gouvernement. En effet , avec les Aiv V tf» /VOLo p DE LA MO P RU SS I E s O U 6 FRÉDÉRIC LE GRAND; ^ AVEC UN APPENDICE Contenant des Recherches sur la situation actuelle des principales Contrées de TÂllemagne. Par le Comte de Mirabeau. Habuerunt pirtuhs spatium exemplorumm Tacit. AKricolae vitA. S* & TOME CINQUIÈME. Prix de lMn-8** en feuilles, 5o liv. — Br«ché 5i liv. — de riD-4* en feuiiies , 78 liv. — Broché en carton » 80 lir. A LONDRES. M. D C Ç. L X X X V I I I. lO L I V R E V 1 I I. contre tout ce qui ne ploie pas le genou devant eux , que ni le sacerdoce , ni les adhérens d aucune autre secte connue. Ces provinces sont.de nouvelles conquê- tes , où l'habitude n'a pas encore , à beau- coup près , consolidé la constitution po- litique. La plus considérable a été arra- chée à 1 ennemi naturel et très-puissant de la monarchie prussienne , au chef du parti catholique en Allemagne , et , pour ainsi dire, en Europe , qui ne renoncera jamais à ses prétentions , aussi longtemps qu'il ne sera pas entièrement hors d'état de les faire valoir. L'autre a été enlevée de force à une nation , impuissante à la vérité, mais dont les domaines deviendront pro- bablement bientôt la proie de deux voisins très - redoutables , excessivement ambi- tieux, et qui ne manqueront pas de faire revivre les droits du peuple dont ils auront envahi le territoire. Alors , dans le conflit vioFent qu'occasionneront ces diverses se- cousses , la volonté des peuples reprendra de l'influence. C'est à la guerre que leurs affections se manifestent ; c'est là que le 1 .- f - • . DE LA MONARCHIE PRUSSIENNE, SOUS frédérk: le grand. LIVRE HUITIÈME.- Religion, Instruction , Législation , Gouvernement. A l'époque de rintroductîon du chris- Eflfetsdu chnstiai is- tianîsme, l'esprit humain reçut une di- nie«urres- 11 x^ ', . prit humain rection nouvelle. Des peuples entiers firent leur grande , leur unique affaire d'une vie à venir; ils tournèrent tellement leurs yeux vers ce qui devoit exister dane un autre monde, qu'ils oublièrent presque entièrement celui-ci: Ce principe Tome V. A 12 Livre VII L • impériale abhorre dans la personne du souverain de la Prusse ; c'est, de quelque religion qu'il puisse être , un rival , un émule de puissance; un démagogue des princes, un protecteur des libertés germa- niques : il n'est que des trêves , il n'est point de paix avec la maison d'Autriche. , C'est donc par son inutilité même qu'elle seroit absurde cette apostasie fu- neste. En vain un roi de Prusse slmagi- nerdit-il quelle réuniroit à lui le plus grand nombre des princes catholiques , et qu'il pourroit ainsi parvenir à la dignité impériale. Quand l'électeur de Brande- bourg deviendroit catholique, son élec- torat n'en seroit pas moins protestant , et ce souverain se verroit obligé de se ranger, dans toutes les questions graves, du pàrli protestant , de s'en montrer le chef et l'ap- pui? Certes les princes catholiques , quan/d leur dévouement à la cause autrichienne proviendroit de zèle religieux, n'abandon- neront pas une maison liée à leur cause depuis un temps Tmaiémorial , en feveur d'un néophyte romain, souverain d'un Reli 14 L I V R È VIII. de parvenir à cette souveraineté imagi- naire peut produire des révolutions très- réelles. Or , la maison de Habsbourg doit briser le lien qui l'attache à lempire ou en rester le cheE Obéiroit-elle à un prince très - inférieur en puissance? luî rendroit-elle seulement les respects dus à un empereur? Si un roi de Prusse électeur de Brapdebourg a souvent embarrassé un empe^r autrichien , que feroit le roi de Prusse empereur d'un vassal tel que le roî de Hongrie et de Bohême , archiduc d'Autriche ? Non , jamais roî de Prusse ne doit penser que sa croyance personnelle au purgatoire , à la transsubjstantiation , à rinfaillibilité du pape, puisse changer pour lui la nature éternelle des choses. Il con- vertiroit tous ses sujets à la foi catholi- que, qu'il n'en quintupleroit pas le nom- bre ; et tant qu^ n'en sera pas ainsi , jamais il n'aura de prépondérance assurée sur la maison d'Autriche. Mais comme son changement de religion ne feroit qti'attacher davantages ses sujets à leur . » Religion, etc. i5 croyance, cette révolution produîroît pour lui les suites les plus fâcheuses. La cin- quième partie de ses sujets professe la religion catholique ; il saliéneroit l'esprit des quatre cinquièmes de son peuple , dans réspoir incertain de s'acquérir TafFec- tîon du reste. Certes, il est peu de calcul plus' étrange ; ajoutez que larmée même seroit dénaturée par une pareille révolu- tion. Les hommes ne serviront jamais bien celui qu ils n affectionneront pas , ou pour lequel ils nauront pa? une haute consi- dération ; et s'il est une grande différence entre servir et bien servir, c'est sur-tout dans l'armée , c'est sur-tout à la guerre. Que fera donc le souverain de la Prusse? il sera invariablement le chef du parti protestant en Allemagne ; il tiendra la balance ferme entre toutes les sectes et toutes les religions , sans pencher pour aucune dans ce qui touche à l'équité; et peut-être enfin il croira devoir miner le catholicisme dans ses états, par tous les arts innocens de la persuasion. Les princes ' catholiques en agissent si manifestement i6 Livre VIIL ainsi par principe religieux ! Où seroit rinjustice d agir de même par une politi- que noble et biea entendue, lorsqu'on se* trouve dans de malheureuses circons- tances qui la nécessitent î Quand les principaux gouvememens qui donnent le ton à l'Europe, auront assez de force et de sens pour professer ce principe , le seul juste et raisonnable , que la religion étant un intérêt de rhomme à Dieu , ils ne doivent et ne veulent pas s'en mêler; quand ils laisseront chacun libre de choisir celle qu'il veut, ou même de s'en dispenser tout-à-fàit; de se marier ou de rester célibataire ; d'entrer dans un couvent ou d'en sortir au gré de sa cons- cience, etc. etc. nous abhorrerons l'idée de donner une attention quelconque aux opinions religieuses. Mais , jusqu'à cette époque j la religion exerce une trop grande influence sur les affaires humaine^ , pour qu'un souverain puisse l'abandonner en- tièrement à elle-même. Et , puisque nous ne raisonnons ici qu'en politiques et eu philosophes uniquement animés des lumières R E JL î G I O N, etc. 17 lumières naturelles 9 nous oserons dire que s'il est une religion dont la tendance soit infiniment dangereuse pour Fhymani- té,pour les souverains, pour un souverain protestant , pour un roi de Prusse sur-touf , cest celle dont le clergé s'oppose inces- sament au progrès des lumières en tout genre , et professe un infatigable esprit de persécution pour tout ce qui concerne le culte ., la croyance et les prêtres. De tous les fléaux, celui-ci est incontestablement le plus durablement nuisible au bien-être de l'espèce humaine. Et quant aux sou- verains , un tel clergé est pour eux le maî- tre redoutable d'un animal féroce qu'il a su apprivoiser. Flattez le maître, obéissez- lui ; le monstre sera docile et caressant. Mais ayez une seule volonté contraire aux desseins du maître ; le monstre qu'il dé- tache vous terrasse et vous égorge. Le roi de Prusse a , dans ses domaines , cette fkuve terrible: irritée par celui-là seul qui "l'a domptée, agacée incessament par ses signes , provoquée au moment opportun par sa voix , si la vigilance du souverain Tomt V. B i8 Livre VIII se ralentît un înslant, votiç |a verre? dé- ployer ses fureurs. Frédéric fut Fappui déclaré du parti protestant en Allemagne ; mais peut-etre 9ttribuat-il à la diversité de^ opinions religieuses trop peu d'importance. II uo^ péra pas 8qu3 ce rapport tous les cban- gemens quon pouvoit attendre de son influence personnelle. Content de répri- mer les faits contraires à Tordre % il se fi M montra peu jaloux de changer une ten- dance trop nécesaai rement nuisible , si jamais un de ses successeurs adopte des principes moins tolérans. Or il faut s'at- tendre, dans tous les gouvernemens, mais sur-tout dans la monarchie , que tôt ou tard les principes changeront. Les souve- rains éclairés doivent donc se hâter doter à leurs successeurs la possibilité de ra- mener les ténèbres de la superstition , et ses honteux délires, •^védér-* Le cathoUcîsme est très-puissant ; son à regard clergé immortel travaille sans relâche k J catholi- ^ , smc. regagner ce qu il a perdu. Les travaux cons- tans d'un très-erand oombre d'hommes Religion, etc. 19 riches et considérés , invariablement dîri- ' gés vers un même but , ont produit , dans tous les temps , des effets miraculeux. Eu Allemagne on s'effraie à bon droit des progrès qu'ils ont faits depuis plus d'un siècle. Un grand' nombre de souverains^ a embrassé la foi catholiqiie , bien d*au- très y tendent en secret : cette agitation est , du Rhin au Danube , et même aux extrémités du nord , d*une activité inex- primable. Nous croyons que Frédéric ne la surveilla point assez ; cependant il prit quelques mesures très-sages à cet égard- Entre autres, il éloîî défendu à tout sujet d'entrer dans les ordres sacrés sans le consentement du gouvernement (ij. Il borna tout ce qui pourroit être légué à l'église, soit catholique, soit protestante, à la somme de cinq cents écus (2); à la vérité , il se vit obligé de donner quelque ^tÊm^'m^mrm^'mmmmmmmmf^^mmmmmtimmttâÊi^ (i) Nous en trouvoas la preuve dans le fescnt n^ 6 de 1775, où cette loi tst rappelée à Toccasioii d'un cas particulier. (a) N«. 36 de l'année 17^3- Bi; 20 Livre VI IL extension à cette loi pour les catholi- ques (i). Il défendit aux prêtres de cette communion à Berlin , d'exercer aucuns actes paroissiaux (2) ; mais ces moyens? (ce dernier répugne à la justice) n'équi- valoient pas , selon nous , à une permis- sion précise aux moines de sortir libre- ment des couvene , et aux prêtres de se marier (3) , avec ordre au clergé catholi- que de laisser les revenus de leurs places à ceux qui auroient voulu faire usage de cette faculté. Nous osons croire que cette mesure parfaitement équitable et dont Fîn^ lluence eût été décisive, n'étoit pas indi- gne de ce grand homme. ?uriare- Un fait montre assez bien quel est à rcnnoissan- ^ . .11 i t-» ;e du titre cct égard lesprit de la cour de Rome. epapc. Non-seulement elle nomme à tous les évêchés , à toutes les abbayes , à toutes ■•r (i) Déclaration de 1754, n* 22. (2) Édit de 17.51, n° 3a. (3) Dans le projet di^ nouveau code, cette permîs.- sîon est accordée ; mais ce n'c«t encore qu'iia projet. Voyez ci-après ^'Législation* Religion, etc. 21 les dignités ecclésiastiques des pays pro- testans , de sorte que malgré Ja paix de Westphalie , elle y conserve toutes ses prétentions : non-seulement elle proteste encore annuellement contre cette paix de Westphalie , dans un consistoire ; mais encore elle n'a reconnu ni le titre royal d'Angleterre, ni celui de Prusse, ni même le titre électoral de Hanovre. Dans îe calendrier de Rome, où se trouvent toutes *' les maisons souveraines de l'Europe , le Roi de Prusse n'a jamais été nommé que Marchese di Brandeburgo. Quelques bons citoyens , alarmés des machinations qui paroissent se pratiquer dans l'Europe pro- testante, pour étendre le catholicisme, ont fait observer cette singularité. Frédéric dit au comte , alors baron de Hertzberg , à propos d'une négociation entamée sur ce sujet , pendant le voyage du pape à Vienne : Eh ! que m importe d'être ou de riétre ,pas^ reconnu par cette sainteté ? Il n'en a pas été de même sous le nouveau règne. Le titre royal de la mai- son de Prusse est enfin dans le calendrier Biij . 22 Livre VIII. romain ; maïs ce calendrier n'est point une émanation de la puissance papale ; cette innovation n'empêchera probable- ment pas la cour de Rome de nommer à larchevêché de Magdebourg , aux évê- 'chés de Halbersladt , de Minden , de Bran- debourg, elc , in panibus. Au reste, peu importe Tétiquette romaine au souverain de Prusse qui saura s'assurer laflection de tous ses sujets, augmenter la popula- tion de ses états , leurs richesses, et op- poser la barrière d'un bon et sage gouver-»- nement au parti autrichien et catholique. Pmatisme C'cst uu préjugé asscz généralement ts^Frél répandu en Allemagne, que les provinces '"^ * prussiennes, et Berlin en particulier, ne sont peuplées que d'athées. Parce que Frédéric a encouragé la liberté de penser dans ses états; parce qu'il appela et réunît autour de sa personne plusieurs esprits forts; parce qu'il sortit, sous son règne, des presses prussiennes, quelques livres irréligieux , on s'est cru en droit de tirer cette conclusion aussi absurde que pré- cipitée* M. Nicolaï, libraire de Berlin , et R E t î G I N, etc. US savant Irès-dîslîngUé (réunion infinînient rare, bien qu'elle dût être commune), j8i peint Berlin avec une grande vérité, ^ous cet aspeft, dans un rotiian (i) qui donne d'excellentes notions sur les mœurs de l'Allemagne. En général il y a montré que s'il est quelques francs-penseurs dans les provinces prussiennes, le peuple y est / aussi attaché à sa religion que dans les contrées les plus dévotes , et qu'on y compte même un grand nombre de ces fanatiques connus en Allemagne sous le nom depiétcstej (2). Deux faits curieux qtie (i) Djs Lfben des Sebaldus Nothanker, (i j Les gens du itionde donneftt le tiôvd de pléfiJteSj en général , à tous les frère» Moraves , Quârkers , Aaabaptistes, etc. ; et en effet , en Âlleoiagne toutes ces sectes sont unies d'un lien secret, parce que dans là plupart des oognïes, ellé^ se tfôtiVent d'accord. Mais H y a pourtant une ^ecfe particulière' , qui se nomme ainsi , et dont le père ou le principal arc- boutant a été un certain Spener , ministre de la parole de Dieu , à Francfort. Ils scf distinguent par un éloî- gnement de toutes lesf jouiss2(nces mondaiti^s, et une illumination particulière de Pesprit divin , qui opère soudainement sur le cœur d'une façon surnaturelle et sensible, ils nônimcnt celaf, der durchhruch, B iv i4 LivikÉ VIII. nous allons rapporter, prouveront assez, qu au sein des lumières , le peuple peut res- ter enclin au fanatisme , que les livres n'influent pas sur lui , et qu'il est parfei- tement ridicule de craindre que, sous ce rapport,, ils nuisent à la société. Sans doute ils agissent sur les hommes ins- truits , quit&t ou tard font aller le monde ;* mais ils ne idérangent nullement Tallure du vulgaire , qui ne les connoît pas : i^ suit lentement, sans le savoir, et en faisant ses affaires particulières comme il les en- tend , l'impulsion que lui donnent les puis- sans, les riches, les hommes instruits. Histoire Sur la fin de la guerre de sept ans , un [1 un non- *-> r ' icau mes- nomuié Jcau Rosenfeld, garde-chasse du marcgrave de Schwedt , quitta le service de ce prince , et se mit à enseigner à la populace qu'il étoit le messie ; que Jésus avoit été un faux messie; que les prédica-^ tours* étoient des fourbes^ des menteurs , qui prêchoîent la mort ; que pour lui il prèchoit la vie, puisque ses adhérens ne mourroient point; que le roi de Prusse çtoit le diable ; que le temps approchait R E L I G*î o N, etc. 25 où , quand lui Rosenfeld auroît rassemblé les vingt-quatre anciens , il lui demailde- roît le glaive, et gouverneroit le monde, assisté de ces anciens- Rosenfeld sut enga- ger quelques-uns de ses adherens à lui livrer sept filles , dont ces zélés piétistes étoîent pères, Cétoit , dîsoit-il / pour ou- vrir les sept sceaux , qu'il lui falloit sept vierges. H s'en forma un sérail. L une d elles étoit sa. sultane favorite; il feisoit travailler les autres , et vivoit du produit de leurs ouvrages. Enfin après avoir fait le métier de messie pendant vingt-neuf années , avec des fortunes diverses ; d'a- bord pauvre , souvent emprisonné , en- suite entretenu par les dons de ses adhe- rens , vivant habituellement de la laine que filoient ses maîtresses ; après s'être fait un grand parti à Berlin et aux envi- rons, en Saxe, et jusque dans le Meklen- bourg, ses disciples, attendant toujours l'effet de ses splendides promesses , l'un d'eux , et celui-là même qui lui avoit livré trois de ses filles , l'accusa devant Frédéric, c'est-à-dire qu'il traduisit son messie 26 Livre VI II. qu'il croyoit le vrai Dieu , devant le rot qu'il croyoit le diable; car ce même accu- sateur regardoît toujours Rcsenfeld comme le vérilable rpessie ; il vouloit seulement que Frédéric 1 obligeât à réaliser ses grandes promesses. Le roi envoya Rosenfeld au tribunal naturel, qui le condamna à être fustigé, et enfermé pour le reste de ses jours à Spandow. Le tribunal suprême commua cette sentence , et prononça que le nouveau messie seroit mis dans une maison de correction, où on le fustigeroît toutes les fois qu'il tenteroit davoîr quel- que aventure galante , et qu'après deux ans, on feroit un rapport de sa manière de se comporter. Les défenseurs de l'accu- sé en ajipelèrent; le roi revit le procès, et confirma la sentence plus sévère du pre- mier tribunal. Il crut sans doute qu'il devoit le spectacle de Rosenfeld fustigé au peuple, pour le détromper de pareilles visions à l'avenir. Mais les opinions les plus folles sont les plus tenaces, par cela même qu'elles n'ont point de base perceptible ou commensu- Religion, etc. 27 rable ; et ce spectacle ne détrompa presque aucun des adhérens dç Rosenfeld, dont un grand nombre lui est encore attaché. Le journal de Berlin (1)', dont nous tirent ce faît,rapporte que ce Rosenfeld vint prêcher ses dogmes à Charlottenbourg ^ à peine éloigné d'un mille de cette capitale; mais il sentit que ce théâtre étoit trop petit pour deux fanatiques , tels que lui et Mu- senfeld/ CeJui-ci, comme nous le voyons par une autre pièce du même journal (2), n'étoit qu un.prêcheur de réforme. Le gou- vernement, animé sans doute par les mi- nistres, dont il fkisoit déserter les audi-, toires , rechercha sa conduite , puis le laissa en repos. Les pjirticularités de cette inquisition nous sont inconnues; mais sa secte , long >- temps en vogue , est encore assez nombreuse. Eh ! qui sait combien d'autres ont survécu à leur maître, dont elles attendent en secret le retour ? (l^ Serknsche Monathschrîst ^ vol. i , ann. 1788, n". janvier, pag. 42 et suîv. (2) Berilnsche Monathschrist ^ vol, î , ann, 17S4, n». juin , pag 42 et suivi 28 Livre VIIL HeCu* ^" second fait, qui a. prouvé avec plus ûuiivrede d'éclat encore , dans Berlin même, latta- nuques, ' ' ^ chement du peuple à ses anciennes idées , c'est TafFaîre des cantiques^, célèbre en Allemagne, L'ancien livre des cantiques , introduit depuis la réformation dans le- glise luthérienne , étoit plein de choses réprouvées par le bon sens. En mil sept cent quatre-vingt-quatre , le grand consis- toire de Berlin en fit composer un nou- veau , où Ton corrigea les expressions dis- convenantes , mystiques , ou conduisantes au fanatisme et à Tesprit sectaire, ainsi que les vers trop ridicules; où Ton inséra les meilleures hymnes allemandes des temps modernes , celles de Gellert , de Cramer, deNéandre, etc. etc., et où Ion supprima plusieurs des cantiques qui avoient trait au dogme , pour en substituer qui trai- toient des sujets de morale ; en un mot , ce livre fut rédigé sur les plus nobles principes dune saine raison, et dune uti- lité véritable. Aussitôt un parti nonibreux, qu^ani murent ])lus ou moins ouverte- ment quelques ecclésiastiques , s'oppose Religion, etc. 29 violemment à son introduction. Un fana- tique nommé Apitsch, petit mercier, ban- queroutier, forme une association pour empêcher les progrès du socinianisme secret répandu dans le nouveau livre des cantiques, et présente un placet à, Frédé- ric. Supposez un autre roi , un autre gouvernement ; que de débats , d agita- ions , de coups d'autorité .'.Mais ce même Frédéric, qui avoit permis à ses fidèles Neuckâteloîs £être aussi éternellement dam- nes qu^ils le jugeraient à propos , pourvu au ils laissassent en repos celui qui ne vou- lait pas croirexiux peit^es étemelles^ répondît à Finsensé Apitsch et à ses adhérens , que si ses sujets voulaient chanter les sottises des vieux cantiques (1), ils en étaient les maîtres j et qu'il n entendait pas quon les en empêchât. Sur cette décision , plusieurs communautés adoptèrent le nouveau livre, et d'autres retinrent Tancien. Cest ainsi, que ce grand roi a donné '^^}^\^^' mille et mille exemples d'une profonde de Frc^dei iih .1 (i) Il en rapportoit quelques eiemples. 3o Livre VIIÎ. tolérance. Quoique des philosophes aient voulu consacrer ce mot , nous remployons à regret. Sans doute , il seroit criminel de douter que tous les hommes ont le . droit de servir Dieu à leur manière, ou même de ne pas le servir, lorsqu'ils ne parviennent point à s élever à la croyance d*un suprême rémunérateur. Cest donc une sorte de tyrannie que de prétendre à tolérer telle secte , c'est-à-dire, au privî* lége d'accorder comme une grâce aux mortels, le droit incontestable qu'ils ont reçu de la nature. Mais Frédéric ne connut que la tolérance , et même la tolérance personnelle. Dans une collection de plus de trois mille édits, nous n'en trouvons pas un qui déclare solennellement entière liberté, parfaite égalité de religion, ou même tolérance illimitée pour toutes les sectes, soit du christianisme, soit de toute autre religion (i). Il se renferma dans la tolérance-pratique, qui , à la vérité , n eut (i) Cette déclaration se trouve assez clairement dans le projet du nouveau code. Religion, etc. 3i point de J^ornes sous sou règne. Tous les sectateurs de Rosenfèld , à l'exception de lui-même , qui ne fut poursuivi que pour sa conduite personnelle , proclamèrent hautement , ou avouèrent devant les tri- bunaux, qu'ils croyoient leur chef le vrai messie > et Jésus- Christ un faux messie, " dont toute l'histoire étôit une fable; qu'ils regardoient le clergé protestant comme une invention diabolique , etc. etc. ; et ils ne furent ni punis, ni inquiétés. II est tel état dont les lois ont souvent proclamé la tolérance, où , si l'on eût osé dire la cen- tième partie de ces choses , toute la secte auroit été catéchisée à coups de bâtons , reléguée ensuite aux dernières extrémités de l'Erripire , et toutes les gazettes de l'u-* ni vers se sçroient récriées d'admiration sur cette tolérance. Frédéric, au contraire, toléroit saas bruit ; on pouvoit , dans ses états , être à volonté sectateur de Rosen^ feld, de Muaenfçld, de Schvenkenfeld t etc. etc. : mais jamais le roi de Prusse ne déclara, comriie It^jislateur, qu'on le pou- voit. Cependant ses successeurs ont la 32 Livre VIII. liberté de suivre, un jour, desffMrincîpes contraires : on balance à renverser un mo- nument élevé avec l'applaudissement gé- néral; mais on suit son penchant quand les anciennes lois subsistent, et qu'on peut prétendre ne faire que leur obéir. Novateurs La tolérancc envers les sectaires est igiou. peut-être plus facile encore que celle qui supporte les novateurs et les esprits libres en théologie. Sous Frédéric les opinions n'apportoîent pas le moindre changement à l'existence et à l'avancement de ceux qui occupoiënt des places , pourvu qu'ils en remplissent les devoirs, Frédéric voyoît même d'un œil favorable toutes les va- riations douces et tranquilles dans le sys^- tême religieux, et n'empêchoit ni les écri- vains , ni les professeurs en théologie , ni même les prédicateurs d'en faire de cette nature. Aussi, géoéralement parlant, s'est- il opéré une très- grande révolution à cet égard dans ses états , sous son règne. Le reproche de socinianisme , ou du moins d'arianisme,qui s'éleva au sujet du nou- veau livre des cantiques , auroit paiu fondé R E L I é !■ o' N, etc."^ 33 fondé dans tout autre pays j» soit par le livre en lui-même, où les matières de la trinité, de la divinité dé Jésus-Christ, de rincàrhation , des deux volontés , etc. etc. étoient presque omises, et où il ne s'agîs- soit sur-tout que d'une morale vraiment pratique, d'une piété fondée sur les grands attributs de la divinité; soit par la répu- tation des rédacteurs , qui tous s'étoient montrés plus ou moins sociniens dans plusieurs ouvrages. Ce livre fut cependant adopté par un grand iionâbre de commu- nautés, et il le sera, avec le temps, dans beaucoup d'autres. Mais quelques-uns de ces hommes qui Persëcu s étoient si bien trouvés de la tolérance mêmes, de leur souverain , se montrèrent perse- peuvent. cuteurs envers ceux qui alloient au-delà ou en-deçà de leurs opinions. Ils ne rou- girent pas d'essayer de faire punir les in- dividus qui ne professoieiit que le simple théisme, ou qui s'éloignôient davantage des idées anciennes. Nous en rapporte- rons un exemple arrivé vers la fin du règne •iie Frédéric , parce que c'est l'esprit de Tome V. G 34 Livre VIIL la religion tel qu'il Fa modifié , et la réac- tion qu'il en a éprouvée , que nous devons faire connoître ici, M. Bardt, fils d'un ministre de }a parole de Dieu , à Leîpzick, après s être montré hyperorthodoxe dans sa jeunesse > avoit été obligé , pour quelque écart, d^ quitter la place théologique dont il étoit pourvu dans sa patrie* Alors il se jeta ouverte- mevt dans Thétérodoxie, et devint spcinien outré. Après diverses aventures , tantôt professeur à luniversité d'Erfurt , tantôt professeur et prédicateur à celle de Gies- sen , et, forcé par la haine théologique à quitter cet asyle; instituteur , à Marschlîns dans le pays des Grisons , chez un M. de Salis, d'une maison d éducation, laquelle, f à ce qu'on assure, tomba par Tinconduite de M. Bardt, il devint sur-intendant ec- clésiastique du pays d'un petit comte sou- verain d' Allemagne , où il établit encore un institut du même genre. Cependant, entre beaucoup d'autres ouvrages hétéro- doxes, il avoit composé et publié une Jra- ducûon des livres du nouveau testaments V.^' R E L I G I o N, etc. 35 que les théologiens qualifièrent de traves-- tissement de la bible. Tous les'connoîsseurs, et même ses adversaires , avouent qu a plusieurs égards cet ouvrage est un chef- d'œuvre de sens , de rai§pn et de saine crittque, joints à la plus profonde con- ^yoissance de la langue hébraïque et des antiquités du christianisme ; mais il y tra^ duit à son gré les passages çociAmires à ses opinions. Les théologiens donDèrent l'alarme au camp des orthodaxes. Le fiscal de TEmpire porta ses plaintes, et Ion n'eut pas honte , à Içi fin du dix-huitième siècle , non-seulement de faire condamner le livre de M. Bardt, mais d'obliger M. le comte de Linange-Westerburg à renvoyer §pn sur -in tendant ecclésiastique , et les criailles de ce di,$triçt à chasser leur n&i- nîstre, dont elles étoient trèsrsatisfiifite^. Alors le docteur B^rdt se réfugia au seul pays de l'Allemagne oii régnoitlk libeçté de penser î dans les états de >E'ré- déric le Grand, Il vint à Halle, et y jdohiili des leçons pi^blîques* Qui auroit cru qufe 4ansune uBiyer$it4oùâeurissoientSei3ùlcttv Ci; 36 Livre VIII. savant théologien , Eberhard , philosophe éclairé, M. Bardt pût être reçu autrement que comme un martyr de la liberté de penser ? ' En effet M, Semler passoit depuis long- temps pour inspirer des opinions socî- niennes à ses auditeurs. Il avoit écrit pour prouver qu'il n'est pas une seule preuve de fait bien fondée de Tauthenticité des livres du nouveau testament , que nous regardons comme canoniques ; et par là , $ans doute, il avoit ébranlé la religion chrétienne jusques dans ses fondemens. Ce n'étoit qu'à l'abri de l'aigle prussienne qu'il avoit échappé au sort de M. Bardt ; car , d'une extrémité de l'Allemagne à l'au- tre , les théologiens avoient rugi de fureur. Le. fiscal général , et même la diëte de YKmpive^ auroient sévi contre lui, sans la ipuissance prépondérante du monarque qui Ifesbutenoit. ...D'un autre côté , M. Eberhard avoît .|>ilbUé un ouvrage intitulé : Nouvelle apo" 4ç^e de Socrate , où il entreprend de déoiontrer. que les^ païens vertueux- sont \ R E t I G I o N, etc. 3y sauvés comme les chrétiens^ et que la moralité est la même, au sein de quelque religion qu'elle se manifeste. Il avoit été transfère de la chaire ecclésiastique de Charlottenbourg à la chaire philosophique de Halle , parce qu'en conséquence d'une telle théorie, il étoit en haine à ses ouailles; elles le croyoîent socinien, et le tourmentoîent avec ferveur par pur anciour du vrai système théologîque. C'étoit dans la confiance que lui înspiroient ces deux exemples , que M. Bardt s'étoit réfugié à Hatlç.^ Mais il étoit doué des plus grands ta* lens. Ses leçons ofFroient une clarté , une élégance , une plénitude de choses qui laîssoient bien loin en arrière tous les autres professeurs. Les auditoires de ceux- ci devenoient déserts ; on affluoît dans ceux de M. Bardt. Aussitôt l'esprit théo- logique , qui , comme le zèle religieux , n'est jamais qu'un esprit de jalousie et de contradiction ( et voila comment, pour être dévot , loin d'en être meilleur , on en devient communément moins bon ) ; Il) I . S8 Livre VIIL aussi-tôt Tesprît théotegkî[ué se réveille, le^ persécutas se mo'ftlrent à leur toiir persé- cuteurs; oh veut ùiite défendre à M. Bardt de donner des ïèeoh* ; on envie à un in- fortuné, dëpotiillé de ses emplois, chargé d\ine fkmîHe , Sacré comme le malheur ^ les' rèssrotirces que lui fournissent ses ta- lent. A la Vérité , ses dénofneîateurs flfat- téi^ifëM-pÂs pleinement à leur but; maïs ilë surent engager Taiitorité souveraine à *éfbèer Urie chaire à Tillustre fugitif, et inèinë à lui défendre de dbiiner des leçons de théologie. Et de quels moyens se/sont- îte sei'vîs , ces professeurs de cHrîstïànîsme 'et de philosophie? de tout ce que la haine lA plus éxécrdble peut suggérer de hbir- cèurs , d'insinuatîôhs Vàgùëfe , de corijèc- tili-eé hasâtîdëes , de -perfides on dit ÏIs brà réveillé toi/tes lès histoires vrëfiès ôii feilsseè , auxquelles les écarts dé jeunesse dii docteur Bardt pouvoient avoir donné Heu ; comme si , pour liiî corifërer une charge de [irofesseùr, il s'agissoit de savoir autre ichosé , sinon qu'il enseignoit bien ! cotiibie si le public ayoit jamais un autre R B L 1 G: I o N , etc. 39 compte à demander à nn citoyen , que , celui de sa; coidduîte publique ! et que leà^ hommes précieux qui compertserit leuiç fautes et leurs erreurs par d'utiles firàrvaux^ par de grands taleas^ par uû ndble tTibuti payé ai mstniction^ fussent les seuls dont les Ëtutes et les erreurs ne pussent pâa être tolérées ! O détestables^^ efR)rt6. de, l9i médioclrité 4ropuissamtOut Cil naatièpe de religion , 6a ait aussi pleinement permis d!enseîgi»er aux hommes à son gré toutes les choses dont on cjpoyoit p et les manufactures, mais que les oh-^ n jets de l'économie rurale soient laissés n entièrement à Findustrie des chrétiens, y> et qu^ainsi chacun reste à sa besogne. ^ Noos avons vu ailleurs que le commerce des laines leur est défendu sons peine de la vie. Comment cette loi atroce a-t-elle po subsister sous le règne de Frédénc? Un autre édit leur défend d'acheter le lîn filé des paysans. Enfin ils n'ont d'autres ressources qued^ètre courtiers, fiij^iers^ et de s'iadooner à quekpies fidbriquei^ 46 Livre VIII. Nous ne répéterons pss ici ce que nous avons dît dans un ouvrage destiné h Tob- jet particulier de la réforme politique des Juife (i); ni^îs ^ous appuierons sur un fait qu'en géînéfal le très-pet^t nopibre d'avo* cats de la cause des Juifs n'a pas assez victorieusement éjtabli, pour n'en avoir pas senti toutç l'importance , et que nous- mêmes avons fbiblement exposé , faute /d'instructions approfondies sur cette ques- tion particulière. Non^seulement ïa loi des Juifs ne les incite point au commerce , et ne leur permet pas la fraude dans le trafic avec les étrangers ; mais elle a combiné avec un grand spiq les moyens de les en détour- ner , biep différente en cela de cette poli- tique étroite qui voudrait circonscrire les Hébreux dans le trafic , et ne voit pa3 que c'est le moyen le plus infaillible de con- firmer et d'exalter les vices que la popu- lace juive doit à l'oppression, m * , i , • m ' . > I ■ ( (i) Nous préparons sur cet objet infiniment digne d'intérêt , un nouveau travail , d'après les matériaux précieux qui nous ont été confiés. > Religion, etc. 47 Le prétexte qui a fait accuser la loi hébraïque de cette préceplion immorale , se trouve dans ces mots du Deutéronome : Tu ne 'prêteras à intérêt à ton frère ^ ni ar-^ genty ni grain ^ ni quelque chose que ce soit susceptible £ intérêt ; tu prêteras à intérêt à t étranger ^ mais non à ton frère. Certainement un observateur de bonne foi , qui scniteroit attentivement les livres des Hébreux , trouveroit à opposer à ce passage les préceptes d'une très-grande tolérance ( 1 ) > d une très - infatigable (i) Ce mol: fanoifra fort étrange à ceux quî cherchent Ienr|Ji3osophie et leurs accusations coQtre les juiEi, daoM la Défense de mon oncle ^ le Dictionnaire phi" losophiquc^ FEvangUe du jour et la Philosophie de l* histoire; mais il n'eo est pas moins très-exact. Le judaïsme , par exemple y n'adopte pas la maxime que hors la fydagogae il n*y ait point de salut ; il enseigne, au contraire , que tous les hommes participeront à la félicité étemelle , pourvu qu'ils observent les sept çommandemens , que les juifs appellent les noa:hldes. U 7 en a six de négatifs : i®. s'élo'gner de tout acte d'idolAYrie; a«». ne point blasphémer ; 0°. s'abs- tenir de tout commerce incestueux ou adultère; 4^. ne tuer ni ne t^lcsser son prochain , sous quelque ps^cMe ^^ eç ifÀ\'yJji^^nQ fo'mt yoler ni tromper ; 48 Livre VIII. charité. Il sentiroît ainsi qu'il faut cher- cher , par une intelligence plus approfon- die des livres juifs , l'explication d'un principe si contradictoire à tant d'autres 6^. ne manger de la chair des animaux qu'après les avoir tués pour cet usage. Le septième est positif; il ordonne de maintenir la justice. » Ceux qui obser* » vent les noachides^ dît le célèbre Moïse Maimo- » nides , dans le dixième chapitre de son traité in- » titulé : Ad'Hachsaka^ qui fait autorité dans toutes » les synagogues : ceux-là , quelles que soient d'ail* M leurs leurs opinions , nous sommes obligés de les w aimer comme frères , de visiter leurs malades ^ » d'enterrer leurs morts avec les nôtres , d'assister n leurs pauvres comme ceux d'Israël ; enfin , il n'y 19 a point d'acte d'humanité dont un vrai israélîte n puisse se dispenser envers l'observateur des noadâ^ 99 dès, (C L'écriture sainte, qui est la loi suprême des juifs, contient à toutes les pages la même doctrine. Ainsi Salomon , le jour de l'inauguration du temple s'écrie : w Exauce , ê mon Dieu! Vétr..npr qui n est point de » ton peuple, et qui sera venu d'un pays éloigné pour *» l'amour de ton nom ; car il aura entendu parler » de ta puissance : quand donc il t'invoquera dans » cette maison , écoute favorablement cet étranger ; f» sois propice aux Vœux de son cœur, a Ainsi, le Psalmiste dit : Le seigneur notre DIEU EST PLEIN DE BONTÉ , SA MISÉRICORDE S*ÉTEND SUR TOUTES SES ŒUVRES. ^ Ainsi l'éterinel ordonne à Jérémie de dire> en soa * . maximes. Religion, çtc. 49 maximes. Et , par exemple , quand Moïse dît : >> Vous ne maltraitere:^ point C étranger; » vous ne lui ferei^ point de tort : vous » save:^ ce que c^est que d'être étranger y vous » rave:^ été vous-même en Egypte (1)* En nom, au peuple captif à Babylone : » Que la félicité de la ville dans laquelle je vous ai transportés ^ vous aoit chère ; priez votre Dieu pour elle . . , : . Flavius Joseph ne heurt oit pas , sans doute , la doctrine religieuse et la pratitjue ^e sa nation , quand il écrivoit dans sa réponse à Appion: » Nous ' » commençons , dans nos sacrifices , par prier Dieu 9 pour lé bien général du inonde , ensuite pour nous^ n mêmes, camme faisant une partie^ de ce tout, •» sachant que rien ne plaît tant à Dieu que ce lieu >» d'une affection mutuelle qui nous unit tous en- 1» semble. « Enfin , la mauvaise foi seule ou l'ignorance dis- simulent, ou ne savent pas que dans toutes les syna- gogues du monde, on répète jusqu'à trois fois par jour, ' avant la prière , la formule suivante: n Répands ta » bénédiction ,ô Dieu de nos pères 1 sur runiv«rs » entier; il est ton ouvrage, et tout ce qui respire, H ta puissante main Pa formé. « (i) Deus maffuis etpotens et terribiBs , qtâpenonam mm ^ctpitntc munera ^faàtjudiciim pupUlo Yf 'Pidua , amatptre-> grinum et dot ci victtan atqut vestltum^ ET vos £RGO AMJTE'PEREGRIirOS ; QViA ET IP^I tVISTtS AX)^ VENJ^ IN TERRA JEcYm. Deut cap. X. Tome V. D $o Livre VIII. | * moissonnant vos charaps, n'y retournez » pas pour prendre les poignées d'épis » qu'on y auroit oubliées; laissez-les pour » le pauvre, Xétrangcry l'orphelin et la » veuve : n opprime:^ pas C étranger ^ fime:^ » Pétranger^ donnez-lui du pain, fournis- » sez-Iui des vêtemens dans son besoin, » Je suis l'Eternel votre Dieu ; l'Éternel » AIME l'étranger...- (l).cc Nous demandons si ces préceptes éner- giques peuvent se concilier avec la per- mission de rançonner /Vr/Yz/2^er par d'impi- toyables usures ? Cette permission n'existe que dans l'ignorance des lecteurs super-^ ficiels. Voici sur ce point une explication positive et sans réplique. . Il y a deux termes en hébreu , tarbith pour exprimer l'usure, et nechcch pour exprimer Tixitérèt (2). La loi ne fait point "*♦■ (0 Voyez Deut. 22; Lév. 29; Ex. aa, 23. (2) Nous tirons cette observation , et une partie, de ces faits^jet œé^e de ces raîsonnemens , de la lettre du S. J. B. )^. 9 juif de Metz, à l'auteur anonyme d'un écrit iutJtjQiIé \Lc cri du citoyen contre Us juifs. M. J. B» B.-'e^tun juif d'une grande espéraïice, et véri- tablement Tcspoir de sa Ufttipn; . ' r Religion, etc. 51 usage du premier quand elle parle du prêt à Télranger ; elle se sert toujouris du se- cqnd. Ainsi la loi juive ne pense pas qu'en général prêter à intérêt soit léser fem- prunteur, ou faire une chose illégitime; et en cela elle a précédé d'un grand nom- bre de siècles les philosophes et les plus sages écrivains d'ëconopiie politique. Moïse n'a donc pas voulu donner cours à l'usure, ou la favoriser. S'il s'est efforcé de rendre les Hébreux généreux envers leurs frères , s ensuit-il qu'il ait prétendu les rendre barbares envers les autres na- tions ? S'il a établi une différence entré les concitoyens et l'étranger , qu'a-t-il fait dç plus à cet égard que tous les légîsla* teurs , que tous les peuples ? Quelques- uns n'admettent- ils pas, outre l'intérêt légal , un autre denier , 'appelé intérêt marchand? tous n'ont -ils pas des assu- rances , des droit3 d'induk,des droits de traites , et mille autres inventions , ou permises , ou hautement tolérées , qui lés ramènent nécessairement au mêine terme? Mais voici le point décisif de la ques- Dij S% Livre VIII. tion. Moïse , en défetidant aux juifs de prê- ter à intérêt à leurs frères, et leur permet- tant de prêter à intérêt à Ictranger , n'a pas voulu seulement rappeler sa nation à sa commune origine , et l'entretenir dans cet esprit de famille qui devoît rappro- cher et lier plus étroitement entre eux tous les ordres , tous les membres de l'état ; . il a prétendu encore faire, des juifs, un peuple religieux et agricole , qui adorât son dieu en cultivant la terre qu'il lui avoit donnée, De-là deux articles fonda- mentaux dans la constitution hébraïque. La septième année , terme de prescription pour toutes les dettes , quelle qu'en fut la date ; et^a cinquantième, époque , non- seulement de l'abolition de tout engage- ment pécuniaire , mais de la restitution universelle de tous les biens vendus et aliénés , et de l'affranchissement général de tou$ les esclaves. Cette année jubilaire tendoit à ramener l'ordre social vers l'éga- lité primitive , et à rendre à la machine politique sa première allure. Or il est évi- dent quune loi faite pour entretenir la R E L I G I o ]sr, etc. 55 médiocrité dans les fortunes particulières, opposoit un obstacle invincible à Tesprit du commerce , indépendamment mêmj^j des réglemens somptuairès , des lois antî- • Commerciales. Le trafic parmi les juife devoît. être Foccupation de l'étranger , puisque lui seul pouvoit en recueillir le fruit Les emprunts mutuels des juifs se bornoient à des grains pour ensemencer la terre , ou à des sommes modiquea • pour des acquisitions de première né-- cessité (i); et le plus léger intérêt, perçu sur de tels objets, blessoît la morale pra- tique sur laquelle étoit principalement fondé le système du législateur des Hé- breux. Mais les emprunts faits par Fétran- ger, c'est-àrdîre, par un homme établi dans le pays pour y trafiquer, prenant de l'argent pour étendre son commerce ^ et combinant le gain qu'il se propose d'en» (f) M.. J.. B. B. remarque très-bien que l'ex- pression de la loi même fait assez sentir qu'il ne s^agît que de tels emprunts , et qu'elle semble îdçi*r- ti&er le prêt pécaQiaire ayec celui des viyres. i^ 54 L I V R E VIII. tirer avec les conditions de Temprunt , étant d'une toute cfutre nature > le légis- lateur a pu , il a dû stipuler différem- ment à regard de cet étranger , puisque l'argent n'est et ne peut être pour lui qu'une marchandise échangée contre une autre. Elle est donc simple et juste la loi de Moïse , et ceux qui l'ont calomniée ne l'ont point entendue. Il est évident que cette loi, loin de permettre l'usure, a pris • toutes les précautions possibles pour écar- ter les circonstances qui peuvent y donner lieu ; que lorsqu'elle a permis de prêter à intérêt à l'étranger , c'est qu'elle envisa-^ geoit celui-ci comme un commerçant disant des emprunts considérables pour augmenter son commerce ; qu'en toutes autres occasions , elle ordonne non-seule- ment qu'on le tolère, mais qu'il soit aussi favorablement traité parmi les juifs que le citoyen juif même, » Je suis rEternel^ » votre Dieu , a dit aux Hébreux le Très- » Haut; l'Éternel aime l'étranger «. Il est évident enfin , et c'est la consé- Religion, ete. 55 quence qui nous importe le plus ici, que Ton ne cesse d'imputer à la loi des Hé* breux , et à jeurs penchans naturels , ce qui nest TefFet que de notre politique étroite , oppressive , immorale, puisque nous , et nous seuls , avons jeté et retenu dans le trafic , et le plus avilissant des trafics , ce peuple que son législateur avoit pris tant de soin d'en écarter» Comment la corruption morale lie seroit-elle pas très-grande chez un peuple auquel on ne laisse, pour occupation uni- que , que les professions les jplus capa- bles de dépraver toute morale ? Cette corruption existe à un haut degré sans doute ; car les hommes éclairés que la colonie des juifs de Berlin compte en assez grand nombre , grâces aux soins du respectable Mendelssohn , et à Tégalité de la justice dislributive dans les états du roi de Prusse; ces hommes n'ont pas encore eu le temps de transmettre leurs principes au peuple; la populace juive paroît en avoir , malgré ses lois et ses sages , quelques-uns de très-équivoques Div ^;f' 6'6 L I V R E .VIII. ' en morale (i) ; et peut-être en cela diffère- t-elle bien peu de- toutes les populaces { du fnondf. Mais ôtons-leur Jâ nécessité d'être corrompus ]pour vivre , et ils s'a- mélioreront: ne leur fermons pas la porte de Tagriculture et des arts ; leur indus- trie, leur activité deviendront très-pro- ductives et beaucoup plus innocentes. Puisqu'ils tirent de l'argent des pierres ^ pour ainsi dire , ils recueilleront des fruits sur le terrain le plus aride , pourvu qu'on le leur abandonne en propriété. Au lieu de les obliger à acheter au dedans de la- porcelaine, et à la revendre au dehors, qu'on les encourage à s'établir dans de -(i) Nous trouvons dans les édîts, ^' n*" ay et 28 de 1762 , la formule du seraient que l'on doit faire prêter aux juifs mot pour mot, dans le plus grand détail, et avec toutes les expressions de V argot-- Judaïco^Ger" moflique^que Fou juge nécessaires pour qu'ils le croient obligatoire. Assurément cette formule peut tout aussi Bien prouver les préjugés des chrétiens que ceux des juifs. Mais enfin y. une longue expérience paroît avoir constaté que la fidélité de la popirlace hébraï- que au serment est équivoque quand il s'agit Ses chrétiens. i-y Religion» etc. $y nouvelles colonies , sur des terrains nou- vellement défrichés; bientôt leur morale changera avec Femploi de leur industrie et l'amélioration de leur sort • Eh î quel plus heureux pronostic de leur amendement , que tant de change- mens utiles dans leur colonie à Berlin par le seul exemple de Mendelssohn ! Les juifs de cette ville sont déjà très-affranchis de toute sorte de préjugés. Ils aiment en gé- néral Finstruction » et l'étude est le délas- sement de ceux qui ont du bien. Ils ont formé nombre d'établissemens utiles pour leur nation , entre autres une école publi- quepour les pauvres enfans. Il s'élève , parmi eux, d'habiles médecin^, des ma- thématiciens , des hommes versés dans les sciences naturelles, les seules aux- quelles ils puissent raisonnablement se livrer, puisqu'ils n'ont rien à attendre de toute autre étude (i); enfin c'est déjà (i) Le docteur Bloch, juîf de Berlin, a publié, il y- a quelques années > une histoire naturelle d'ichthyologîe , très-recherchée des connoisseurs. Le retcs. 58 L I V R E V 1 1 1. une très - estimable colonie. Voilà ce qu'a opéré un seul homme, sans aucun con-^ cours de la législation. Qu'on réfléchisse à ce que pourroit, pour achever ce grand ouvrage , une libérale bienveillance de la part du gouvernement. Sociétés se- Pour finir sur les sectes prussiennes, il nous reste à parler des sociétés secrètes. Leur histoire est peu (ionnue hors de TAl- lemagne, et très- capable d'intéresser un lecteur- philosophe ; mais plusieurs des nôtres la regarderont peut être comme un roman. Tous les Allemands instruits peu- vent cependant attester la réalité des faits que nous allons rapporter ; et ceux de nos lecteurs à qui ce vaste empire est étranger, ne sauroient peser avec une trop grand/e v attention notre récit , avant de prononcer sur son importance. Vers la fin du dernier siècle s et au com- mencement de celui-ci, on entendit parler docteur Marcus Hertz donne depuis long-temps^ à Berlin , un cours gratuit de physique expéri- mentale , où nous avons vu ce qu'il y a de plus dis- tingué dans cette ville, et même les fils du roi. R ELI G r o N, etc. 59 d'une association ou confrérie secrète, qui d'un chef- lieu existant en Angleterre , mais que personne ne cpnnoîssoît, s'étoît répandue en Europe, sous le nom de francs - maçons. Les voiles les plus épaiç du mystère la couvrirent jusque vers Tan- née mil sept cent quarante. On en parloît comme d une chose extraordinaire ; on regardoit comme un téméraire celui qui y entroit ; on en fàisoît toutes sortes de contes, dont les gens raisonnables rîoîent, et sur lesquels les membres de l'associa- tion observoient les véritables règles du secret, c'est-à-dire un profond silence. Leur nombre étoit petit, et leur zèle, comme il arrive toujours , fervent en pro^ portion. Frédéric-Guillaume, ennemi de tout ce qui n'entroit pas dans le cercle étroit de 5eS idées, haïssbit un institut qu'il ne Mnnoissoit pas , et que l'on croyoit alors généralement contraire à la religion , sans savoir pourquoi. Dans un voyage fait en mil sept cent trente-huit, il en parla avec un comte de la Lippe , qui en étoit mem- ëo E I V R E VIII. bre , et qui le défendit vivement Frédé- ric, présent à ces discours, résolut d'entrer dans cette association. Il se concerta avec le comte , et ftit reçu , le quatorze août de la même année, à Brunswick (i). Tant que Frédéric ne fut que prince royal, cette grande réception resta secrète^ et ne fut connue que des principaux frères ; mais lorsque son père mourut , on se hâta de l'ébruiter. Le roi lui-même , encore unt peu enthousiasmé d'une chose nouvelle , se déclara franc-niaçon , et tint , en mil sept cent quarante , peu après son avène- ment , comme maître en chaire , une très- grande loge à Charlottenbourg, où il reçut apprentis le prince GuîUailme de Prusse son frère, le marcgravé CHarles de Bran- debourg, et le duc Frédéric- G uillaumie de Holsteîn-Beck (2). Vers cette époque, la. franc-maçonnerie avoi t acquis des accroissemens deitruc- (i) Voyez les détails de ce fait dans les lettrés de ^ M. de Bilefeld. (2) Voyez Fischtrs Gfsckichu FrUdrichs des ztm , tom. 1 * / I I Religion, etc. 61 teurs du ton ordre et de la régularité ^ auxquels on n'astreindra jamais long- temps une société très-nombreuse. L'évé- nement dont nous parlons y contribjia beaucoup en Allemagne. Tout le monda voulut devenir franc-maçon ; les^ princes sur-tout entrèrent eti foule dans cette société. La gtferre de miî sept cent cîn- quante-six mît le comble au désordre ; ceux qui avoient donné l'impulsion à la machine , comprirent qu'il n'étoit plus ^possible de la gouverner, et résolurent de changer de marche. Alors parurent, comme s'ils sortôîent de la terre , des hommes envoyés , disoient- îls , par des supérieurs inconnus , et ar- més de pouvoirs pour réformer l'ordre et le rétablir dans son antique pureté. Un de ces missionnaires , nommé Johns- ton , vînt à Weimar et' à Jéna , où il s'é- tablît. Il fut reçu d'abord le mieux du monde par les frères , leunrés de l'espoir de grands secrets, d'importantes décou- vertes qu'on ne leur faisoit jamais connoî- Ire , et attachés à l'ordre par les agrément 62 Livre VlII. des loges de table , et sur-tout par Féton- uement àe ceux qui n'en étant pas, les re- gardoient Bouche béante, comme des es- pèces d animaux rares. On ne sait pas précisément ce qui se passa , mais enfin l'autorité souveraine de ce petit duché fit enfermer Jonhston dans un vieux château nommé la Warterbourg , d où il n est ja- mais sorti (i). Un autre de ces émissaires , nommé le baron de Hund , fut plus heureux. Il prêcha une réforme, et la fit adoptera nombre de loges. 11 engagea le duc Fer- dinand de Brunswick , le vainqueur de Creveldt et de Minden, à se mettre à la tête des loges réformées , qui se nommè- rent de la stricte observance. On sait à pré- sent qu'il enseigna que l'ordre des francs- maçons n'étoit qu'une association conti- nuée de celui des templiers , destinée à en perpétuer rexistence , et que^son but (i) C'est le métne château oii Luther fut em- prisonné quelque tenrps , et où , comme chacun «ait , il lança son écritoîre à la tête du diable. On montre encore leb- tachés d'encre aux voyageurs. ' Religion, etc. 63 éloît de rétablir cette société. Il cîrculoit une liste de ses possessions» Le plus haut grade étoit d être reçu templier avec toutes les cérémonies de l'ancienne chevalerie. Dn reçut des docteurs en droit et en mé- decine , chevaliers d'épée. Lorsqu'on est de sang-froid , on a peine à concevoir que des hommes raisonnables se prêtent à des idées si bizarres : c est qu'on ne songe pas.assez à la contagion de le- xemple^ et à la puissance.de Tenthousîas- me. Il régnoit dans cette branche de Tor- dre un esprit de despotisme monacal aussi grand que possible, dans une association qui n'étoit pas soutenue par l'autorité du gouvernement ; et cela encore étpit un nouveau lien. pour les hommes , tou- jours saisis par les rites et les observan- ces. On y parloit en outre de personnes cléricales qui possédoient les .secrets , et qa^on disoit vaguement être dans telles et telles contrées, sans déterminer jamais précisément 1 endroit, ou sans qu'aux en- droits indiqués on pût jamais les dé- couvrir* 64 Livre VIII. Cependant cette réforme porta un coup mortel à Tordre , en y semant la zizanie. On étoit reçu maçon dans un endroit, et Ton n*étoît pas reconnu pour tel dans un autre. On réfléchît sur tant de bizar- reries , de contradictions et de mystères. Des gens d'esprit , des observateurs atten- tifs voulurent savoir ce que c'étoît que Tordre; et leurs recherches n'eurent , com- me on le verra bientôt , que des résultats; trop sérieux. Frédéric n'étoit assurément pas du nombre de ceux que Ton mène long-temps par des espérances Vaines. Il se lassa bien- tôt d'une institution où il ne troùvoit au- cune utilité; » Cest dommage, dit à ce » sujet M. Fischer (i) , que Frédéric II, yi qui avoit déjà fait dé si grands ^as dans la maçonnerie^ n'ait pas poussé sa » ferveur jusqu a devenir grand-maître » de toutes les loges allemandes ou du >> moins prussiennes : sa puissance eft » auroîtreçuun accroissement très-con- » sidérable , et bien des négociations ou • »•■•■• (i) Dans Fouyrage cité, i*^ roi urne Vpag. 49. >> des Religion, etc. 65 » des entreprises militaîres seroîènt de- » venues plus faciles dans la suite; elles » auroient du moins pris un autre tour, » s'il avoit mis Tordre dans s« dépen- ' » dance, ou s'il ne s'étoît jamais brouillé » avec les supérieurs de cette association. f> On observe que Ferdinand le (]atholi- » que a fait un chef-d'œuvre de politi- » que, et posé la pierre fondamcnlale » de la grandeur postérieure de la mo- ff narchîe espagnole , en. réunissant les » trois ordres de chevalerie à la couron- » ne ; et je crois qu'un monarque qui » devient grand-maître d'un ordre , ou » qui parvient à le rendre dépendant de i> soi , comme Joseph second, se pro- » cure bien des avantages. « Nous ne savons pas si M. Fischer sait ce qu'il dit ici , c'est-à-dire, s'il parle avec connoissance de cause; mais, à tout évé- nement , nous ferons de courtes observa* tiens à lui et à ceux qui rentendent, car Jes détails nécessaires pour rendre ce pa« ragraphe intelligible à ceux qui ne ^>nt pas versés dans ces matières, seioîent Tome V. £ 66 Livre VIIL trop longs pour trouver place ici. Quelle comparaison peut-on faire entre la réunion de la grande-maîtrise de trois ordres mili- taires, établis, riches, puîssans, souvent redoutables à la couronne, et l'acquisi- tion de la grande-maîtrise d'un ordre idéal, dans la personne d'un roi , non comnie souverain , mais comme frère? Est-il éton- nant qu'un Frédéric n'ait pu se concilier les supérieurs de cet ordre, ou leurs ayant- causes? Pouvoient-ils vouloir de lui pour grand - maître ? Enfin , à supposer que Joseph second se soit assujéti un certain ordre , et nous avons de grandes raisons d'en douter , cet ordre a-t-îl fort înflwé sur le succès de ses projets politiques , soit au dedans , soit au dehors ? Quoi qu'il en soit, la prétendue restau- ration de l'ordre des templiers échauffa les esprits. Il y eut des jalousies , des haines, des intrigues, pour des comman- deries imaginaires , pour des ornemens , des rubans accordés ou refusés, des dé- corations nullement connUes dans le mon- de, et que l'on ne revêtoit qu'en secret Religion, etc. 67 et parmi les frères. Les princes , qui s'é- ' toieot tous jetés de préférence dans cette branche de Tordre , dont un de leurs con- frères étoit le chef, y possédoient tout le pouvoir : ils y fkvorisoient la naissan- ce ; on parla bientôt de ne donner les hauts grades qua des gentilshommes; il y eut quelques loges où Ton ne put s'introduire qu'en cette qualité: dans tou- tes, la noblesse, ou du moins le rang, avoit une préférence marquée. Un autre objet de mécontentement fut Targent. La maçonnerie en général, et sur-tout la branche des templiers, pro- duisoit annuellement des sommes im- menses pour les frais des réceptions et les contributions de tout genre. Une partie étoit employée en dépenses d'ordre, mais une autre très-considérable couloit dans une caisse générale , dont personne , ex- cepté les premiers d'entre les frères , ne savoit remploi. Jamais on ne rendoit à la loge compte de ses deniers, de sorte que les maçons payoient, et payoient tou- jours sans savoir pourquoi. On conçoit 68 Livre VII L assez que l'autorité des grands et des puissans retenoît les mécontens sous une chaîne qu'ils détestoient; mais il est plus difficile de comprendre quel attachement lîoit si étroitement ceux-là à une chimère sans réalité. Voici le mot de cette énigme. ■ Après avoir échauffé les esprits par la réforme et fidée du rétablissement de for- dre des templiers , les moteurs de cette singulière machine firent paroître sur la scène des thaumaturges. Ceux-ci sem- bloîent ordinairement n'avoir aucune re- lation avec la franc- maçofinerie vulgaire; mais ils s'attachoient toujours à des per- sonnages éminens en ce genre , sur-tout par leur rang. Un des premiers et des plus habiles charlatans de cette espèce, fut un nommé Schroepfër , cafetier de Leipzick, auquel le duc Charles de Cour- lande avoit fait donner des coups de bâton , mais qui sut ensuite tellement •fasciner ce prince, et une grande partie des personnes les plus considérables de Dresde et de Leipzick, qu'il joua un assez grand rôle. Dès-lprs on vit reparoître Religion, etc. 6^ en Europe les folies de TAsie, de Ja Chine , la médecine universelle , l'art de fiure de lor et des diamans , le breuvage de Timmortàlité, etc. etc. Le genre partir culier de Schroepfer étoit sur-tout l'évo- cation des mânes : il commandoit aux esprits, il faîspît apparoître à son gré les morts^et les puissances invisibles. On sait .quel fut le dénouement de son dfame. Après avoir couAiié des sommes immen- ses à ses adhérens , après avoir aliéné le bon sens de plusieurs d entre eux, dans rirapossibilité de se soplenir plus long- temps , il se cassa la tête d un coup de pistolet , dans un bosquet près de Leipziclc. A Schroepfer succéda Saint-Germain', qu'un comte de Lambert avoit annoncé dans son Mémorial d'un mondain. Ce Saint- Germain avoit vécu des milliers d années; il avoit découvert un thé devant lequel disparoissoient toutes les mala^dies ; il faîsoit, en se jouant, des diamans gros comme le poing. H, s attacha au prince Charles de Hesse, et oublia, comme ses prédécesseurs > de ne pas mourir. . ^ * E iij 70 L I V R E VIIÎ. Sur CCS entrefaîtes , Gassneir , thauma- turge religieux , parut aux environs de Ratîsbonne. Il n'appartenoît pas à la ma- çonnerie ; il ne s'attacha à aucun des prîn* cîpaux membres de Tordre ; mais il ne lui en fut pas moins utile , car tous les prodiges dont on entendoît parier, fortin Soient la foi générale aux miracles, et c'étdlt-là un des grand$ ressorts de la ma» chine. *N- Au sein de la Suisse vîvoit un pré- dicateur d'une imagination ardente , d'un eSprit pénétrant, d'une ambition déme- surée, d'un orgueil indomptable; homme Ignorant, maïs doué du talent de la pa- role, ivre de mysticisme, avide de pro- diges , pétri de crédulité. Il s'imagina qu'a- vec la foi , Ton devoit pouvoir faire encore de nos jours des miracles. Servantes, paysans , prêtres catholiques , francs- maçons, tout s'allioit dans son esprit avec la possibilité du don des miracles , dès qu'il aperce voit la moindre appa- rence d'un fait extraordinaire. M. Lavater ^e fit un grand parti, paraii |es femmes sur4out; 1« femmes lui amenèrent c^ hoauDcs, et il entraîna toos ses adhènra^^ que bientôt il compta par milliers^ par millions, dans le parti des visionnaires. Aux Schroeplèr , aux Gassner , aux Saint - Germain , succédèrent Mesmer > Cagliostro, dont les extravagances ot les friponneries sont assez connues ^ sans compter la (ouïe d'insensés^ de charla^ tans, de jongleurs de moindre réputa- tion , qui s'élèvorent de tous côtés. Un M, Prîce , qu on se gardera bien de con- fondre avec le respectable défenseur de la cause américaine ^ se vanta en Angle* terre dç savoir faire de lor, et s empoi- sonna dès qu'il lui fallut pratiquer soa secret en présence d'hommes éclaiitJs. Un baron de Hirschen prétend encore aujour- d'hui , en Allemagne , posséder une mé- decine universelle , composée principa- lement de sédiment d'urine. Il a su gagner une foule de partisans , entre lesquels le savant Semler à Halle , si libre de pré- jugés dans ses Recherches sur Us origines du christianisme ^. na point rougi de se F îv 7^ L' i' V R E 'VI IL ranger. On ne fitlîroît pas , s'il Falloît noter même les priticipaux faits de l'his- toire de ce délire» ' Cependant ce concours de thaumatur- ges , loin d'appaîser les divisions de la franc-maçonnerie, augmenta la fermenta-- tîon. One nouvelle branche de francs- macons s'éleva dans les étals du roi de a Prusse. On la nomma Us loges et èe sys^* iême de Zinnendorf^ du nom de son -fon- dateur. Ce Zinnendorf, autrefois membre de la branche des templiers, s en détacha, et se jfbrma urt grand parti , assurant qu'il avoit seiil les vrais riteé et les vrais mys- t^res. Chacune de ces branches décrioit toujours les autres. Cette agitation nouvelle attira de plus en plus Tattentîon des gens sensés, du moins dans Tordre. Frappés du côté favo- t-able de la maçonriërie , et de Topprobre dont elle se couvroit paf ses dîssentions intérieures , ils formèrent* une associa- tion, sous le nom de miçonnene electiqiœ. Elle profèssoit pour\ principe une' tolé- rance générale de Idutes les sectes de R E L' 1 G I o N , etc. 73 Tordre ; et ce système, le. iseul sensé au fond , si quelque chose pouvoit letre en telle matière, gagna en peu de temps beaucoup -de partisans. Les chefs de Tordre des templiers vi- rent alors que leur machine tomboit en ^ ruine. Depuis quelque temps, on tenoit des chapitres fréquens, où les députés des provinces s^e rendoient pour délibérer sur les affaires de: Tordre. Il s'en éboit.- terfu à Brunswick, à Wisbaden; on -eu convoqua enfin un général. à Wilhelpis* bald , dont un M. Béyerlé de Nancy a publié les résultats (1). On y voit avec surprise que la pre-. mière question qu y proposa le grand- maître, fut: QUEL EST LE VRAI BUT DE- l'ordre , ET SA VÉRITABLE ORIGINE ?: Ainsi ce même grand-maître, et tous ses , assîstarls , avoient travaillé pendant phis de vingt années avec une ardeur incroya- ble, à une chose dont ils ne connois- 1 _ SOIENT NI LE VRAI BUT, NI l'ORÏGINE , (i) De conventu Utomorum* 74 ' Livre VIII. pas plus que les supérieurs par lesquels ils avoîeht été menés jusqu'alors. A ce congrès des chefs de Fordre , le système des templiers fiit abandonné , et Ton ii>s- titua un ordre de la Chevalerie de la Bienfaisance. Vers ce roéme-temps parurent deux livres remarquables , l'un intitulé , dés ERREURS ET DE LA VÉRITÉ; lautre , D|: l'homme et de ses RAPPORTS, lls con- tenoient tous deux des choses inconceva- bles. Xiw assez grand nombre de lecteurs les élevoîent jusqu'aux nws , assurant qu'ils renfèrmoient le résultat le plus pur de toutes les cbnnoîssances humaines, Dautres dîsoient nettement que c'étoit un galimatias insensé, auquel personne ne pouvoît rien comprendre. Un.homme (i) , dont le nom deviendra eher à l'humanité, quand la crise sputer- "»* (i) M. Boden , dans un écrit qui a pour titre , Examen impartial du livre intituU , DES ERREURS Et DS. j^ VERITE^ far unfrcre hâqiu enfuit de science. Il a cir* culé manuscrit dans quelques mains , et même , îl en est un tres-pf lit nonibr^ d'evfrmplairçs imprimés. I R B t î G î o N i ^tc. yS raine qui agite TAUçliiagiie «era passée. Si elle ne réussit pas à écraser le bon sens et la saine raison, entreprit de dé«- Voiler ce mystère. Il iÇt voir distincte- ment , ^elpn nous , qu'il y avoit un chiffre à ces livres ; il montra qu en donnant un sens câché à certains mots , tout s'expli* quoit clairement et simplement. M. Ni- colaï, dun autre côté, dans son histoire des templiers , dont on n a traduit que la première partie en François , rendit trèa- vraisemblable que lorîgine de la franer maçonnerie n'étoît autre chose qu'un parti ibrmé en Angleterre , pour remettre la famille des Stuarts sur le trône (i). Alors la chose parut digne d'attention aux bons esprits. Mille faits frappana^ mille conjectures, dont là réunion fpruie un corps de probabilités très-imposant, montrèrent que la franc-maçonnerie n'é- (i) Vcrsuch uber die JSeschuUîgUfgen urder dm Ttmpd- hrraordtn , tom. i , pag. 146 et s^iv. C'est dans Tap- pendicet quf nous ne croyons pas avoir elé tradujf poD plus. 76 Livre VIlI. toit autre chose qu'une aflfîliatîon de Tor- dre des jésuites , originairement fondée en Angleterre , étendue ensuite en d au- tres pays, parce que les chefs éprouvèrent combien ce ressort de la curiosité , de la vanité et de Taltente de grands secrets thaumaturgiques , menoîent loin les hom- mes, sans qu'ils connussent le but de ces mouvemens excentriques. Ce n'est point ici le lieu de rapporter en détail les preuves de ce fait, que la plupart des bons esprits de l'Allemagne regardent maintenant comme démon- tré (i). Ceux qui sont initiés dans l'or- (i) Elles se trouvent en grande partie dans un plivragc publié au moment où nous revoyons ces feuilles , sous ces titres : Les Jésuites chassés de la Maçonnerie ^ et leur poignard brisé par les Maçons ; et , La Maçonnerie écossoise comparée avec les t^ois professions et le secret des templiers du ^uator^ème siècle. On y voit ^ue les jésuites ont profité des troubles intestins du règne dfe Charles I % pour s'emparer des symboles, des allégories et du tapis des rose-croix-maçons , qui n'étoient cjue l'ancien ordre des templiers secrète- ment perpétués. Ofi y voit par quelles insensibles innovations ils sont parvenus à substituer leur caté-- chisme à l'instariiction des templiers , et comme ils R E L I G I Q ^ , etc. '^J dre , une fois avertis , s'en înatniiron|; aisément ,par des recherches très à leur portée. Ceux qui ne le sont pas , peuvent nous en croire sur parole, ou rejeter notre opinion san? examen; rien nest plus in- différent , puisqu'ils n!influeront ni en bien, tii etn mal, soit pour, soit contre les opératÎQns de cette société. Qu'ils at- tendent paisiblement d'en éprouver les t^tX% pour y réfléchir, à la bonne-heure; mais s'il leur vient jamais dans l'esprit .qu'il est peu sage de prendre son horizon pour les bornes du monde , et de juger de tout sur le pays où l'on vit , ils pen- n'ont plus fait en général de .toute la maçonnerie européenne, que l*embléme parfait et complet de» quatre vœux de leur compagnie , etc. » etc. , etc. Cet ouvrage qui fait beaucoup d'ho^ineur aux, connoissànces 9 à la sagacité , et même au courage de M. de Bonneville, n'est pas, comme on pourra le croire en France, un système. Cest un rapproche- ment très-complet et très-exact des principaux faits qui ont conduit en Allemagne à l'importante dé- couverte sur laquelle nous appelons l'attention de tous les bons esprits et des vrais amis de l'huma- ,mté. \ ' , 78 L I V RE VI IL lieront peut-être qu'un tel ordre n éprou- vant que peu d'agitations dans un pays catholique , y doit être considéré k un certain point , coinme un jouet dans la naaîn des désœuvrés; mais que dans les pays protestans , où il peut opérer la révolution de ramener les souverains ^ les grands y les puissans au catholicisme , pour faire rentrer par eux les peuples dans le giron de l'église, il nest pas étonnant que ses progrès ou ses démar- ches causent une excessive fermentation. ItlTsur Avant de passer outre, et de détailler '.^r^liine autre scène, qui a fait à -la -fois honneur et honte à TAlIemagne , il ne sera pas inutile d'examiner le bon et le mauvais côté de toutes les associations secrètes. La difficulté de cette question, est de concilier le point de vue philoso- phique, avec celui de membre dun état quelconque , dont en général le principe doit être ne sauroient atteindre , et confondent sous un masque commun Thomme sincère et le charlatan. Enfin l'imprimerie , grâces à laquelle il n'est plus de mystère permanent , les liaisons du commerce , les mille moyens de circulation inventés Jm* ces derniers siècles , et qui donnenl^BR de ressour- ces nouvelles aux corrupteurs , la multi- tude des professions qu'ont enfantées les législations modernes formées de pièces de rapport, et associées aux spéculations de finances , rendent si difficile à garder le secret confié à une société d'hommes quelconques , qu'on ne sauroit s'empêcher de croire que le temps des associations secrètes et vertueuses est passé. •. Et quand on réfléchit que c'est par une association secrète que la Suède a vu ren,- verser sa constitution ( car c'est sous le Religion, etc. 85 voile de cette association , que s est tramé le projet qui a mis le pouvoir absolu entre les mains du roî , et , quoi qu en dise la flatterie , quoi qu'on raconte même des désordres du gouvernement précédent , depuis quinze ans que cette révolution a eu. lieu, le royaume en est-il devenu plus florissant ?) quand on rélléchit qu'il est une société qui très-probablement a le projet infernal de plonger les hommes dans le cloaque delà superstition , de les enivrer de fanatisme , de les goiiverner médiatement par son chef , comme l'ini- bécille Indien du Paraguai ; que cette société , entièrement indifférente dans ses moyens , profonde dans ses ruses , inalté- rable dans sa patience , infatigable dans sa persévérance, a fait à une époque si voisine de la catastrophe qui sembloit lavok anéantie , des progrès remarqua- bles , on frémit à l'idée des associations secrètes. Voyez comment , chassée au sud de l'Europe , la redoutable société dont nous parlons , prend racine au nord, d'où elle sembloit entièrement bannie. F* • • 86 Livre VIII. Voyez ce souverain , à q\iî une des bran- ches de cet ordre a mis la verge du des- potisme entre les mains , rapporter de son voyage d'Italie une sorte de passion pour les principes ultramontaîns , que la seule crainte du zèle luthérien de son peuple , Fempêche encore de manifester. Voyez en Allemagne tant de princes , ivres de Fespoir et de lattente de moyens surna- turels de puissance , évoquer les esprits , explorer l'avenir et tous ses secrets , tenter de découvrir la médecine universelle , de faire le grand œuvre , et , pour étancher leur soif insatiable de domination et dé trésors , ramper à la voix de leurs thau- maturges que dirige un sceptre inconnu. Voyez des ministres protestans , oubliant tous les motifs qui les séparent du catho- licisme leur antagoniste . éternel , louer , prôner, colporter des livres de religion , imbus de toute la mysticité du seizième siècle ;.publier eux-mêmes des écrits pour proclamer les rites du catholicisme , re- cevoîr les ordres sacrés tout en restant ministres protestans, ou du moins en R E L I O I o N, etc. 3^ être publiquement accusés , sans pouvoir s en défendre nettement et sans amba- ges (i) ; voyez toutes ces choses , et tremblez sur les dangers des associations secrètes. Que si vous accordez plus de croyance aux anecdotes qu'à la combinaison des (i) M. Lavater , entraîné par son amour pour les, miracles , vers une religion où l'on prétend qu'il s'en fait encore, enivré des flatteries de ceux qui veulent le faire concourir à leurs vues , prône et fait prôner à ses adhérens les ouvrages ascétiques de l'ex-^'ésuite Sailer. M. Dreykorn , ministre luthérien de Niirmberg, a écrit une explication apologétique de la messe. Il dit, depuis que ce fait est devenu public, qu'il l'a écrite pour l'usage des caftoliques. Mais de quoi donc pré(cnd-t-il se m^ler ? y a-t-il du bon sens a un prédicant hérétique de vouloir apprendre aux catho- liques ce que c'est que la messe ? M. Starek,le premier homme du clergé du pays piptestant de Hesse-Darmstadt , a été nommé publi- quement, dans un livre intitulé VAnti-saînt-Nicaise y comme ayant reçu les ordres du clergé catholique. Le journal de Berlin , ce noble antagoniste de la superstition et du fanatisme, a rapporté cepassage^ et prié M. Starck , pour son honneur , de se justifier sur ce point. M. Starck a cru répondre ^ en inten- tant un procès aux rédacteurs du journal ; et notez Fiv ..** «5 .' L r V R,f VIII évènemens et des^ràpprochemens , écou-^ tez un fait récent , et dont vous jugerez lauthenticité par la nature même des circonstances. Deux hommes d une naissance distin- guée , tous deux au service de Prusse , tous deux zélés franc-macons encore au- jourd'hui , avoient cru entrevoir dans bien que l'auteur A^V Anii'SaknuNicaist ^^%\: \xn homme connu en Allemagne , ( M. de Sprengeisen à Co- bourg ) qui s'est offert de prouver juridiquement son assertion , si M. Starck le demandoit. N'étoît-il donc pas plus simple de sommer Je dénonciateur ^ que d'actionner le journaliste? Cependant, entaché d'un tel soupçon , M. Starck n'en ^^t pas moins ministre protestant du landgrave de Darmstadt ; tandis que M. Bardt, pour avoir penché de l'autre côté , a été chassé de sa place par l'autorité du fiscal de l'empire. Ajoutez que M. Starck a été un des premiers membres de l'ordre maçonnique \ qu'il a écrit une lettre remarquable à Schrœpfi^ pour lui demander d'où il venoit ; que Schrœpfer lui a répondu dans son argot , de façon à lui faire entendre qu'ils partoient de la même source; qu'enfin le prince héréditaire de Darmstadt a joué un rôle très-actif dans la maçonnerie L'histoire littéraire * reli- gieûse et politique de l'Allemagne ^ offre mille faits de cette espèce, plus sîtiguliers les uns que l^ô autres* Religion, etc. ^'89 cette sorte d association quelques ressour- ces , lun pour son ambition , lautre pour . rhunianité. Ils setoient en conséquence livrés à cette cçnïedération et à ses pré- tendus travaux , avec plus de zèle que de réflexion. Leur assiduité fixa latiention des chefs, et, sous prétexte de récom- penser leur dévouement à Tordre, ils furent destinés aux plus hauts grades. A l'époque de la cérémonie qui devoit • les en investir, Tun fut envoyé en Sîlésie, où des lettres lui procurèrent le même bonheur , la même confiance qu a l'autre qiii resta à Berlin. Le jour arrive où celui- ci doit être initié ; ce même jour fut des- tiné pour le néophyte de Breslau , et tous les détails qui vont suivre , ont été identiquement et rigoureusement sembla- bles pour 1 un et pour lautre. D'abord on exige du récipiendaire un )eû]|^ de vingt-quatre heures; on lui donne ensuite un livre contenant les peintures les plus énergiques , des opérations téné- breuses exécutées par les esprits : après deux heures de lecture, on lui fait boire I / 90 Livre VI IL une liqueur spiritueuse, et il est placé dans une salle immense , tendue de noir , éclairée par trois bougies jaunes ; cinq magiciens paroissent et s asseyent sur des coussins; plusieurs détonations se font entendre ; des gémissemens , des con- vulsions leur succèdent ; un homme s'a- vance vers l'initié , pose sur son front un ruban aurore , couvert de caractères d'argent , et lui passe autour du cou un second ruban empreint de plusieurs croix* tracées avec , du sang ; enfin on lui remet une seconde croix de cuivre ; chargée d'hiéroglyphes , une amulette recouverte de drap, et un morceau d'alun pour le tenir dans sa bouche à l'apparition de l'esprit infernal qui futé voqué.*.. Voilà le ridicule ; voici l'horreur. Un des acteurs de cette scène téné- breuse lit la formule du serment que les initiés "doivent proférer. Il c6nsistei|^ans la promesse de révéler au chef de l'ordre tous les secrets qui pourroient être con- fiés ou découverts d'explorer tout ce qu'il pouroit lui importer de savoir • • • Religion, etc- 91 (d'ejmployer au besoin , pour le servir, le fer ou le poison. • . de fendre imbéciiles ceux dont il étoit imprudent de trancher les jours (1) .... de soumettre toute reli- gion , toute • promesse , tout devoir , tout sentiment , à la décision du chef. ... de ne contracter ni engagement , ni lien , ni marché sans son aveu de donner droit de mort sur soi à celui qui pourroit vous convaincre d'avoir trahi les secrets con- fiés Cet exécrable serment glaça d'horreur les prosélytes : ils déclarèrent qu'ils ne pouvoient le prêter (1). (i) Dans cette partie du serment , se trouvent ces mots : Honorare semper aquam Tophinam, (i) Voyez le rapport de ce serment , avec celui que M. de Bonneville a tiré du Masonry dissectedde Samuel Prichard. / herehy soitmnty vow ahd swear^ in thc présence of Almighty Godj and this nght worshipful assembly , that I will hail and conceal , and never reveal the secrets or secrecy of Mason or Masonry , that shaU be reveaUd unto me ; unless to a true and worshpful Lod^ of Brothers and FeUows Mfell met. I furthermore promise and Ww, that I mil not write hem iprint them , mark thcm, carve them, or tngrave them^ 92 L I V R E y 1 1 L Voilà les détails parfaitement et litté- ralement concordans, qu'ont révélés deux , hommes réputés gens d'honneur , dont l'un est fort simple et l'autre assez délié, iqu'on ne peut regarder ni comme apos- tats, ni comme relaps , puisque tous deux, encore zélés pour la franc-maçonnerie , n'ont en horreur que ces additions mo- dernes : voilà ce qu'ils ont révélé , dans Tin temps où l'on croyoit fortement qu'à Berlin , hors du cercle de la vision , il n'étoit ni crédit , ni faveur , ni fortune à espérer; voilà ce qu'ils ont révélé , sans se concerter, comme ayant éprouvé toutes or cause them to bc wrîtun , printcd ^ markedj earved^ or engraved on wood or stone , so as the visible characur or impression of a Itttcr may appcar , whereby it may be un- lawfully obtained. AU this under no less penaky , than to hâve my throât eut ^ my longue taken front the roof ofmy mouth , my hearl plucked from under my left breast ; then to be buried in the s and ofthe sea , the îength of a cable rope from shore , vfhere the tide ebhs andflows twice in twentyfour hours ; my body to be bumt to ashes^ my ashes to be scattered upon the face ofthe earth , so that there sball be no more remembrante ofmt among Masons. Religion, etc. 93 ces choses , Tun à Breslau , l'autre à Berlin. Et comment Font-ils révélé? La céré- monie des hommages , et les premiers mois du nouveau règne avoient attiré à Berlin une foule de personnes de toutes les parties de la monarchie. Les hommes dont nous venons de parler, aperçoivent un jour chez le roi ceux qui , dans Finfer- nale cérémonie , avoient dû les initier. Convoqués par leur pontifes , le.^ citefs des provinces s'étoient rendus à Berlin , dans une circonstance où le parti des visionnaires regardoit comme prochain le jour de son triomphe, trompé sans doute par les passe - temps auxquels la curiosité , lennui , Fambition pouvoient avoir poussé un jeune prince , long-temps privé de tout emploi de son activité. A l'aspect de ces thaumaturges, les deux dénonciateurs éprouvèrent une terreur si violente, qu'ils coururent la déposer dans le sein de Famitié éprouvée , confiante , consolatrice, d'où , sans qu'ils ayentpu le prévoir , elle a été communiquée à un très- grand personnage. ... On sent que nous 94 Livre V 1 1 ï. n*en pouvons pas dire plus ; mais la con- cordance de ces. deux hommes , équivaut à une preuve morale; et pour croire à la véracité de ces témoins oculaires , il nous suffiroît presque dç penser qu une invention de cette nature ne sauroit être l'ouvrage d'un jour. Qu'on ne dise point : Mais comment ces deux hommes vivent- ils encore ? car ce n'est pas sous Frédéric qiîel'on auroit pu faire disparoître deux officiers distingués ,' sans explication et sans crainte de recherches ; d'ailleurç celle preuve négative , qui serait tout au plus une singularité , n'établit rien contre une preuve positive. Quoi qu'il en soit , et sans que nous puissions nous permettre d'en dire aujour- d'hui davantage , nous portons hautement aux parties intéressées le défi de démentir cette anecdote. Que les philosophes réfléchissent jus- qu'où l'on peut mener l'espèce humaine avec les plus frivoles ressorts ; pour queis intérêts elle est capable de s'agiter ; à quoi l'oisiveté, Findolence et la cupiditéréunies, * ' \ /;v-- Religion, etc. 95 peuvent porter les hommes riches et foibles î Que ceux qui ont tant calomnié U philosophie, nous apprennent quelle est la digue à opposer aux progrès d'une secte homicide , qui tient sous la puissance du glaive ou du poison (1) , les rois, les (1) /(T «r sais point être clair ^ disoît un grand homme , pour qui ne veut point être attentif» Au milieu de ces «troubles intestins , qui jettent dans toute la nation une alarme universelle, nous conjurons tout lecteur de vouloir bien arrêter un instant sa pensée sur ce tableau des allégories de la maçonnerie écossoise , offert mystérieusement aux adorations nocturnes de plusieurs milliers d'hommes. Nous le plaignons s'il ne frémît pas à la vue de ces ordres divins , de ces tours assiégées , de ces poignards , de ce tout-puissant invisible, et armé de la foudre au sein des ténè- bres. Observez que ce tjpis est de mil sept cent quatre-vingt-trois!...'., de mil sept cent qua- tre-vingt-trois ! . . . . Ce poignard sur une palme, emblème d'une guerre éternelle , est un aOreux sym- bole de prêtres conjurés contre la raison et la paix du genre humain. Nous renvoyons à l'ouvrage de M. de Bonneville , page lo^ , seconde partie , pour le développement de cet acte suprême de la maçonnerie d'Ecosse. Nous devons ajouter ici , qu'un original de cette graynte hérédonienne sera déposé chez un notaire à Parin. 96 Livre VIIL penseurs , les esprits courageux ; et certes nous nous garderions de la braver , mê- me loin de son trône, si Tespèce de croi- sade à laquelle nous nous sommes voués dès long-temps contre les ennemis de la - raison et de la liberté humaines, ne nous imposoit à nos propres yeux le devoir de compter pour rien les périls. Illuminés Dans un temps où tous ces mystères en Bavière. J^iniquité étoicut moius connus , des hommes éclairés , vertueux , zélés pour le bien de Thumanité , crurent , en Ba- vière , trouver dans le sein même des associations secrètes , le remède à leurs abus , à leurs dangers. Feu lelecteur de Bavière ( Maxîmilien Joseph) ne manquoit pas de lumières; il étoit passablement affranchi dé Tempîre des prêtres; il avbît fait naître dans ses états une aurore d'instruction.Tout chan- gea lorsque ce bel électorat tomba en d'autres mains : les prêtres, et sur-tout les jésuites , reprirent le sceptre , et ra- menèrent avec eux leur cortège insé- parable, la superstition et Tignorance* Précisément R. E L I G I to ^Nv etc. '^f Précisément à <:€tte époque , la loge Théodore du «bon Conseilr à Munich, où se trouvoient quelques hommes de tête et dé ^cœur, étoit lasse de se voir baJlotée par le* vaines promesses et les querelles de* la maçonnerie. Les chefs résolurent d'eritfe> sur leur branche une autre associatfoft secrète j-à «laquelle ils donnèrent le noni d'ordre dès * illuminés. Ils le talquèrent sur la société de Jésus , rtiaiisl en se proposant des vues diamétralement opposées. Les jésuites veulent enchaîneif les hommes aux autels de 1* superstition et du despotisme ; les illuminés crurent qu'en employant les mêmes moyens , la prudence , le temps » la persévérance , ils pôurfôient tourner contre leurs adversairesi Pavantage de n'avoir aucun rit extérieur qui les distin- guât, aucun chef visit)le qui pût les dis- soudre , et qu'ain^sî rien ne letir manque-» roit pour éclairer les hommes, et les rendre heureux et libres. La basé deleur système fut d'attirer à eux des jeunes gens , de les conduire à \ite\ à s'instruire , à réfléchir; Après les avoir. formés à leurs principes^ Tome y. G «8 Livre VIÏI. ils les faisoient entrer dans la maçonne-^ rieytâchoient de s'emparer ainsi des loges, et de faire tourner ces iiiiitituts à des choses vraiment utiles à Thumanité. Il sagissoit d'en faire un lien universel, qui unit un très-grand nombre de gens éclairés dans les étreintes primitives de fraternité et d'égalité-, d'où résultent Ibbll- gation et la facilité de s'entre-secourir , de travailler au bien de l'espèce humaine. On projetoît d'étendre autant qu'il seroit possible la sphère des connoissances, non pas tant en profondeur qu'en surface ; de faire parvenir les vérités et les connois- sances utiles jusqu'à la classe du peuple ; d'y introduire la raison , le bon sens , et une saine connoissance des droits des hommes. L'amélioration du système pré- sent des gouvernemens et des législations étoit le grand but de l'association, par upe marche insensible et sur-tout fondée sur l'instruction , en sorte que le despotisme se trouvât peu-à-peu circonscrit du moins dans les limites du bon sens ; c etoit une règle fondamentale de n'y laisser entrer M MM m i ■ t Religion, ete» ancun prince, quelles que pussentêtre âéà vertus; on juroit,à lentrée dans les grades supérieurs , ' de ne jamais se détacher de Tassociation , et de diriger tous ses moyens naturels et acquis vers son bût; de con- tribuer de tout son pouvoir à préserver les souverains de fautes , d'erreuFs et de crimes ; à faire abolir l'esclavage des paysans, Tasservissement des hommes à la glèbe, les droits de main- morte, et tous les usages et les privilèges qui avihssent rhumanité ; les corvées, sous la condition d'un équivalent équitable ; tous les corps de métiers, toutes les maîtrises, toutes les gênes imposées à l'industrie et au com- merce , par les douanes , les accises , les taxes de quelque dénomination que ce soit j on juroit de tout tenter pour le sou- lagement du peuple , pour procurer une tolérance universelle de toutes les opi- nions religieuses , pour anéantir toute ju- risdictîon ecclésiastique, pour ravir à.la superstition toutes ses armes , pour fayo- • rîser la liberté de la presse, pour publier et répandre des livres élémentaires , qui G ij lôo Livre VIIL instruisissent les hommes de leurs droits; on juroit de s'opposer par-tout aux injus- tices des puissans , et si Ton ne parvenoit pas à les empêcher , de les dévoiler , de les publier, d'en imprimer aux auteurs le ièr chaud de Tinfamie. Ce projet étoit beau , noble , grand ; mais on manqua de prudence dans son exécution. On voulut en voir presque sou- dainement Teffet ; on ne songea pas que tout édifice, pour duher , doit s^élever len- tement. On multiplia les réceptions ; il s'y glissa des fourbes et des méchans. Les appuis du bigotisme et de la superstition -surent bientôt ce qui se tramoit contre eux ; aussi-tôt ils armèrent le bras du gouvernement. Le* comte de Savioli, an- cien serviteur de la maison de Bavière, fut renvoyé avec une très-modique pen- sion en Italie. M. Weishaupt, professeur à Jngolstadt, fut chassé avec plusieurs au- '^res. On emprisonna ceux-ci ; on jeta ceux- làdans des couvens pour y faire pénitence : enfin, excepté la mort et les tourmens cor- porels , ces infortunés souffrirent tout. t * • RELIGION, etc. lot Peu de' temps après, quelques membres de cette association dispersée , formèrent un cabinet de lecture. Aussi-tôt , nouvelle persécution de la part du gouvernement; proscriptions , emprisonnemens , et dé-, fènse, sinon de lire à Munich , au moins de former un cabinet de lecture, que Fori nomme en allemand, left bibliotheck. Dans cette dernière révolution , on saisit tous ks papiers d'un des çnembres de Tordre^ et on les publia (i) pêle-mêle, sans distin- guer les papiers particuliers , de ceux re- latifs à Tordre. Ces derniers sont la meil- leure apologie que Ton puisse imagiper, et des vues de cette association , et des moyens qu'elle prenoit pour y arriver. Dansf les autres , il se trouve une recette pour le poison trop célèbre sous le nom d^aqua Tophana , et une autre pour faire avor- (i) Einîgt orlgînal'Schriftén des illi^mnaten'^rdcns, wtkhe bey dem gewesenen Regierungsrath Zwach, durch vorgenommene Hausvisitation ^u Landshut den iiten und i2ten Octobtr 1786 vorgefunden worden , ouf hachsten bcfehl se'mer churfûrstlichtn durchlaucht {um druck befoerdert 1787 y 407, pag. ^:y^. V-, ' 102 Livre VITÎ. ter. On a voulu tirer des conséquences odieuses de cette découverte ; comme si tin curieux de la nature ne . pouvoît pas recueillir de ces choses , sans en faire usage ! comme si , avec une telle logique, .Ton ne feroit pas' de tout chimiste un scélérat ! En un mot , le procédé du gou- vernement de Munich, dans toute cette affaire , a été scandaleux et tyratinique; cependant, chose remarquable ! on n'a pas osé employer le glaive , tant l'esprit du siècle a de puissance ! Travaillons donc à répandre les vrais principes , et la révolution désirée s'opé- rera précisément de la manière dont nous pouvons rambitidnner, lentement, dou- cement ^ mais sûrement , et sans que les fripons puissent abuser du moyen. Quel est-il ce moyen ? le courage d'écrire de grandes vérités, et de les publier par Fim- pression. Tel est le palladium du bonheur de rhumanité. Lart de l'imprimerie, qui rend impossible, du moins à la longue , le maintien des sociétés secrètes , même de celles que forment les fripons les plus m ■v K 0^lé I G r o N/etc. rusés , s^oppose aussi sans doute à celles des hommes vertueux; mais il leur ouvre des ressources mille fois préférables. £m« ployons ce moyen sublime , qui a centu- plé les forces de Thomme, et donné à Fopinion un empire capable de balancer jusqu'à la puissance atmée. Servons- nous-en même pour détruire les associa* tions secrètes ; la peste y est entrée trop profondément; il n'en est aucune qui puisse se garantir de finfame contagion. Peut-être aussi long-temps que les asso- ciations secrètes dureront , avec une im- portance comparable à celle qu'elles ont aujourd'hui, les bonnes têtes et les cœurs généreux doivent- ils y entrer, et même chercher à y jouer un rôle actif. C'est le plus sûr moyen d'en éventer les machina- tions souterraines , d'en faire H^orter les infâmes complots, et même de les dé- truire. Je ne f aurais agir là où je ne suis point , disoit un homme sage , vertueux , profondément versé dans ces matières. Art tutélaire de l'imprimerie , c'est à toi que cette puissance est réservée ; c'est G iv F. paît toi qu'utte voix forble «ai^ se/feîre fatendre d\irrô eMtrémîté du globe à Tau- UP. ; c'est par toi qu'un ami éerla paix peut cictermînër plus de brigands que la force rt'ela a jamais domptés ! 'i II est des branches de là maçonnerie , au.moirts en Allemagne , où il règne un tel despotisme, que l'habileté la pluspro* fonde d'un néophyte lui seroit inutile , ril ne se plioît pas aux volontés des an- ciens de Tordre : en'vaîn tenteroit-îl d'é- branler leur pouvoir; il ne le pourroit qu avec la même autorité qu'eux; alors il seroit trop tard* Ce n'est que dans la maçonnerie libre qu'il peut être permis d'entrer ^ avec l'espoir de faire quelque feiein. : Nous ne saurions au reste indiquer toutes le^ifcictes qui déchirent aujourd'hui ià franc-maçonnerie en Allemagne , ou si l*on veut , les divers ordres qui ont une ressemblance avec ce que fon nomme proprement ainsi Les anciens franc- maçons , les loges réunies sous le duc Fer- \dinand de Brunswick, les loges réunies T ^^ J* r*.-^ R*L I G I ON, etc. ' la5 SOUS k grande loge germanîc][ué de Ber^ lin, les rose-croix allemands, très-dîfférens de ceux qu'on nomme ainsi en France , sont autant de branches distinctes. Ces rose-croix j qui ne se mêlent de la ma- çonnerie que pour la gouverner , sont une secte mystique, cabalistique , théologique et magique. Des visionnaires d'une autre espèce sont appelés centralistes : le nom- bre en est petit , et nous ne les connois- sons que par pui-dîre. Il est encore des franc-maçons éclectiques , qui ne prennent aucune part à ces extra;vagances; ils lais- sent chacun suivre un chemin à son choix en maçonnerie , reconnoissent pour frères tous ceux qui ont été initiés dans l'ordre, et nadmettent aucune espèce de hauts grades dans leurs loges. Enfin il est des illuminés , nous entendons ceux qui ont tiré leur source de Bavière, qui conser- vent le projet, plus intéressant que sage, d opposer , par une société secrète , une digue à l'oppression et au fanatisme. Telles sont les principales associa* tions mystérieuses en Allemagne. Si l'on 106 Livre VMI. « excepte les illuminés , que les jésuites ont trop vivement persécutés pour que Von puisse croire leur haine simulée, et que cette association encore ne soit qu'un ressort de leur ordre, il est d'une vrai- semblance approchante de la certitude que toutes les autres branches ont été imaginées par les jésuites , et sont des émanations de ce corps redoutable, ins- tituées à plusieurs époques ; tantôt pour arriver à un but fixe, comme dé prendre pied dans une contrée afin d'avoir les moyens d'y tenir des agens et des émis- saires ; tantôt pour Substituer une forme nouvelle à une forme usée , et donner un appât nouveau à la curiosité ; tantôt pour échauffer les esprits , et ranimer le zèle par le trouble et la contradiction. Frédéric avoit la tête trop saine pour donner prise aux visions et aux vision- naires; nous ne savons pas si Ton a échoué dans le dessein de le conquérir; mais il est plus probable qu'on ne l'a voit pas même tenté. Nous ignorons aussi quelle fut la nature et l'époque de la brouilUrie de ce R E, t I G I o N, etc. 107 monarque avec les stipérîeurs de Tordre maçonnique dont parle M, Fischer , ou même s'il les connut. Mais le bon et le niauvaîs principe auroîent pu s allier 9 plutôt que ridée dabrutir Tespèc© hu- maine , pour la livrer aux mains d une so- ciété qui veut la régir par la superstition 9 ne seroit entrée dans la tête du roi qui a le plus concouru à l'expansion de la lumière parmi les hommes. Cependant , soit qu'il ne connût pas les machinations modernes de la maçonnerie , les visions , les folies , les horreurs qui s'y sont élevées dans les derniers temps , et moins encore la tendance générale de toutes ces asso- ciations mystérieuses ; soit qu'ayant une fois adopté le costume maçonnique , et protégé ouvertement Tordre , il ne voulût point , même après avoir reconnu son but pernicieux et ses dangereux acces- soires , se rétracter et sévir contre une société où il n'avoitpas dédaigné d'entrer, ce qui n'auroit servi au reste qu à Tenrâ-, ciner plus profondément par le zèle de la contradiction , il n'exclut de sa vaste / 108 L I V R E V II I. • tolérance aucune des associations secrètes. Les maçons de toutes les dénominations, fes rose-croix, les centralistes, etc. eurent, sous son rjègne, toute la liberté possible d'établir des loges et des conventicules à leur fantaisie, pourvu qu'ils ne troublas- sent point extérieurement Tordre public. Aussi Berlin a-t-il été, et même est-il encore extrêmement agité dans ce sens. On y a vu des sectes j des partis, des con- jurations, des miracles chimiques, enfin des extravagances de tous les genres. Quelle issue aura cette .tempête au fond de la mer , dont il ne paroît rien à la sur- face ? Elle continue , peut-être même elle augmente ; son explosion sera terrible .... O humanité î à laquelle j ai voué mes for- ces, mon foible talent, tout mon être, puisse le génie tutélaire de la philosophie détourner les maux qui te menacent! Nous finirons cet article, dont la lon- gueur n'a d'autre excuse que son extrême importance pour l'Allemagne , en obser- vant que c'est apparemment Fordi-e des illuminés que M. Fischer â voulu désigner , Religion, etc. 109 . par celui que Joseph II ayoit su s^assu- )étîr. On a dît en efiet que cet ordi^ se vouoit tout entier à Tagrandissement de la puissance impériale, A la vérité , il fiit un temps où lempereur s en est fort oc- cupé. Peut-être aussi, pftur se procurer ua appui contre les persécutions que Tordre prévoyoit en Bavière , ou parce que les premiers pas du règne de Joseph ayoient beaucoup de rapport avec les vues des illuminés, les principaux membres de Tor- dre s'étoient- ils attachés à Tempereur. Mais le prince et les illuminés se sont mutuellement trompés dans leur attente. L'empereur na rien fait pour eux dans la cruelle persécution qu'ils ont éprouvée en Bavière , ni directement en intercédant auprès de Telecteur, sur lequel il a tant de pouvoir ; ni indirectement en prenant à son service les exilés et les fugitifs. L'or- dre n'a rien fait pour Tempereur, puisque aucune de ses entreprises, soit de négor ciations , soit d'hostilités, soit de réforme intérieure, ne lui a pleinement réussi. D'ailleurs en. vain les chefs de l'ordre 1ÎO L I f R E VIII. souhaîteroîent d'employer Tactibn de ses membres à augmenter, le pouvoir de la maison impériale.- II en est un grand nombre qui connoissent trop bien le danger dont cette maison menace l'Alle- magne, pour ne*pas sacrifier mille vies plutôt que de concourir , et que disons- nous ? plutôt que de ne pas s'opposer de toutes leurs forces à ses desseins , et à leurs coopéra teurs , soit religieux , soit politiques, lastruction. Lareligioneuroitbienmoîns d'influénce , sur le caractère des peuples soumis au christianisme , si elle n'étoit pas intime- ment liée à l'instruction. Nous ne savons s'il faut l'attribuer à l'habileté du clergé, ou seulement à la nature d'une religion où l'enseignement de la morale s'est trouvé réuni à la théologie : mais les ministres •du christianisme ont été bientôt en pos- session de toute l'instruction ; ils le sont -absolument encore de celle du peuple. Différence La réuuiou de la doctrine morale à la desrcligions . , • .. . anciennes , doctrinc religieusc n est une propriété que tre àcet é-'des rcligious de l'Asie, du moins elle garcL R £ L I G I>0 N, etc. 111 n^appartient pas à celle des Grecs et des Romains , les seuls peuples de l'Europe civilisés avant le christianisme. Jamais les prêtres de Jupiter ou ceux d'Apollon ne prêchèrent ; et jamais on n'envoya , ni chez eux, ni chez leurs délégués, les en- fans au cathéchisme pour recevoir leurs premiers documens. La reh'gîon , chez ces peuples , n'étoît que le code des moyens de se rendre la divinité propice dans cette- vie , d'obtenir du ciel , pour la^ation , la victoire , et les autres bénédictions publi- ques ; pour les particuliers , la santé , les richesses, le succès dans les entreprises , l'évasion d'un danger , l'amour d'une per- sonne adorée ; enfin toutes ces choses que nous sentons ne pas dépendre de nous , et qu'en conséquence nous rangeons dans le domaine d'un être inconnu, sur lequel l'homme ignorant se forme mille chimères. Ces moyeni consistoient en sacrifices , en offrandes , en cérémonies : chaque di- vinité avoit son département, ou local , ou générique; on s'adressoitàcelle qui pou- yôit, dans l'opinion vulgaire, exaucer tel *. *iî L I V if E VIII. OU tel désir; tout cela étoit fort étranger à la morale. Il ne s'agît pas ici de prouver cette opinion. Mais , nous en appelons à ceux qui ont approfondi Tantiquité : qu'ils di- sent si de tontes les divinités , celles qui avoient le moins de temples , de prêtres et d'adorateurs, n'étoient pas les dieux infernaux , desquçls cependant dépendoit , selon les anciens , le sort des hommes après cette vie (i). s (i) Avec des huantes très-diverses toutefois. S*il «st un. fait constaté dans les antiquités , c'est que la religion des peuples de la Grèce et de l'Italie m absolument la même. Des colonies grecques vinrent policer et cultiver Pancienne Hespérie. Les con- iioissances sacrées et les profanes y Rirent trans- portées de la .Grèce;; tout nous l'atteste. Ce n*est pas que les aborigènes de l'Italie n'eussent déjà fait* des progrès dans la culture, et ne se fussent formé t)es traditions et des coutumes religieuses avant Ja première arrivée desi peuplades de la Grèce. L'home me , cet animal guerrier par sa nature, est néan- moins sî craintif, qu'un dé ses "premiers soins est ^e se créer des imaginations poui^ trembler devant -dles.Xes peuples ^u Nouveau-monde ^ et quelques- uns de l'ancien, qu'une navigation perfectionnée nous a fait découvrît^ plongés daiis Tétét^de' barbarie le Mais R E li I G t: 6 N, CtC* tl5 Mais chez nous , où les idées sont tout-à-fàît changées , où la grande affaire n'est pas d'être heureux dans cette vie dont nous jouissons, mais dans l'autre que nous attendons , on n'auroît pas in- culqué assez profondément la prééminence d'un avenir éternel si l'on n'en avoit im* pregné tous les canaux de l'ame dès la plus tendre enfance. Le clergé s'est donc hâté de se saisir de réducatioaj:norale de tous les hommes 9 pour leur inspirer dès É*«BÉte.i^Mtb V plus abject , et toutefois ayant des jongleurs , de» fétiches , des manitoux de ieur propre invention f mettent ce point hors de doute ; cependant les res^ tiges rares et épars de l'ancienne religion italique f que l'on retrouve dans les^auteurs latins > l'inflexion que ces vestiges y ont prise , sont une preuve que le culte des Grecs a englouti celui de& Latins ^ et s'est entièrement emparé de l'esprit de cèux*ci« Mais si l'esprit national apporta peu de change-»^ mens à la religion des Grecs transplantés en Italie ^ le temps lui en a fait éprouver beaucoup davaa;* tage dans l'une et l'autre de ces contrées. C'est une vérité trop peu coq^ue. La différence entre les idée# religieuses de Virgile et d'Homère est immense^ Ce^ pendant, quand il s'agit de paganisme (puisqu^oH nomme ainsi une religion de trois à quatre mî-U^ ^. animées de durée , et d'um nombre proportionnel de Tome K H 'ft4 L I V R^E Vlli. TauVore de TînteHigehce , cette façon de j$iETiser particulière et si peu naturelle, de vivîé non pas là où ils sont, mais là où iis ae sont pas. Lorsque la réibrmation vint changer tes idées religieuses dé tant de peuples , FEurope étoit encore dans une assez profonde barbarie; le clergé se trouvoit à-peu-près seul en possession des con- noissanceig: il fut donc impossible de songer à lui ôter Pihstf uction générale. Les peuples), on croit fkire beaucoup en distinguant la religion des JPerses de celle des Egyptiens , et Pune et l'autre de celle des Grecs et des Romains. Mais durant un espace de plusieurs siècles , les idées religieuses ne changent-elles donc pas extrêmement? On cite itidifféremment Homère et Lucien , Plante , Virgile et Apulée , pour ce qui concerne le culte grec et romain. Bayle a cependant déjà dit que la religion change dans tptts les âges ; bren que chacun croie la laisser en mourant comme il l'avoit trouvée en naissant, par une erreur naturelle qui provient de riusensibilité de ces mutations, dont là somme présente enfin à la* postérité' 1^ tableau dé deux religions diverses. Il seroit utile de tracer cette suite de changemens chez tous les peuples connus, avec la sagacité , la patience et impartialité d'ua pliilosophe studieux. R Ë L t G I O K , ttC. Iî5 princes protestansVemparèrcntdes biens du cler^ catholique ; pour éviter le repro- che d une honteuse avidité et d'une espèce de sacrilège, ils en sacrifièrent une partie à des institutions pieuses , entre autres à Tentretien Jhommes préposés à Tinstruc-* lion , mais qui tous dévoient avoir fait des études théologîques. Cette révolution eut un inconvénient grave , celui de faire des stipendiée du gouvernement de tous ceux qui travail loient à Tinstruction. A la vérité il parut en résulter un avantage , savoir que Tins- tmctîon devint moins chère, que les plus basses classes du peuple en purent profi- ter , et que la plupart des pères se trou- vèrent en état de faire instruire leurs en^ fans. Mais il est aisé de montrer que cet avantage est très-illusoîre. Tout , sans exception , gagne à la liberté , à une concurrence parfaitement illimitée. Un stipiendié est constamment et indubitablement plus négligent quun homme qui perçoit son salaire en propon» tiDn de son habileté et de son assid*i.:é« Hi) ii6 Livre VIII. Le gouvernement ne peut pas ôter légè- rement les places qull confère , soit pour ne pas nuire à son- autorité , soit parce que ses affaires en seroîent très-multi- pljées ; cependant , en les donnant , il ne peut pas prendre les attentions néces- saires pour n'y placer que de bons sujets , pleinement capables d'en remplir les fonc- tions. Quelques examens , quelques con- cours impartiaux qu'il établisse, on sait toujours le tromper ; et la faute, une fois consommée, devient irréparable. Au con- traire , en abandonnant l'instruction à la concurrence libre , il établit une censure publique, générale, et continuellement attentive. Un homme change-t-il de prin- cipes ou de conduite ? se néglige- t-il? il en est puni infailliblement, et dans le mo- ment même , en perdant l'affluence de travail et de rétributions , que son habi- leté et son assiduité lui avoient procurés. Peut-être en effet l'instruction seroit- cUe plus chère , mais ce seroit une raison de plus pour laisser aux hommes de quoi la payer? et les peuples ne gagneroient-iU Religion, etc. 117 pas infiniment, si les souverains rendoient en remises sur les impôts, en libertés accordées au commerce et à Tindustrie , îa masse de ce Qu'ils épargneroîent en frais d'instruction ? Ce renchérissemerit d'aîlleur* ne seroit pas tel qu'on peut le croire; parce que Ton inventeroît des mé-* thodès d'instruire un grand nombre d en- fans à-la-fois. L'esprit humain tourné vers cette spéculation , prendroif un gt^iia essor , crééroît une nouvelle industrie. L'histoire de cie qui s'est fait à cet égard en Allemagne depuis quinze à vingt ans, en est la meilleure démonstration. Rousseau avoît écrit son Emile, le livre le plus parfait, peut-être, qui soit sorti de la main des hommes , et dont la pu-, blication place i»contestablement son au- teur au rang des premiers bienfaiteurs de l'humanité. Cet ouvrage sublime fut en Allemagne un flanîbeau pour l'ame d'un homme orné de diverses connoissances i doué d'un esprit ardent et profond^ brû- lant du désir d'être utile. Il répandit svht l'instruction et sur l'éducation de iéiyes Hiij f ' pS t I V R E VIII. lumières; il raoptra qu'il ne falloît pas se contenter d enseigner des mots auxenfans; qu'on pouvoit mettre des choses à leur pprtée ; que pour apprendre facilement les langues , il ne falloit employer que Tusage ; qu'il le falloit même dans les^ langues mortes ; mais que sur-^tout il ne falloit pas Jire avec les enfans,dans une langue incon- pufe, des livres dçnt les objets leur étoient bien »moins connus encore , et se trou- voient fort au-dessus de leur capacité ; que rpn . devoit par conséquent s'occuper , ay^ttout, de composer des livres^ élémen- taires. Il prouva qu'on en avoit besoin dans tous les genres, parce que ceux qui ^xistoîent étoient. fort mauvais > il tenta de montrer comment ces livres dévoient être composés pour donner des notions justes et fécondes. IL en écrivît un (i) , accompagné de cent planche^ propres à donper aux enfans quelques idées nettes des rapports naturels , des relations mo- rales, de la physique, des mécaniques, 't. ! I " I ■ ■ • I ■ ■ I I I I ■ I ' . H. li l' B R* E L I G I OiN 9 etc. ^19 de la géographie, de rhistoire» etc. €!b^ LVm¥Fage en lui-même est médioci^ (^pioh que Tiiitroduction coutienoe dVxcçlJei)^ principes sur la méthode d*étudier;.m9is il a &it rérolutioB , ^ les planches sonft utiles à qui sait les en^ojer. ^ A œs travaux théoriques» M. Bas^ dow ( «est le nom de rhomve recom»- mandabie dont nous parlons .) voulut joindre une maison dleducatiou qui 4€WQÎt servir de modèle et de séminaire poiy Airmer des instituteqpns, soit pacticuMeiSty smt pubhcs. n la nomma Fhilantropin , ^ ^'adressa au puUic 9 afin de rassernUy trente mille écus d^AJl^nnagne, qu'il r^^ar- doit comme nécessaires pour la-£»dea^ Le prince de Dessau pffirit un grand nomr- faie de &ciUtés pour établir cet 4nstititf dans sa ville; mais il ne .pouvoit {)as le fimàer seuL Aucun pdnce ^us puissant ne iiit assez libéral pour aider à cet éta- blissemeiit 9 ou pour le fonder; aucun n^ soupoomia que c*ié toit-là un moyen ans^ imr de s'illustrer, que dacheter deux ou tixns tableaux , * ou .mévpke. daeogager 'pQur Hiv • 12Ô t I V R E VI IL quelques années un castrat merveilleux. La plupart des souverains ayant chez eux des établîssemens de cette nature , aux- quels ils ne vouloient pas nuire , i^épu- gnoient à y recevoir un tel institut. Donner trente mille écus pour le fonder dans une ville étrangère , c'étoit envoyer Parlent hors du pays ; et Tidée seule en effraie nos grands hommes en finance ! Daîlleui% là tourbe théologique s'élevoît contre le novateur qui s'étoît déjà montré favora- ble à je ne sais quelle hérésie , et qui tra- yailloî;t à ôter àu3t théologiens l'éducation , éti moins des classes relevées du peuple-^ ' Admirez ce contraste ! Un*énergumènc nommé Frank, avec trente sous dans sa poche, conçoit le projet de fonder une tnaison d'éducation stir les principes de la bîgotterie et du monachîsme les plus ■©utrés. Il s'adresse aux âmes dévotes : "aussi-tôt l'argent afQue ; le plus riche , le plus vaste établissement d'éducation qii'îl y ait au monde est formé î Basedow conçoit un projet pareil , et parce que les dévots m s'en mêleùt point, l'AUe- ^^ I Religion, etc. 121 magne entière ne peut pas fournir trente mille écus au philosophe qui ne veut qu'élever des hommes du monde , des citoyens utiles! A la vérité , M. Basedow ne s'e^t pas montré, par la suite , tout-à-fait capable d'exécuter le plan qu'il avoit conçu. Il appela des coopérateufs habiles ; mais il ne put vivre avec aucun d'eux : tous l'abandonnèrent ; enfin il s est vu obligé de quitter lui-même son établissement , et de le résigner à un homme qu'on dît aussi vertueux qu'habile , et qui , de chétif ' maître d'école de village , étant venu -se former â Dessau dans le phllantropih même , s'est montré capable d'en être le directeur et le principal instituteur. C'est ainsi qu'un garçon marchand (1) , animé du désir de quitter le commerce pour les lettres , après deux ans de séjour dans , cette même maison , et instruit suivant la méthode qu'on y observe, a.pp devenir régent du collège de la ville qf n^rperçante (1) M.Benzkr0! tii . C ï V R E VIIL de Bilefeld, où il exerce son emploi avec honneur- Un des plus grands avantages de la mé* thode adoptée et introduite par M. Base-r , dow j fîit de faire sentir la nécessité de la gymnastique. Elle étoit entièrement négligée dans l'éducation:: outenoit, dès l'âge de septt ans , les , entÊtos enchaînés , huit et dix heures par jour, sur les^livresi. Basedpw , instruit par Je grand Rousseau^ montra qu'il falloit former le corps aussi bien que Fesprit, et même avant Fesprit^ Ce fut une des bases: 4Îe 'son institut^ &Qh œ ptindpe a passé dans une infinité d'autres , et dans le sein d'un grand nom- bre de fatnîHes qui ont profité des lumières publiques. "^ C'est à- itiî- qu'on doit lencore-, du moins eii AUeijQagne , d'avoir îcêppris qu'il ne fàl* loit ni gronde^^beaucoup les eiïÊins ^pcruir qui lé langage de la raison est presque toujours fjoti long-te^ipô du moins , un Jargon iWilil&lligîble , hMes gêner , ni s'oc- cuper -autant -de les punir que de les sur- veiller ; qu'il suffisoit de les cutaurer de mariera & pr-z-v^^iiîi isâ ecâits qui eviis^ les «aians soSem îonxwns sous 4« xé^zK de cuelGr.>es4iEf ie ieiirs eiiacHa:nîr5;* m se reiè^-^enî à £•« efre-î • el ne les cuit- tfzi îasnais: îiîiif, ct-a auîre côK% ces ■f s) Ce ïi'Âoîî jtLs, , i frOïKe ^ vi& co-ucJ(^e^'.r ^«i ^ c-uî se jrê's.tiAolt en ivoît le <3tom . ^r. i'j^lv- ? CM nutfiiflraLt dcct cVtoît la fon^t^Mi ordf- ûe. ^ Le Ic^&Ialear ce :^vaite ^ àkt XrvK>phon ^ » n*£ pas Toulii eue les er.fî^p<^cmcui\&sfcnt sji)>s » 53iTeîllc.D5 , mécje en r^bsence <3u jxr^'îor.omo» Uo » pxcicier qui se présente prend alors *• pî^>e jv^wr • coismaïKier aux entans ce qu'il îu^ honn^tr^ et ■ pu::it ceux qui s'en écartent. Avoo un rc^lemenl > aas»î sage , il a encore vendu les onfcin^ plus > dociles ; en effet , soit dans la jeunrs$e ^ $oit dan* » l'âge vîrîl, tous les Spartiates Respectent «inj^u* » lièrement les magistrats. Et , afin -que les cnfau* ■ ne restassent pas sans inspecteurs, supposé %\\\u • ne se trouvât aucun 'homme Taît , il a ordonné que » ce seioit I« plus habtié de chaqufr clatte qCli lu » commanderoit. Par- là les enfans nei'cstcut janiaia » sans un chef. .... « ( £j RcpuHiqut Je Lticcj'iatone ^ traduction de M. Vabbé Gail ). ia4 Livre VIIÏ. suFveilIans vivent amicalement , familière- ment avec letirs élèves , et encouragent leurs jeux, bien loin de les contraindre. En un mot , c'est à tous égards que cette nouvelle* méthode d'éducation a la plus grande supériorité sur l'ancienne. On* lui a reproché de n'avoir encore formé aucun homme remarquable, et d'un nom fameux, comme il en est sorti des anciens instituts. Mais d'abord ces établissemens sont très-nouveaux ; on ne sauroît préten- dre qu'ils aient exécuté en dix ou quinze années , ce que les autres ont fait à peine en plusieurs siè^s. Ensuite , ce n'est pas de produire deBlommes supérieurs qu'il s'agit ; ceux-ci s'élèvent d'eux-mêmes , soU'- vent malgré les obstacles, et sont en gé- néral des instituteurs infiniment médio- çres, témoins Gondillac et Rousseau. Il He faut que former une foule de citoyens réellement instruits , et délivrés des pré- jugés dont on ne meuble que trop l'esprit de la jeunesse ; des hommes, en un mot, ayant un esprit s^in dans iin corps ro- buste* Voilà ce que l'ancienne éducation R E L I G 1 O N, etc. 125 néglîgeoît , et ce que font încontestable- rrient toutes les maisons d'éducation éta- blies sur les nouveaux principes ; car il en est maintenant plusieurs, et toutes sont des instituts particuliers , qui n'ont tiî la sanction du gouvernement , ni des salaires , ni des fonds concédés par lui , et dont il ne nomme pas les membres* A la vérité ces instituts sont chers, et uni- quement à Tusage des gens très-aîsés. Mais si, dans les villes, les places n*étoient pas prises par les éducateurs stipendiés du gouvernement , s'ils ne réclarooient pas avec tant d'avidité l'exercice de leur mo- nopole , et ne s'opposoient pas incessam^ ment à la concurrence , il s'établiîoit • par-tout , suivant les circonstances locales de chaque ville , de nouvelles écoles à la portée de la fortune médiocre des parti- culiers moins à leur aise. Au reste , l'impulsion que M. Basedow a donnée à l'éducation en Allemagne^ influe même sur les instituts anciens. Parmi les stipendiés du gouvernement , les bons esprits ont saisi ceux des principes *a6 E I V 'r E VIÎï: utiles qu'il â développés , et qu*îl a été ^ssible Id'adapter à leurs établîssemens» tes plus aveuglés' par les préjugés de leur vie entière , et par l'orgueil de ne paroître pas apprendre ce qu'ils îgnoroient, ont été entraînés par le torrent ; de sorte qu'il n'est peut-être pas un seul collège dans l'Allemagne protestante qui n'en ait éprou- vé quelques bons effets* Il est sorti de ces maisons d'éducation , et entre autres de celle de Dessau , un grand nombre de bons précepteurs» qui se sont répandus èaLUB les maisons particulières* On a écrit d'exceHens ouvrages, soit sur l'éducatioii en général , soit élémentaires , pour faci- liter l'art d'enseigner telle ou telle connois- sance ; soit de lecture pour les enfans , afirt de les instruire en les amusant , et de leur donner ainsi le goût de lire^ qu'on ne gagnoit autrefois que dans les romans. Enfin toutes ks vues se sont tournées de ce côté : les gouver- nemens commencent à en sentir Tim- pôrtance ; ils s'occupent fortement de cet ob)et " * R E L I G I o w,ietb. 127 Frédéric n'avoît pas attendu cette épo- P^rf^ctîof que pour s'en occupen Instruit comme l'cducfion *■ * ^ '■ ' ^ ■ dans les c il Tétoit luî'-même , du moins pour un roi , tats de 1 capable de sentir le prix des connoissan- prussienne *• ,, . , , sous Fwfd« ces , et 1 avantage qui en resuite , tant rie 11. pour l'humanité que pour la chose pu- blique , il soîuhaita que la lijmière péné- trât chez son peuple. En nail sept cent cinquante, ce monarque établit le* grand consistoire luthérien , et lui donna une instruction. Ce que les Allemands Ihom- ûient consiistoire est un tribunal ecclésîas- tique Cpii exerce tous les droits épiscopaui BXL nom du souverain chez qui , suivant le droit canon des protestans , réside en der- nier ressort la puissance suprême épîsco- paie y le cura circà sacra. Ce consistoire suprême a la direction de îous les consis- toires particuliers des provinces. Il est statué, dans Téditdfe fondation (1), »que )¥ ce tribunal veillera aussi aux écoles ^ » sui^-tout à celles dé la Marche électo- » rafe , afin qu'elles soient pourvues de » bons maîtres , et que la jeunesse soit bierr -* ■■ • . (i) N». 106 de lySo, §. 7. 4. 128 Livre VIIL » instruite. A cet effet , le grand cônsis- >> toire rédigera un projet de règlement » suffisamment détaillé , tant pour les » consistoires provincfeux que pour la » Marche , où sera fixée la manière dont » les seigneurs patrons d'église et les bâil- ]» lis royaux doivent concourir , lorsqu'il « s agit de préposer des maîtres aux écoles » vacantes. « • Chose admirable ! au milieu des trou- bles de la guerre, Frédéric ne perdit pas de vue ce noble, objet. En mil sept cent soixante-trois, avant que la paix fut con- clue avec Fimpératrice-reine , il donneavîs au chef du grand consistoire, qu'il venoit d^engager huit maîtres d'école «n Saxe , dont il vouloit que quatre fussent répartis dans la Marche, et quatre dans la Pomé- ranie ultérieure. II ordonne qu'on les place convenablement, qu'on les protège contre toutes les vexations de l^nvie, pour qu'ils servent d'exemple , et même qu ils instrui- sent les autres^ maîtres d'école à naieux enseigner la jeunesse (i). Ainsi ce grand ™ ■■ I .1 . ■ l—l «^ M l I — —^ I ^ (i) Ann. 1763, ll^ ô. roi \ R E L i G i a N, etô* iii^ t^oi ne rougît pas de rendre cet utile booimage à la supériorité de Tinstruc-* tion en Saxe* On y est arrivé en cflPet à un degré de perfection inconnu , m^e dansL les autres contrées protestantes' de TAllejnagne. Il est très-difficile de trouveô? en Saxe un paysan . qui ne sache point écrite. La même anAée^ peu après son retour à Berlin ^ Frédéric enjoignit • éii dépattemeat ecclésiastique luthérien en Silésie > et au gtarid^vicjdre de Tévêque de Breslau (i)^ de v^^ller soigneusement au bon ^tat des écoles, . ; En ceci > la guerre tiiême servît TImi» manité. La manutebtion. militaire de nos; jours e^tige que, tous leç. bas-officiers sa* cheut écrire, et chiffre^* La guerre ed enlevait beaucoup > et Ton étoit souvent embarrassée pour trcKiver des sujets capar^ blés de remplir les. places valantes» Les d^fs des régimens . s aperçurent que ce remplacement soufiroit des difficultés particulières dans les régimens de la (i) AiiD. 1763 > n*^'. 14 et i3» Tome FI i3o L I T R K VII L Pbmémnie, dé k Silésie et de la M%¥che , et presque toiijottf » c'étoîent des Saxons quR fon trou voit capables de remplii^ les poBtes importansi dé bas -^ o£Bcier$^^ ^ au moins' quant à rkistrùction. Ces observa* tions^ iiirent vraisemblabletnent la causé qw décida lé foi ^ etigàger ^s «laftred d'éeole «axons, et à s'ocGuperplus|)artiôu- lièrelnent de Téducation de ses prâ^îHt^. ' . Non-seulémênt 3 autorisa ^ èm^àWéept cent soixante-citKi>(i'j^ lëccfti^steîi'fe su-^ prème à oasMr^ttynis les noaitrefs- d*éc6lé îgnorans , réfractaîrfes, ou d'une mauvaise eoïkduite; mais il enjoignit aulc- baillis et aux préposés dans chaque^^ndroit , de veiller à ce que Ifes* paysans envoyïissent tettr&enfansrégûtîèrcment à Técôie deux: fois par semàitlie^ ittlis |es moi^ d^éjé , et tdtis les jours le reste dé Tannée (2). Enfin ^ en iiiil sept cent soixante -onze/ îl or- donna (3) que les mîrlistres dé chaque paroisse lui adrésseroient , tous^ lesi'si» M I I * I* I (i) N». 6. (2) 1769, n^ I. (3) Par uo édit du 10- oétobre/ R ^LTi'G I or N,:ett. i3t ïùêh , 4in Yapport détaillé des écoles atlà^ chées à 'teùrs églises t'xfe 'tèUr prescrivit le fbrtîîulâîi^ ^e ce ràjipoft. Ce moyen'-^ toujours iin certain , vfl les-pà5^sions partif culières Cpsi sVri mêlent^,' hifeis le seuli^u'âit un gouvernement absolu pour ^cotitiôîfffc Tétat éès choses ,; étiiît destiné à contenir dans Ibrdrè lësTnstîtirfetti^'s de la jeunesse ^^ et à |5résëHtèr au rôî lës'progrès de fifts^ tructibn^datiéie plat-pajrs: Il serait Vëp long de rapporter tous les édks de Frédéric , relatifs à cet objet. Dn a &ouVent dit que la ïnîsérable condition dés' thâîtres d^'écôle-étoît la vraie cause de^ leur grande incapacité. Mais , Scfh$ doute ; il en coûteïoît th>p à Tétat pour donner une soldé honriête à une si grande foule de stipendiés. Pouf mettre ies maître^ d'éctolè de la Marche électoraiê seulement sut le' pied annuel de quatre cents livres chacun , il faudroit , dit-on , uni aècrbissement de dépense de quatre cent mille livres par année (i). Nous ne (xj II y a un peu plus de deux mUle ylllages danf cette province , dont chaque mâîtrèr d'école n'a^ l'an H) / i32 Livre VIIL garantissons pas ce calcul , maïs naus soutenons que .dans Tordre adtuel des choses, rinstruetion n'en iroit pas mieux pour ce surcroît de dépense,; et qu'ainsi cei changement he vaudroit pjas à letat ce qu'il lui çoûteroit. ; - , ... Quel profit , politiquement parlant , Fétat peut-il tirer àt ce que; les habitans de la campagne soient plus^i^niverselle- ment instruits? Celui d'éteijjC^e 1?^ sphère de leurs idées , de' les reqdrf i ; par cela même , plus industrieux , pilus capables d'améliorer leur condition ? Mais si vous tenez votre paysan dans la servitude ; si , en gênant toute espèce de- conâmerce , vous le livrez garrotté à l'avidité de vos manufacturiers ou de vos financiers , toutes ses lumières acquises , toute soâ industrie ne lui serviront à rien qu'à ag- graver son malheur. Ah ! rendez -lui la liberté , mettez-le en état de vendre au plus haut prix et*d'acheter au plus bas ; bientôt vous le verres? prospérer , et par cela portant Tautre, que deux cents liyres par ^ pour eu vivre avec toute «a famille. Religion, etc. i33 même augmenter d'industrie , d^întelii- gence et d'activité , quand même il «na saurait ni lire ni écrire. Les paysans ap* prendront d'eux - mêmes , et indépen-* damment de vos lois , des arts si utiles f lorsqu'ils ne seront plus dans la misère* Ensuite , il est généralement vrai que le gouvernement qui paie bien a des hommes habiles ; maïs cela ne peut durer long-temps à l'égard de toute une classe très-nombreuse de stipendiés. Ils s'accou- tument trop vite aux émolumens de leurs places; dès la seconde génération, les bons effets d'un rehaussement de solde ^ qui agît sur la première, cessent entière- ment Les causes qui ont influé avec la paye modique pour rendre les anciens stipendiés de mauvais instituteurs, et pour les recruter de sujets pitoyables , revien- nent agir avec toute leur force. Mais outre la liberté du commerce et de l'industrie^ accordez la liberté de Tinstruction ; souf-« frej que quiconque croit le pouvoir , en- seigne , sans être autorisé , ni même payé par vous ; et les écoles deviendront « i34 Livre VMI;: : meilleures, et les hommes en sortiront plus instruits. On nous objectera sans? doute ce qu On a tant répété , tjiie s'il feUoit payer davarttâge , les pères n'enver- roient point leurs ènfans à Técole; qu'ils ne s'en abstiennent déjà que trop souvent aujourd'hui , où la rétribution des maî- tres d'école est si modique. Et nous ^ nous Soutenons que Ton calomnie la nature humaine , que Famour paternel est trop vif pour qu'on rencontre beaucoup de pères dénaturés qui résistent au plaisir de mettre leurs enfkns en état d'arnélîorer leur condition. Certes , dans la misère où la plupart dés paysans languissent aujourd'hui , toute dépense les écrase ; mais si on leur laîssoit de quoi la porter , et s'ils voy oient sur-tout qu'elle fructifiât , îlis la feroient presque tous avec ardeur. Quoi qu'il en soit , Frédéric souhaita d'améliorer la condition des maîtres d'é- cole , mais il ne vît pas sans doute dans la certitude des résultats une compen§a- tïort de ce qu'il auroît été obligé de refuser aux autres besoins de l'état pour satisfaire R s L I G 1 .O .Ne, «te. iSS à celui-ci. Nous trouvons la preuve de ce qu'il vx)ulut à cet ^ard y dans un édit du dix-^sept août mil sçpt cent soixantGk cinq , où il sai^t avec empressement ^une occasion qui se présent^- d'augmenter le^ revenus des maîtres d école de la Marche électorale. L'exemple du roi -animoit les gentîla- hommes à Ëiire ce qu'ils pouvoient y^^i au moins ce qu'ils croyoient pouvoir; car l'esprit public que Frédéric sut in^irer à ses sujets 9 sous une constitution servile, est vraiment admirable , et mérite Tatten- tion des observateurs. Plusieurs seigneurs particuliers donnèrent des soins très- pateraels à l'instruction de leurs pay$aii^. Nous avons parlé de ce respectable Ro- chowy chanoine de Halberstadt, qui s'est distingué d'une manière si noble en cfe genre , et sans doute dans un motif plus touchant que cdui d'imiter l'exemple àa roi ïï etit pour mobile un ardeât amour de l'humanité , la plus noble comme la plus vive des passions pour le cœur qui l'éprouve. Ce citoyen vertueux a porté tes liv i36 Li r ^ E vïir: armes ; cruellement blessé dans la guen* de sept ans , îL s*est retiré sur isa terre de Rëkahn ; aussitôt elle a changé de face r înaîs , pour nôHS renfermer dans Fobjet que nous traitons îcî, il suffit de dire qu*il a choisi scrupuleusement les maîtres d^é- cole destinés à instruire ses paysans : il a écrit, uniquement pour eux, un livre 'élémentaire vraiment excellent , qui con- tient, outre les connoissances utiles au paj^an , des notions saines de niorale. Un concert de bénédictions consacre tous ses airangemens , et proclame ses succès. Ses vassaux sont uhe autre espèce d^hommes que les paysans ordinaires: Et qu*on ne croie pas' que M. de Rochow , n'ayant point d'enfans , sacrifie sa fortune au désir d'être utile : il laissera ses fiefe à ses col- latéraux en beaucoup meilleur état qu'il ne les a trouvés ; il a su /en instruisant SCS paysans, leur donner de l'aisance, et ç enrichir ; conséquence naturelte de Fes- prit d ordre et des bîenfiiits sagement dis^ pensés ! Puisse cet exemple instruire ]3k noblesse du bien qu'elle pourroît faire,, çt V R EL I G I ô K, etc. tSj tks jouissances qu'elle néglige , pour s'en procurer souvent de si indignes des être$ qui pensent (i) ! Chaque petite ville prussienne , ou du moins chaque bourg un peu peuplé ^ 9 un collège où Ion enseigne les humanités^ lequel est composé de deux , de trois , de quatre , ou même de sept et huit classes j suivant Timportancç du lieu, et laffluence jdes écoliers. Ces collèges appartiennent communément à la ville ^ et sont sous la direction du gouvernement municipal* Ainsi leur bon^ ou mauvais état dépend de la façon de penser des principaux ha- faitansdu n^unicipe, ou des théologiens (i\ M. Buscfaing a donné , k cet égard , des détails très-intéressans dans la description de son ▼oyage d^ Berlin à Békahn : nous regrettons que l'étendue et le but de notre ouvrage nous inter- disent de les rapporter ici. Il dit , entre autres faits, que, par les sages arrangemens du seigneur^ aucun habitant de Hékahn n'a demandé l'aumône, «éme dans les années les plus dures, et malgré les jpaux qu'a causés la guerre , malgré la compagnie privilégiée des bois yCt mille autres oppressions que M. -Biisching détaille. Voyez Busching Beschreitung, mn^^ise vQn MerUn nadt Rekaàn^ p.di^/etsui?. i3« Lit* Ë vriL ^ qui s y trou vient , et auxquels le plus soti- <*^«nt les bourguemaîtreé et le sénat remet- tent entièrement Tinspectioiî Idu collège. O «eroit encore-là une grande ressource pour les gens de lettres en Allemagne', 8i plusiexffs obstacles ne là bomoient pas. Mais d'abord , comme ce sont les huma- nîtés sur-tout que Ton y doit enseigner , il faut-être humaniste du moins pour par- venir aux bonnes places dans cette carrière : or , on peut être un homme dé lettres utile, et même habile, sans être humaniste. Ensuite il faut avoir étudié en théologie. H est aussi plusieurs de ces pla- ces auxquelles l'obligation de prêcher est annexée. Cela rétrécit la classe des gens de lettres , qui sans cette servitude y se- roient propres , et bien plus encore Futilité que tous les citoyens pourroient retirer d'un pareil débouché , ouvert aux hommes instruits. Enfin les émolumens de la plu- part de ces places ont été fixés dans un temps où les vivres valoient le quart des prix d'aujourd'hui ; ils n'ont .éprouvé au- cune augmentation depuis cette époque , et sont en çopséç|U€nce-sî mifséçables^ que, tout ce qui a quelque capacité est loin de les ?imbîtîoiiner., Il n'est qu'un petit, (lopibre de collèges où les preiuieirs postes sont capables dç satisfaire les désirs dU^u bomçne de lettres philosophe. C^est làoii Ton appçUe les humanistes les plus con- ^tl3 , et où quelquefois même on les met à lenchère ; ce qui soutient Fétude des. humanités dans l'Allemagne protestante y où Ja religion et l'ennui monacal n'en font pas une espèce de nécessité. Ici la liberté Biontre encore sa supériorité ; car bien qu'il y ait dans l'Allemagne protestante moins d'hommes en état de montrer les humanités que dans l'Allemagne çatholi-^ que, ceux qui les enseignent y sont infini- ment plus instruits , et la première a produit beaucoup plus de bons philolo- gues que l'autre. Tel étoit Tordre des choses relativement à l'instruction des colléges^dans l'Allemagne protestante, et tel il est encore , à un très-petit nombre dexceptîons près. Mais quand les lumières sur .1* vraie 14<* EiVRE YUl éducation ont été répandues , cet ordre de choses a été attaqué avec violence. On a montré que Fart d'élever les hommes fbrmoit une branche des'connoîssances humaines; qu'il demandoit une étude à part ; qu a la vérité Jésus- Christ a voit aimé beaucoup les enfàns , mais qu'il ne s'en sui voit pas que tout théologien eût la science infuse pour les élever; qu'ainsi rien n étoit plus absurde que de mettre cette importante direction exclusivement entre leurs mains , et non-seulement de ne donner les places d éducation qu'à des théologiens ; mais encore de donner des théologiens pour inspecteurs uniques ou suprêmes de tous les instituts d'éducation d'un pays. On a observé que pour per- fectionner l'art de l'éducation , il falloit que des hommes s'y adonnassent tout en- tiers ; que Tordre de choses où la plupart des places de cette profession n'étoient qu'un degré de passage à rét;^t ^ niinis- tre de la parole de Dieu , étoit par con- séquent mauvais et déraisonnable ; que c'en étoit un plus pitoyable encore que les Religion, cftc. 141^ très-mîsérables appoîntemens annexés à ces places , qui dévoient détourner d'une profession si utile tous les sujets capable; d'instruire la jeunesse aisée, et par coa?v séquent plus difficile dans h choix de ses instituteurs. On a fait voir qu'il n'étoît pas seulement question d'instruire les jeu- nes gens, mais aussi de les<élever, de, leur former un caractère moral ;, et que par rapport à l'instruction même, les temps modernes demandoient d'autres études que Je grec et le latin; que l'histoire, la géographie , là géométrie , les mécani- ques, l'histoire naturelle , l'économie f)olî- tique, et en général tout ce qui pou voit perfectionner la justesse de l'esprit, étoient des objets d'une toute autre importance que les humanités , dont on s'étoit presque uniquement occupé jusqu'ici. On a établi sur-tout combien il étoit nécessaire que la science de l'éducation se perfectionnât par les travaux réunis de ceux qui s'y appli-* quent , au point d'être réduite à des prin- cipes sûrs , clairs , mis à la portée des esprits même médiocres ; car on ne peut 9t ^9 hommei UÉédiocres ^âMrt>6t instruire €t élè\^rîï lÂais ce n*:îpeut^re quie TëfFet'du travail tiSmA d'un jgPânià dombre de tib^è esprîtsi ' i Tellesi-^rit lès vérités qué^lbh-â ëfî* seîgnéès *dan& ces? derniers temps en Allfe^- PSA^e^ et il fàut^avôuer qu'ellefi^ ont jtiâ^ qu'ici fructifié tiUlle part autant-que dans Ûfé-étatè d€f i^rédérîc. C'est prihcîpalettfent dès prôviriciès pfiissiéhnes qilO sontsbrtis ks hommëâ les plus prôfoiidénnfèft t V€rsé« (fans Fart- de -former et d'instruire la jeu- ifesse ; MNf . Campé , Gedîcke , Licberkuhn -, Stuwe, Resewitz j et plusieurs autres dont m efforts réunis , soit en développant le^ R E.L I G I o N, eta 143 principes ,. soit en écrivant de très-bons livres élénçientaires , ont plus avancé cett^. science utile en dix années , qu'elle ne Ta-t yoit été auparavant en deux siècles* Jl s'est opéré dans^ ces mêmes provinces plus de çhangqfxiens utiles à cet égard , et sur un plus grand nombre de collèges , pro4 pprtiQq gardée de Timpprtance des: pays qui les contiennent > que: dans tout l^ çeste de r Allemagne réuni^r^ £n; général, 1^ collés;es delà monarchie. DrussLenne:n'Qnt jijamais jeté .rçwlajtr d^. ceyx 4e ;la ^î^e^^ r^lati vem^Qrt ' aux bumanité&M et sous ce rappoiît:ilsj|ieAlepr^9Ht poin^^j^nijorç cpo^^, parables. Mw , p^§^ tout - ijnîlitajfe depuig plus d'un si^le, n'a: pjn cultiver JèsjbpUçs?^' lettres, comme ; celui qui de tout temps y,a pl^4(§3L:princjp^^^ gk^^r^ J^.caraq-. tère des peuples (lifFère d^ailleurs essen- tiellement en ceci. Mais lès belles-lettres rie sotif faâë (e pi'emier objet de Tindustrie humaine Â.,le§,ppnnoissançés utiles lurênt cultivées- jdo tout temps dans les état« prussiens V elles Jbnt été plus que jamais sous Frédéric': et Ton veirâ \ jjuancl nôii»' 144 Livre VIII. parlerons des sciences , que les sage» arrangemens auxquels il a soumis les col* léges , pour donner de bonne heure à la jeunesse le goût et les principes des choses utiles , n*ont pas été infinctuèux. U seroît long et superflu de cjtenner une liste des collèges qui existent à Berlin , et 9 dans le reste dés états du roi. Nous 'avons déjà parlé du plus singulier de tous , Tor- phanotrophée de Halle , qui , infecté dès son origine de tous les maiix du bigbtisme le plus outré , a vu substituer quelques himières ^InS- saines à- ses -anciens délî- fes^ (i). Nous avons" égàlerhent cité desr instituts pcrur^Téducatîortxîiîiitaîre, comme le corps dés cadets , Técolé royale râili- faire, la maison des orphélîrtS-de Potzdam* Il y a deux gràindis collégésf à;B»lin (celui ■■' ' ■ '■ ' > " ^ 1 . j ..■■•..., k> ... ' — (i) Oa seùt que le^s grandes favçujrs 9u*un établijs-' sèment nouveau et vaste, pour leduel pu ne demaii* doit rien au gouvernement V^' du obtenir, jointes à celles que lés machinations des cagots lui ont pjK)Curé , «t à la fortune immense et indépendante qu'il a su se faire ^ ont empêché que la révolution ne tut complète* • du Religion, eta 145^ du couvent des moines-gris , et celui de' Joachimslhal , au dernier desquels est at- taché M, Meierotto, Philologue de repu* tation , auteur d'une des meilleures rné- thodes connues pour apprendre le latin ) ; un à Breslau , une maison d'éducation pour la noblesse à Liegnitz , et en' un mot , beaucoup d'instituts de ce genre dans toutes les provinces prussiennes. Le- collège de Neu-Ruppin , petite ville de la Marche , a reçu une forme très-avan- ** tageuse par deux éducateurs habiles. Ils n'y sont plus, mais il est probable que le bien qu'ils ont produit se perpétuera.. Frédéric avoit mis , par ses dons , ces éducateurs en état de faire à cet institut des chan- gemens qui l'ont rendu un modèle. Us en ont donné la description dans 4^vers écrits ( 1 ) oii se trouvent d'excellentes observations sur Fart d'instruire. Les col- lèges prussiens ont d'ailleurs éprouvé l'in- fluence de la liberté «de penser et d'écrire qui régna sous le sceptre de Frédéric ; . . ». . . \ (i) Ce «ont difl«rente<' petites feuilles. Tome IV, K ^ ^ 146 Livre VII L tous ont fait quelque profit des nouvelles lumières acquises sur l'éducation , tandis que dans beaucoup d'autres pays , ce sont autant de spéculations sans influence, et que les peuples (1), les prêtres et ladmi- nistralion y repoussent les lumières à Tenvi. Nous avons vu , que le roi de Prusse a quatre universités dans ses états : Halle , Francfort - sur - roder , Kœnigsberg et •Duysbourg. La pi;emière est la seule où (i) Le duc de Brunswick , infatigable dans ses soins pour son peuple , a attiré à son service trois des horaœes les plus versés dans Téducation , MM. Camp, Stuwe et Trapp , pour, à- l'aide de quelques instituteurs éclairés qui se trouvoient déjà dans son pays , réformer ses écoles et ses col- lèges , qui croupissent encore , pour la plupart , dans l'ancienne barbarie, et y introduire les lumières nouvelles. Cette mesure si sage , si paternelle , a ameuté tous les théologiens du duclié. Ils se sont donné et se donnent encore toute la pdne imagi- nable pour en empêcher l'effet. Les états du pays» composés de la noblesse et des députés, des villes ^ loin d'y concourir comme iis devroient , tâchent d'y apporter tous -lés obstacles que la constitution comporte. Il s'est passé j à cet égard, les scènes les plus étranges ^ par exemple , des dénoncia^oas , Religion, etc. 147 rîeii ne naanque de ce qu*on peut regar- der comme nécessaire pour instruire un jeune homme dans toutes les parties de Tétat auquel il se destine : les autres comptent moins d'hommes célèbres daiiis leur sein , et ont plus oiï moins de làciihes dans telle ou telle partie des connoissârrcès' humaines. Nous ôSôftè droirë que les^ étals prussiens seront les premîei-s qui aboli- ront le monopole des univei^ités ^ et ox^ Ton donnera rexempledehéplus dèdiâij- ' • . 1' ' que le corps du miuistère écclé^iàsticju'e de là yîlle de Brunswick n'a pas roygi' dé-faire àU gdùverae^' ment , de discours que ^uel.quesr.un^. de. eeâ/m^^ sieurs dévoient avoir tenus* en sQciété , 'et autre» choses pareilles dignes ■ de VînquisitJoû. IlTàut Pa^ vouer, le souverain que de seti^^lal^Ies extra VàgaUèg^^ ne découragent point , et' qui n'en cootipqç paéf moins à ses sujets ses soins éclairés et paternels y donne un exemple bien respectable. Mais rien i^est plus digne de la générosité d'un graDdprtncc^ qi^ doit toujours se dire : Ces gens-là sont des en£»aji^ i^gnorans et mutins ; ils sont d'ailleurs ce que me* prédécesseurs les ont faits ; sans là collusion dei^uif autorités , jamais la hiérarchie ecclésiastique ïfcût pris tant d*empire : c'est à moi à réparer cette grande faute : appelons la lumière y et les oi^éàui 4^ xtuit fuiront dans les ténebresé - ' 14Ç Livre Yllh der à. un hopjme , OùOfVc^^vousMppris ce que vous saye^ ? dès qull prouvera qu'il le sait. Nous y ayoqs observé une grande tendance vers ceprîpçîpç. Mais. à^ quelque épçque que cettp réyplutiott salutaire soit çoqçpmmée , il ^ restera toujours à . Frédé- ric, d'avoir donq^ lei prenaier. à Tinstruc- tîpn une atteE|tioi;i.toute particulière ; une foule d'édits en font ici. Cest i^p us£^g,e as^ez généraLdans bien de.s. urûversités allemandes , d'afScher que tels ou tels cours seront ouverts, et.de s'en abstenir. Fxédéjdç, ordonna en mil sept ceat cinquante-trois, que les doyens des facultés fèroîent râpjpoï't tous ,les six mois des cours qui aui;pîejat lieu , et de ceux- il..-* ■ . X . t .j que l'on n'ouvriroit pas, en en expliquant fat raison. C'est fencorç.îUne autre, méthode très- pernicieuse et très - commune danè les universités allèoiândes , de • s'étendre au çorçtnencemfênt: 1 à&s i couvs au point de. ne pouvoir les finir, ou de doijbler ou tripler , à la fin dû. semestre, les leçons pour les achever. Un édit de mil sept cent 'T E L I G I t) N, été. 149 sciîxanfe-quàtre Çi) a mis fin à cet abus, «n ordonnant dé prouver chaque Toïs qiie le cours avoît fini dans uii ordre complet et nàttirel. Eh mil sept cent soixante -hijît (2),^ Frédéric porta un édit pour redresser leç professeurs qui n'înstruîsoient pas asse? leuré étîrdîâhs sur le plan général, pu sur le cours ehcycloriédiquè de leur jscîehcè ; sur la sûîtè qu ils doivent mettre dans cette étude, et cte (î|ue les Allemands libnciment la ibéthôdblôgie ; eit enfin sur les livres éèrîts rëlà^ivemenit à toutes lès parties dé chaque science. C'est en effet là une chose capitale : lih séjour cïe deux ôû trois années à l'université ne s^uroit rendre un homme savant , inàis il dôîlt lui ouvrir là porté des sciences auxquelles il veut se livrer. Cëis édits prouvent que Frédéric avait Jarépoisé à cette partie , des nommes par- faitement instruits sur les conditions (0 N'. S2. (a) *r», iôi. Kiij #.l i5o Livre VII|. w qu'exige un bon cours acâdéniique , puis- qu'ils étoient capables de lui suggérer de si, bonnes ordonnancçs. L'université de Halle a eu aussi l'avan- tage d'avoir la première une chaire de sdencés économiques et politiques. On dît qu'elle avoît déjà été fondée par Frédéric-Guillaume, Nous trouvons nom- tnées d^ns l'édit que nous venons de citer , ces sciences , et la technologie ou lac^n-^ nôissance des arts et métiers , comme des cours établis depuis longrtemps à çetto université ;- et dans le temps de la publia cation dç cet édit, la France étoit le etc. 1^3 compagnie. Elle fot fomiée en <)»atre ^^ classes , dont Tune étoit destinée à 8*oc- xîuper de physique , de médecine et de chimie ; la seconde , des mathématiques ; la troisième ., de la langue allemande et de rhistoire nationale; la quatrième /de la littérature , sur-tout oiientale , dans la vue de montner comment on pourroit l'employer à Ja propagation de TévangiFe parmi les infidèles. Chaque classe de- voit avoir son directeur, ses assemblées particulièreis , et ne se réunir aux au- tres qu'à certaines occasions extraordi- naires. Dès-lors elle reçut des membres étran- gers. En mil sept cent dix , elle publia les premiers volumes de ses mémoires , sous le titre de Miscellanea societàtis regia Berolinensis. La première assemblée solen- nelle ne se tint que le dix - neuf février mil sept cent onze , après qu'on eut achevé de bâtir Tobservatoire qui lui étoit destiné. Ses revenus étoient très- médiocres alors. Frisch , régent du collège à Berlin , et membre de cette société ^ ayant imaginé I 1^4 L I V R E VIII. d'introduire la culture des mûrîers et des • vers à soie , les premiers raûriers furent plantés sur les remparts de Berlin et de Spandqw ; on en forma une autre planta- tion à Kœpenick. Frédéric I en assigna la propriété à lacadémîe, qui , ne pouvant l'administrer, la donna, en ferme em^ phythéotique , moyennant une redevance annuelle , et l'obligation d entretenir ces plantations. Sous le roi suivant , qui méprisoit les lettres au suprême degré , l'académie tomba dans l'oubli. Un homme abject par son caractère, espèce de bouffon , quoi- que savant , en fut nommé chef; des gens obscurs en furent membres. Cependant, par les soins de M. de Printzen , ministre d'état , l'académie ne fut pas tout-à-fait anéantie. Elle publia, en mil sept cent vingt-trois , le second volume de ses mé- moires. En mil sept cent trente- cinq , Frédéric - Guillaume lui fit présent d'un assez grand nombre de livres d'astronomie, de mathématiques , de physique et de médecine, tirés de la bibliothèque royale. • .■^••S Religion, ctc- i55 Ce fiit vraisemblablement alprs que le roi lui accorda le priviiége^es alraanachsdans tous ses états : on évalue ce revenu à cent njille livres. Frédéric JI fut empêché, par la guerre qui suivit presque immédiatement son avène^ment au ti'ône , de songer à ja res- tauration de Tacadémie. Cependant une société de quelques citoyens distingués, qui aimoient les lettres ,. et dont une partie étoit déjà de racadémie , forma une espèce d'association littéraire , et se fit à elle-même un règlement en françois ? ils se servôîent de cette langue dans leurs assemblées, qui se tinrent d'cibord chez le feld - maréchal comte de Schmettau, ensuite chez M. de Borke, ministre d'état, et enfin au château , où le roi leur fit donner un appartement. « En mil sept cent q^iarante-trois, le roi nomma une commission pour réunir Tan- cienne société avec la nouvelle , sous le nom di académie des scievces et belUs^lettrcs^ On lui donna des statuts en mil sept ^56 Livre VIÎL cent quarante -quatre (i). Le choix des tiouveaux memfcrês y fut décerné atix anciens par le baLlIoteiïient. Cet, ordre de choses ne dura pas. Un règlement du roi , qui n'est pas , comme le premier , imprimé dans la collection , le changea. Les cen- seurs des édits Font apparemment mis à Findex ; et , sans doute , il mérite d'être à celui de là saine littérature. Mauperluis fut nommé président de la société, en mil sept cent quarante-six. Le despotisme qu'il exerça sur elle est connu par ses dis- putes av&c Voltaire , au sujet de Kœnig. En mil sept cent cinquante-neuf^ Mau- pertuîs mourut , et sa place est demeurée vacante. Le roi se réserva la nomination des membres. Selon M. Nicolaï , d'où nous tirons ces faits ; qu'il doit lui-même aux mémoires de lacadémîe (2) , le motif de cet ordre , plus militaire qu'académi- que 5 fut de mettre cette société littéraire (i) Voyez tom. 4 de la grande collection de» édît» du roî. Supplémens, ann. 1744, n°. 47. (2) Nicolaï BcschrtibunJjvon Berlin ^ pag. loi ei soir* R E L I G I o N,^etc. 157. à: qi^nae de refuser de meilleure grâce les^ fréquiente^ sollicitations des gens de let- tte3., pour être reçus membres ; mais ce ixiotif nç fut qu'un prétexte. II convint app^emDa,ent,à;Cçlui de tous les rois qui prisa le plus la gloire , d'avoir, en sa. puis- sance ce moyen de récompenser et de s'i^ttcuçh^r les gens de lettres, dpnt il n'igno- rait pas l'iflflqence sur les réputations^» Saps doute il counoissoit au$$i la bassesse et;]*. pîisiUanipjité dp la, plupart d'entre. eM}{.; autrepiewt il n'auroit pas tenté une ipnpyation qvkl^ ravalant à tous les. yeux . la dignité dç l'aGg^dénaie, devoit exciter l'improbîition ujaiverselku Eb ! si les gens de lettres avoîerit en général idu caractère, ou Je juste, sentinauent du respect qui leur est. dû ,. combien ne leur, seroit-il pas aisé d'ajB&anchijc eux;et bientôt les académies dp l'en^pire des grawl3 ? Leuf union;, leur cpn<;ert oju.na^m^.leiir silence , sufifeoient pQur les . rendïç : redputaWes. Mais tant, qu'ilg aspireront avidement â des déçorar tions, à de vains titres, à de misérables,, pensions, tîint. que; le plus. H^t intéï:êt i6o L l'v R B VIIL aiguillon que ramour de cette science même? L'attrait naturel de l'étude, une curiosité^ passionnée , l'idée du beau vive- ment empreinte dans une imagination sensible ; voilà uniquement ce qui fait les grands hommes. D'ailleurs , indépen- damment de ces motifs, indépendamment' de ' rinexprîmable jouissance de méditer , de produire, et de ce que lame et l'esprit éprouvent dé d^ices dans la conscience de leur force, à qui donc les emplois ^ les affîdres, l'influence, doivent - ils écheoîi; tôt ou tard, directement ou indiretetement? Le.monde n'appartient- il pas en dernier ressort aux hommes instruits ? Mais , dinra^t-on , si vous supposez un emploi à la place de la pension, cela même est un mal. Un emploi distrait de la route du perfectionnement des sciences et des arts ; un littérateur ne peut alors s'élever aussi haut que celui qui n'a d'autre souci ^ d'autre soin, d'autre afl[aîre que l'étude Erreur , erreur très-grossièrè , que la paresse des gens de lettres et l'igno- rance ^des genis en place^ efiracinent ! Il n'est Religion, etc. 161 • • I « n'est certainement qu un très-petît nom- bred'emplôis qui occupent trop un homme' pour Fetapêcher' de se livrer à 1 étude, assez pour y faire lès plus grands progrès;." L'étude est le délassement agréable et* nécessaire des emplois: Un hoffinié né remplît pas tout le but de son êxîslerice en rie fki'sànt que; spéculer; il dbit.aéîr.' Cette action fôrtifi'e son ame et /oî^dôiln^' un ressort particulier , c^Ui ; porté 'dabs'Jes* scîerfces, y produit Ues'îéflfejts îe^'pliiè' înattelftdiife.^n Uri mbtv compulsez This-' toife He^'ahs et deôisciencés , et vous titl* trouvéYez pas qu eti général ce soient fës' gens de lettres puremertt Spéculatifs , et ne vivant pdîÀt' ou n'ayant jariiais vécu avec • lés Kommeé,qui aient le plus étendu Fèm- pire de nôiSconnoissances. Cepêndaht, %i''ëht*èndèz-v6us par vos' ehcouragemens ? Répahdrez - vous vos bienfaits' sur leè jetmés gens qui promet-; tènt? vous les rendrez paresseux, et au' lieu de lès pousser plus loin dans la car-' riète des sciences , vous les arrêterez ;- cal" il est hàturëï à Thomme de ne pïus Tome K. L i62 Livre VIII. travailler quand il n'en a plus besoin , s'il îi'a pas pris de longue -main l'habitude d'une vie laborieuse. Les donnerez-vous aux talens formés et constatés ? alors ce n'est plus un encouragement , c'est une récompense.... Non , nop , les sciences vi- vent de deux choses uniquement , . la li- berté et la gloire. La gloire est le grand motif qui pousse les hommes dans les routes vraiment pénibles, où il faut ua courage énergique pour se soutenir. Et vous , grands de la terre, ne croyez pas qyp la gloire puisse être un 4e vos. dons. Ahl ai vous en étiez les dispensateurf, le génie, et sur-itout la liberté , serpient trop à plaindrp î Vous distribuez les dé- corations , objets de la petite vanité qui n'existe dans le cc^ur humain qu'avec des talens médiocreç. , ou du moins qui^ape- ti§se aussi -tôt leg^ grands talens, et les empêche de prendre, leur véritable essor. C'est au contraire de^ hommes de lettres que vous-mêmes tenez votre renoiQ, Ne prétendez pas leur donnçr ce que vou^ ne, ppULVcz recevoir que d'eux, N'imagipez R E L j G î o N, etc. i63 pas qu'un titre d'acâdémiciep , un ordre, un ruban dont les prîndes habiles ont fait .^des chaînes pu de ,1a monnoie , et les au- *tres de fri^îqlefi joujoux , soient des gages de gloire^ ; . ...;QMant à: la liberté, elle n'e«t malheuiieujseA^eqt que. trop dans vos mains i eh bien ! si vous , voulez que les sciences îffl^iurïfiÇent chez vousf si vous sentez; .flup c'est vptre ' intérêt direct et celui de. vos peuples, laissez chacun en-> seigner à votre nation comme il Tentend , ^^utes les cl^osi^s sur lesquelles il se croit . capable . jde donner des lumières utiles. Yorulélj-ypins feife davantage? ne resserrez .ppint la carrier^ du vrai mérite; lai ssez*lui . prendre sa place naturelle : dans le choix des homines . que vous .mettrez à la tête des affaires^ ne Regardez pas toujours à I9 naissance y à la fbrtunp, mais quelque-- fois du moins au talent véritable et cons- taté ; alors toutes les sciences humaines s'élèveront au plus haut degré de splep- ^deur et de gloire. Nous en trouvons upc preuve très -frappante dans Tétat des L ij 164 L I V RE Vllîi lettres, sou^ Fifédéric , dont il est temps de donner une idée. lut des Nous ne parlerons pad dés btflles-lettret rcs sous . ^ 1 • . ,. ' . % • ..• dcric 11. propremertt dites; On étranger tien est Jamais un assez bon juge. Lès formes jouent un trop grand rôle dans lés ouvra- ges d'imagination , et led formés- sont à- peu-prè^ perdues, dû moitié «pour rtoiis, dans toute langue vîvafflte quil^i'èst jSfls là nôtre. D'ailleurs hôws .dft%*^s qile iés Allemands Vit Vexagèfétï< à^éel égafd , • hOtl ^ seulement te éu'lfè-'érrît :,"%àîs -ce • . : \^^\ 'ses 'btâux jours au langage des héros ' ou des honnêtes gens , l'idiome de la caRaille. Le ton de Religion, etc. 171^ la boniie^ôiïipagnîe règnte dans tés pièces comiques^ la- ^raison , la bienséance, les mœurs y sont respectées. Les bons écrivains François ne courent point après Textraordinaire ; ils n ambi- tionnent pas d'étonner , .de terrasser , de pétrifier leur Jôcteur : toucher , intéresser , plaire , voilà leur prétention. La pureté. Ici suavité, Télégance, font le caractère du siècle de Louis XIV ; et convenons que ce fut aussi le caractère des beaux siècles d'Athènes et de Rome. Il se peut que vous n'aimiez que les pensées fortes , rares , originales , profondes ; maïs ce n'est pcjjnt - là ce qui fait le succès d'un livre. Vous les chercheriez en vain dans le Télémaque de Fénelott , et cependant trouvez , sur-tout pour le tenips (1) , un (i) Nous ajoutons à l'Idée de Fauteur, ces mots, sur^tout pour le temps ; car nous sommes très-convaincus que cet ouvrage ; si on le publîoît aujourd'hui , seroit loin d'avoir le même éclat. Le Télémaque parut dans des circonstances admirables. Le siècle étoit purement littéraire , et la discussion ou la philoso- phie n'avoient pas encore intimidé les imagina* tions. Ce beau roman parut une superbe tradfuotioô tjt L.I V R E VIII. livre (]ui ait çu un succès aussi «mi versel. Vous préférez le Hamlet,deS||akespeare à riphîgénîe et à la Phèdre de Ilacine^ le Paradis perdu à la Henrîade , une strophe de Klopstock à toutes les odes et les can- tates de Rousseau : fort bien ; mais prçnez garde que vous n'avez, ici qo une voix né* gatîve qui ne peut rien contre la voix publique. Et de bonne foi, Racine, Vol- taire , Rousseau , ne trouveront-ils pas toujours plus de lecteurs que Shakespeare, Milton et Klopstock? Ah ! corrigez-vous de ce faux goût pour une originalité qui n'est que de la singularité ou de Taffétwie , et de votre prévention contre le goût ftan^- cois. Une bonne partie de ces ouvrages ' i l > I ■ ■ I ■ ■ ■ ■ 1 1 I ■ n 1 1 I I d'Homère: ce fut une autre Odyssée; et, coramfe on Ta dit dans une expression heureuse, le Télé- maque fut trouvé plus antique que les ouyri^e^ des anciens. Il étoit d'ailleurs composé pour un prince sur qui reposoient de grandes destinées; Mais ce qui , plus que tout cela, fit a|^ Télémaque sa pro« digieuse fortune , ce sont les allusions au règne , ^ la puissance , à tou(e la cour de Louis XIV } cha- cun cherchoit de« vengeances dans cet ouvrage , et les y trouvoit. * f • R-fcî L I G i''0''Ni, etc. -li^S prétendus originaux ddnf vous vôiis «tibr- gûeiUîssez , sont întônntisV oiiinîntieHigî^ blés , ou insupportable^ hors de TAllë- magne. "■"' - SI vous ajoutez que , dans le getïrfe ^e Moquérice , les Fran^i* ont des <:he( d'oèuvfës ; qu'ils dnt îftfiteîméht per*- fectionrié le style de Fhîsftôîre ,' où lès italiens' fés pré&'éid&réfttr' sdiiveraîn [dë^lfe 3cène ét'^es 'bibliothéiêjtties dés gfettS'iatftW^ ; îTlèW OHVért rgmrëè mêWe dë^ bàicrf** siciéflce»; tjjùë>lëâ'iii(éttt6fîi*^ dé Pàfife tè^pîréWt éette clarté, fcët»èSff)rit^déJ)loyânti Ç^iir 'ainçî dii<ë?les îdëès les ^plûë (tottipliquéée^^ les fbrit nSiëlsif' saisir r^^t -p^tlierrt l^'jblîV ^daïisfe'ttïà^res les • jilus^âlis^rfeîtës , vttttS "tte tënléîfez pas dé lël/r fedhté*¥er leiir'sti^ ■ ■ ^oériorifé ^^' **'-^'»^'"" •• • ' [ •* ' '■ *' ^*i'J>^' : Enfiiïléfe ëonhoissànbéls'Vîiie les FVaftL çois •'■ëèkphiMent â^' dthoi's , gagii'eWt toujouVs'à |«éser p!àir''léàf8*iïîéiihs ,* H^^Itts 174 LiyRE VIIL tirent <^es autres, ^nation s comme des ma- tières crues , et les Jeur rendent m'arjufac:- turées. Us ont fait descendre du ciel le génie de Descartes et de Newton , et rapproché leurs sublimes découvertes du vulgaire. Cela , sans doutera, e^ifarïté bien des ou wagetS: 6pper6cîels , maislla en sont d'autant plus recherchés ; c'est de la mar- chandise qui , pour être légçf/8 f, p'ep attire que plus d'aipateur§. , .. , Ne nous y trompons pas , la, cuJlture natiojnale ne s'estime point d'apr;^,^uel£|Uë grands hommes qui paroisseçt.cQmme des météores ,^ ;in9J9 pip. rexpan)$^çMi de^lcpnr jioissancea utij[a&:^t 9gFéaMçs 4ctns:.tpi}te8 les classes de la- société*; Av.ec ifles Copernic ,; tîfs Kepler , des.J-çijbpit? , le gros d'une nation peut être ^^rt;$tupide et trèâ-înciiilte ; mais le peup|eiqui;possèdp des la Rochefoucauld , des. Ûçsl^quliëf-es , des Sévigné ^ des Maintenon » es^t . néces- sairement un peuple instruit et poli/ On le, jeconnoîtra pour tel à un autvç^^îgne: cfest lorsquion le. verra cultiver toutes les branches r|4çiS;$çiQnces et des X^y^^z^y et Religioi^, etc. ij5 pe laisser aucun vide dans l'ensemble de ses connoîssances. Si cet avantage n'ap- partient plus exclusivement à la France, comny vers la seconde moitié du siècle passé ; si les savans , les gens de lettres^ les hommes à talens se trouvent enfin en Allemagne , et peut-être aussi abondam- ment qu'en toute autre contrée , il n'ea est pas de même du goût et des belles- lettres. Le défaut de consistance , ou de sta- bili.té , attaché à 1^, langue allemande comme à la langue angloise , dit toujours M. Schwab , .y apporteroit seul de grands obstacles. Ses grammairiens ne se sont pïis encore accordés sur le nombre des déclinaisons: c^n dispute, sijr l'prthogra- phe même , comme si ce n'étoit pas assez dejjçbyter Içs éjtjrangers par/lç5;jfigures ^t)?^ques?4^J'^ qui .encore est double, f^ri ,pO}if tlippresisioni, l'autrô pour l'écriture. Sous tous ces. rapports , il est peu prpb?ible que tant de s^uve- . T * * ■X V7€ Livre VÏII. générale. Le goût allemand n'est pas plus stable que sa langue : à peine né , îl com- mence déjà à s'altérer , et vacille aujour- d'hui plus que jamais. On se dégoite du vrai beati , on le trouve insipide , parce qu'il est simple et naturel On s'est entiché d\ine fàussie énergie , de je ne sais quelle originalité bâtarde , qui pour rordifiaîrÎEl aboutit à une manière* ëritortillée , à de l'afFélerie , à des grimaces , à des con- torsions trèsHOffiginaleS en ieffe^ et mal-^^ heureusement applaudies sur la Scèrté , non moîn^ qu^exaltéés dan^ les journaux. ISTêtre ni au-dessus ni âù-dessous de sQri sfujet, telle est là vraie perfedtîon du style: mais ici, c'ësf tine confusion de tous les styles , ' une 'ëmpHàsé Hdicnïe cfàifliS 'dçs sujets «xiimuifs ,'"ét '^tivént ,* dans ïé^ sujets noWek" où sérréiiïr ,"trtie ' trivialité dé langà^ tjur c?onfrà^è Sléskgrëabf emèti^ où des plâîisaùt^rieè' et dfe fe Jidfeté fausses C'est iftie ô'bservàb^orï tëtaàrcjfùîîble i^ue* le dépérissëïÀerit dtti^8 qui nuit aux lettres au lieu de les faire prospérer. Qu'on juge , par les biens sans uombre Censura dus à cette conduite, de ce qui résulte- roit d'un ordre de choses où la liberté ^ philosophique la plus entière seroit ac- cordée à ceux qui cultivent les lettres. En effet, Frédéric conserva l'horrible entrave de la censure ; elle fut restreinte unique- ment par son autcnrité , et laveu déclaré 196 L I V 11 E VIII. de ses principes. Le motif ostensible de cette censure étoit , comme par-tout ail- leurs , d'empêcher qu'il ne s'imprimât •rien Contre la religion , l'état et les bon- nes mœurs. Il la donna, en mil sept cent quarante - sept , à l'académie des scien- ces (1). En mil Sept cent quarante - neuf il ia lui ôta , parce qu'apparemment cette compagnie de gens de lettres ne l'avoit pas exercée assez sévèrement (2). Quatre censeurs royaux furent nommés pour l'e- xamen de tous les liyrcs qui s'impritaie- roient dans ses états , en exceptant toute- fois les universités, où les facultés exercent déjà le droit de censure ; en exceptant encore les livres concernant les affaires politiques de la monarchie prussienne , ou des autres états de l'Europe , qu'il faut tous envoyer apx bureaux d^ affaires éti^ngères, pour y être examinés. Quel- ques-uns de ces censeurs étant morts , il en nomitia d'autres en mil sept cent soi- xante-douze (3), et renouvela I,es préceptes (2) No. «58 des Éupplénïens. (3) Np. 35. ^ Religion, etc. ^ 197 âe la censure à cette occasion. Heureuse- ^ ment il établit pour censeurs des hom- mes très-éclairés , sur-tout relativement à la théologie, fléau qui opprime et me- nace plus que tout autre Tesprit humain en Allemagne (i). Il paroîtra singulier, sans doute , qu'en mil sept cent soixante- cinq , le roi de Prusse ait établi des cen* seurs de ses propres édits. Voici l'expli- cation de ce fait bizarre. ! , Un homme , nommé Mylius , commença la collection des édits du roi , si souvent citée dans cet ouvrage , sous le titre de. Corpus constitutionum MarchicarumA^^ pri- vilège de ce recueil nécessaire fut donné à l'académie. Alors le roi nomma deux cen- seurs de ses édits. Nous ne pouvons enr tendre par là que des juges des édits qu'il falloit insérer dans cette collection , ou de ceux qu'il falloit omettre. Mais n'est-ce donc pas une chose monstrueuse, qu^un • m (1) M. Teller, établi censeur royal dans, cet ^e. p^tie , est incontestablement le théologien de IVs- prii le plus noble et le plus étendu que l'on conidois^è eti Allemagne. ^ -' «^. il Ij N iij 198 Litre VIIL édît que le souverain ne veut pas laisser rendre public, une loi que le législateur ^'- ne veut pas qu'on divulgue , des statuts que ladmînistration rougît d'avouer? On dit d'un grand parleur, que fort diffici- lement il ne lui échappera pas des* choses qu'il voudroit n'avoir pas dites. Il en est de même du gouvernement quand il parle beaucoup. Alors ce pourra être un crime d'alléguer ses lois , et de dire : Le souve-^ rain a prononcé telle chose. Triste incon- vénient du système réglementaire ! ses Ipîs.sont souvent, elles sont presque tou- jours des livres bientôt nécessaires à pro- hiber ; le gouvernement , en voulant tout diriger, se charge de toutes les fautes, se rend comptable de toutes les erreurs , se voue à la pitié des sages, au mépris de sa nation , à la dérision des étrangers ! , Dans les dernières armées de Frédé- ric, ii arriva , quant à la censure, un fait remarquable qui jGt honneur à son gou- verileitient Un écrivain du dernier rang , autrefois conseiller des domaines du rôi de Frusse , mais Cfissé pour mauvaise con- Religion, etc. 199 duite , se mit à faire des feuilles pour vivre. Il écrivoit des soi-disant satires très- plates , mais que des anecdotes mêlées de quelques obscénités, faisoient lire avide- ment au peuple de toutes les classes. Cet homme donnoit à ses satires des titres extraordinaires , comme la Galerie des diables j Ganymède^ Silène et son âne, etc. autre amorce pour les sots. Quelques personnes se crurent attaquées par les écrits de ce malheureux ; elles s'en plai- gnirent , et la censure de ses ouvrages fut donnée à M. Dohm , philosophe doux 9 ingénieux, sagace, et très-propre à voir d'un œil de mépris les accusateurs et lac- cusé. Sur de nouvelles feuilles de ce genre 9 M. Dohm s'adressa aux ministres, pour les prier de déterminer nettement les mots gouvernement , religion et bonnes mœurs « par lesquels on avoit prétendu fixer lr«i bornes de la censure* Il montra rortibl^n ces mots étoient vagues , comhirn I4 loi qui les donnoit pour r^gU: (c{it\i (^IHtsi- tueuse, puisqu'elle lui&M>it I4 p\u^ ^t^udii latitude à rarbitraire;c«rmM(^n )) Uiii4M' 198 Litre VIII. édit que le souverain ne veut pas laisser rendre public, une loi que le législateur ^' ne veut pas qu'on divulgue , des statuts que ladmînistration rougit d'avouer? On dit d'un grand parieur, que fort diffici- lement il ne lui échappera pas des* choses qu'il voudroit n'avoir pas dites. Il en est de même du gouvernement quand il parle beaucoup. Alors ce pourra être un crime d'alléguer ses lois , et de dire : Le souve-^ rain a prononcé telle chose. Triste incon- vénient du système réglementaire ! ses lois sont souvent, elles sont presque tou- jours des livres bientôt nécessaires à pro- niber ; le gouvernement , en voulant tout diriger , se charge de toutes les fautes , se rend comptable de toutes les" erreurs , se voue à la pitié des sages , au mépris de sa nation , à la dérision des étrangers î Dans les dernières années de Frédé- ric, il arriva , quant à la censure, un fait remarquable qui fit honneur à son gou- vernement. Un écrivain du dernier rang , autrefois conseiller des domaines du rdî de Frusse , mais Cfissé pour mauvaise con- Religion, etc. 201 Bufibn , les Thomas ontsu donner à notre langue , la preuve des avantages sans nom- bre d'une entière liberté ; si lacadémie avoît eu le courage de couronner cet écrit comme le plus parfait, la cause des lettres auroit vraisemblablement triomphé, c'en étoit fait de la censure. Mais ni les gens de lettres ne se distinguèrent à cette occasion (aucun des discours ne répondît au sujet, soit par le style, soit par les choses) ; ni l'académie ne montra qu'elle sentît l'importance de l'objet sur lequel elle devoit prononcer. Elle ne conçut pas que le courage est la prudence, que la sagesse est la vérité ; que les gens de let- tres, s'ils ne veulent pas se ravaler au méprisable état de charlatans et de jon- gleurs formant une jurande dont ils se gardent bien de laisser divulguer le se- cret, li'ont et ne doivent connoître d'au- tre intérêt que la vérité , et la liberté de penser , qui en est la seule et unique source. L'académie de Berlin prononça comme une congrégation de capucins , et non comme un congrès de phîloso- 202 L I V R E VIII. phes. Nous ne pouvons penser sans dou- leur à cette grande occasion, si honteu- sement et peut-être irréparablement per- due ; car où trouver le roi qui proposera encore une fois cette question ? qui , en la proposant , soit aussi capable de la ju- ger? qui, en la jugeant, soit assez ferme pour en faire exécuter les résultats ? Attendre de nouveau cette réunion de circonstances , ce seroit beaucoup trop compter sur les possibilités. jx-arts. Après avoir ainsi crayonné Fétat des sciences sous Frédéric , il nous resteroit à parler des beaux-arts. Mais nous ne les croyons pas assez nécessaires au gïrand édifice du bonheur humain pour nous en occuper, et tant d'autres rempliront cette tâche î II en est au reste des beaux- arts comme du commerce ; ils sont , gé- néralement parlant , une marque de ri- chesses , et les richesses un symptôme de bonheur. Mais ils fleuriront aussi bien , et mieux peut-être, dans un pays où se trouvera un petit nombre d'individus im- mensément riches , et où tout le res|te du Religion, etc. 2o3 peuple sera misérable , que dans ceux où le bien-être sera plus également réparti , et où une grande partie du peuple jouira de quelque aisance. Il y a , sans contredit, moins d'artistes habiles dans toute la ^ Suisse qu'à Pétersbourg* Laissons donc cette gloire futile à qui l'envie , et voyons comment le roi , qui a tant avancé les ^ sciences , la philosophie , et même , mal- gré ses. erreurs , l'économie politique , du moins pour la connoissance des faits, a franchi, dans la vraie jurisprudence et dans la législation , un pas de plusieurs siècles , et laissé , à cet égard , toutes les nations fort en arrière de la sienne. Frédénc a donné, sur la législation, Wgîsh un exemple tel que le genre humain n'en doit à aucun roi. Rien n'avoît été plus confusément déterminé jusqu'à lui, en Allemagne , que les devoirs des membres de l'état les uns envers les autres. Tous les peuples, avant qu'ils con- Ap nussent Tart d'écrire , n'eurent que des îa"^^, -coutumes. Il en fut de même des nations %^^ germaniques et de celles du nord y qui. «•• f • ao4 L I V R E ' vriL conquirent les états de la domination romaine. Lorsqu'ils eurent appris , par leurs relations avec des peuples plus éclai- rés, Jart de réveiller des idées par des caractères , ils écrivirent ces coutumes. Deux livres de cette espèce existent en- core en Allemagne : ce sont le Saxen spiegel , et le Schwahen spiegel; l'un con- tient la rédaction de la coutume saxonne , et l'autre celle de la coutume franque. Ces deux nations, fbrmoient alors les deux grandes branches qui se partageoient la Germanie. Les anciens comtes ou sou- verains du pays jugeoient a après ces cou- tumes écrites ou non écrites , et souvent ■ ; très-arbitrairement, comme on peut croire. ^ Mais lorsque la civilisation s'étendit , lors- que le^ relations se multiplièrent , lorsque Tordre judiciaire se sépara des autres pour en former un. particulier , on sentit Tin- suffisance d'une- pareille base de législa- tion et dé jurisprudence. Déjà les lettres avoient repris naissance en Italie. On avoit retrouvé , vers Tan ïiii|> cent trente-sept , ùb jmanuscrit dès^ \ Bologne s etoit fonnee : on y 4e\|iliqiMit CCS lois* aiDcsi q|iie ksf; decréfedes \r4ktt OQ Élusses des papes : foiie de ce$ études étoit noumiee le dr^ ici%:.\ et fvàutre le Jnxi canoÊu Les vora^ des eu^pereurs en Italie, et plus encore les Klatious ck^ ricales^ «ga^^èretit des Allemands à aller Ëûre leurs études à cette femeuse uui^ versité. De retour chez eux^ ils dirent: Au^de/à des morns ^ il en un livre oà iOkS les cas possihles som Jétermmési il me peui plus rester de doute sur aucune ifucstion de droit ; transplaniCyle dans vos foyers , vous aurei un code complet. Cette idée pi^évalut ; on détermina, par un CQnclusum de I em- pire , que le code des lois ixMnaines , le Corpus juris romanorum , seroit généra* leraent reçu comme loi en Allemagne i dans tous les cas où , soit les ordonnan- ces des souverains, soit une coutume Hxée ayant force de loi , n'auroient pas statué d'une manière différente. Ot événement eut lieu sous Tempereur Maximilien , vert la fin du quinzième siècle. 3o6. Livre VIII. Ceux, qui connoîssent ce corps des lôîs romaines, concevront aisément quel chaos il dut introduire dans la législation de TAl- lemagne ; et ceux qui ne le connoissent pas s'en formeront une idée , en réfléchis- sant à l'immense diflférence de la consti- tution civile et religieuse , des mœurs , des relations sociales de la république ro- maine , et de l'aristocratie germanique, La chose n'en alla pas moins ainsi pen- dant des siècles. Les procès devinrent interminables, et si coûteux, que la for- tune des particuliers fondoit entre les mains des gens de lois. Tel fut le sort de l'Allemagne ; tel fut celui de presque tout le reste de l'Eu- rope : le droit romain y a été introduit avec aussi peu d'analogie par rapport aux mœurs , et k tous les principes cons- tituans de la société. Là où il n'a pas été adopté, les lois n'en sont pas moins un tissu incohérent d'usages disparates , de préceptions contradictoires , de raison et de déraison , de préjugés des siècles cultivés, entés sur les préjugés des siècles -• '■ ^. R E L T G I. O N , etc. 207 barbares. Et lorsque enfin l-expértence assise sur les siècles a amené la sagesse, c'est encore un ouvrage presque sur-hur- maîn d abattre cette hydre d'inconséquen- ces et d'inconvénîensT \^ Les Saxons paroîssent avoir étéJa pre- mière peuplade de FAlIemagne qui ait senti le besoin de mettre quelque ordre dans sa législation. Ils ont un codex Au- . gusteus ^ publié en mil sept cent vingt- quatre. On assure que ce n'est absolu- ment qu'un recueil des édits des électeurs rassemblés sous Auguste II , qui , au mi- lieu de sa vanité fastueuse et de sa folle ambition des vains noms de roi et de ma- jesté , avoit quelques idées vraiment di- gnes d'un souverain. Mais cette rédaction, et les tentatives de quelques autres princes allenjiands , ne doivent se comparer en aucune façon avec les travaux qu'entreprit Frédéric à cet égard. Ce grand roi montai sur le trône, saisi de l'idée ferme et intuitive qu'un peuple ne sauroit être heureux sans une législation claire et déterminée , sains 2ô8 L I V R E V I IL ^ une admiilîstration de la justice prompte, impartiale et peu dispendieuse. Il n'oublia pas un moment cet objet durant tout son règne ; il y travailla avec toute la fermeté et la persJJlJ&rance de son caractère. lias'^^de*^'^ La graAde affaire de la conquête de la o^r^dûi ^ ^ Silésie prit a abord tout son temps ; mais er une bon- à Dcine fut-il entièrement affermi dans ? législa- * on à ses cette magnifique possession , qu'il en vint à la réforme de Tordre judiciaire. Voici la lettre circulaire à tous les tribunaux de ses états , par laquelle il commença cette opération (i) : » Vous verrez , par la copie ci-jdinte, » le nouvel ordre que nous avons envoyé » à notre ministre d'état de Coccéji. Nous » nous attendons que vous suivrez mieux » nos justes intentions que par le passé ; » sur tout, que vous aviserez aux moyens » de modérer les épices et les frais énor- » mes, et de ne pas arrêter les parties » par des délais , des rapports , et le » retard de la publication de la sentence. (i) 14 janvier 1746. moyens r R E t 1 R î N , elC4 ao9 >> Au cas que nous ne puissions remplir » ainsi nos vues , nous aviserons à d'autres » moyens pour procurer à nos sujets » une justice solide , prompte et împrfr* » tiale. « L'ordre à M. de Coccéji portoit î » Mon cher ministre d'étdt de Coccéji> >> je sais , par des exemples sans nombre, » qu'on ne se plaint pas à tort d'une ad- » ministration de la justice tout-à-fait » corrompue dans mes états^ Mais à pré-* » sent que la paix est faite, je ne veux » plus fermer les yeux sur cet objet, et » je m'en mêlerai moi-même. Je voua » ordonne d envoyer une circulaire très* » sévère à tous les tribunaux sur ce sujet f w où vous les exhortiez à s'çibstenir de^ » abus atroces qui malheureusement s'y » sont introduits par toutes sortes de » chicanes ^ de ruses et de surcîs de jus* >> tice , suivant la vieille, routine de lent » belle observance , et autres moyens » d'injustice publiquèmept tolérés jus-» » qu'ici ; et qu'au contraiife vous leur en- » joigniez , sous peine de toute moa Tome F. O ' 210 LivreVIII. » indignation et de punitions îrrémîfesi- » blés , de travailler uniquement à ren- ^> ,dre à chacun une justice prompte et » solide , sans acception aucune de per- » sonne , sans grandes épices ni dé- » penses /et en mettant fin aux dila- » tations usitées , et aux instances super- » flues par lesquelles ils font passer les » affaires , etc. etc. etc. « Cet ordre à M. de Coccéji , qui est en- tièrement dans le style de Frédéric II , et certainement sorti tout entier de son es- prit 5j montie qu'il s'étoit formé des idées justes sur cet objet. A la vérité Frédéric- Guillaume avoit eu avant lui le dessein de réformer la procédure , et s'en étoit fortement occupé, sur-tout vers la fin de son règne ; mais il fàlloit l'ardeur et la persévérance de Frédéric pour y réussir. Son chancelier de Coccéji, rédigea un projet, moyennant lequel tous les procès dévoient être jugés dans une année. Il 8*agissoit de terminer les vieux litiges. M. de Coccéji se transporta dans quel- ques provinces pour y parvenir. Des / Religion, etc. 211 ordres sévères mirent dans les autres, tous les tribunaux en activité. En Pomé- ranîe , on termina deux mille quatre cent procès en six mois , et la régence de cette province reçut des éloges du roi sur cette exactitude. En mil sept cent quarante- huit, Frédéric publia son plan d'un nou- vel ordre judiciaire. Au tribunal suprême des appels , il en substituajjn qu'il nomma le trtbunal de la chambre ( Cammer Gericht }. Il le composa de quatre tribu- naux particuliers, qui dévoient se partager les affaires : une députation de ces quatre sénats devoit former le collège des pu- pilles. Cette institution d'un tribunal qui veille en chef à la fortune de tous les pu- pilles du royaume, et dont ressortissent en dernier lieu toutes Tes aflPaires de tutelle , a fait de grands biens. Le roi ordonna que les procès ne passeroient que par trois instances pour être jugés en dernier ressort dans le terme d'un an au plus, A la prescription d'une marche de procé- dure dirigée verë ce but, fut joint Tordre d'envoyer annuellement en cour le rapport Oij 212 Livre VIII. des lîtîges terminés dans Tannée , et des procès pendans , afin que les juges fussent réellement forcés de les expédier. Les prin- cipaux d'entre ces édits sont de Tannée mil sept cent quarante-huit (i). » Cette affaire, nous dit M! Fischer (2) » fut poussée par esprit de parti. M, d'Ar- » nim, président du tribunal de justice, » s'étoit moqué hautement des projets de » réforme de M. de Coccéji : celui-ci se » piqua de les faire réussir , et fit agir » toute sorte de ressorts à ce sujet « Il n'en falloît pas beaucoup d'autre que la fermeté du roi qui a le mieux voulu ce qu'il a voulu. Le projet d'ordre judiciaire du chancelier avoit été reçu et sanctionné par Frédéric, M. de floccéjî y joignit le projet dun code qui devoit contenir le précis des lois en autorité dans les états de Frédéric : il est intitulé , Projet des corporis juris FridericianL Nous en avons sous les yeux le premier volume, imprimé (i) Voyez n°' 12, 20 et 21. (a) Geschichte Friedrkhs 2**" , tom. i, p. 282 et $uîr. Religi on, etc. 2i3 mil sept cent quarante - neuf , et le second imprimé en mil sept cent cîn^ quante-un , tous deux à Halle. Ce codeétoit calqué sur les institutions justinîennes, dont il contient à-peu-prè^ les deux premiers livres. Il ne traite que les matières du droit civil. Il n est pas absolument fait sans choix ; on voit que 1 auteur à. su y faire entrer les édits et les lois en usage dans les états prussiens , et qu'il a poussé fintelligence assez loin pour adapter les institutions justinîennes, mo^ dèle é:ernel du beau (i) , selon lui , aux (i) Il ne faut, pour s'en convaincre, cjne «avoir l'histoire littéraire des Coccéjis. Henri Cocc(^ji le père, étijît professeur à Francfort - sur - l'Oder 5 il devînt ensuite conseiller intia>e i Berlin , et ïwt fait Baron. C'est son fils Samuel cjui fut grand chancelier, ministre d'état de la guerre, chevalier de l'aigle noir ^ etc. etc. Le père et ^ fils ont toujours travaillé de concert » et tous deux n'ont jugé de ce que l'on nomme droit que d'après les principes tribanien». Le père écrivit un système du droit naturel , nouveau , en ce qu'il fut le premier qui sépara ce droit de la phi-» losophie morale aristotélienne, et. n'y admit que U iiutc rigide , sous le litre de » NenricoCocceji de principio Oiij 214 Livre VI I I. rapports sociaux des sujets de Frédéric : mais non-seulement il ne s'est pas élevé aux grands principes ; il n a pas même généralisé et simplifié les idées dont il étoit imbu : son livre est pédantesque , diffus, obscur : heureusement il n'a jamais »» juris natiiralis vero , uniquo et adseijuato respon- » dente Samuele Coccejio filio. Francofurti-ad- w Oderam, 1699 a, où il établît pour base : Voluntas J}ei ad suum cuiquc tribuendum quatenùs per sa/fam rationem prof(iulg^ta ; et cette saine raison étoit munie des vo- lontés justiniences. Ensuite le fils, expliqua les con- troverses du droit civil romain, d'après le Compens de Lauterbach) dont il a suivi l'ordre, et qu'il n'a fait que commenter, sous le titre de » Samuelis de » Coccejï Hemici ftlii jus civile controversum , ubi illus- » triores juris controversise brevîter et succincte ^ deciduntur , dîfficilîores materi» explicantur , » objectiones solide splvuntur et Içgum dissensus » nova ssepe ratione ubi hactenus non satisfactum « vîdetur conciliantui* , 4°. pars 1"*, 17^3 j pars M 2^^, 1778, Francofurti-ad-Oderam. «Puis ils firent -des commentaires sur Hugues de Grqpt, droit de la guerre et de la paix, sous le nom de » Henrici L, M Bah de Cocc^i Gronus illustratas cum oiifienratiorûbus M Samuelis L. B. de Cocceji , Vratislau , t. 1, 1744; ■»» t. 2, 1746; t. 3 , 1748, in-folio; addita introduc-' •• tione Sarouelis de Coccejï ad Grotium illustra- « tum. «c Introduction que Samuel le fils fit aussi Religion, etc. 2i5 eu force de loi ; ainsi nous ne nous y arrêterons pas. Nous disons heureusement , parce que s'il eût reçu la sanction royale , il auroit indubitablement retardé la grande révolution dont nous allons rendre compte, . et parce que nous regardons comme im- praticable d'amalgamer des lois positives , ;; ; 9 ^ ^ ^ imprimer séparément , sous le titre de Noxmm systema justitia naturalis et Romance, in-S"^, C'est-Ià où il établit qu'iL n't a point de droit naturel bien FONDÉ, $*IL n'est PUISÉ DU DROIT CIVIL ROMAIIf. Enfin ce Samuel a de nouveau fait imprimer .à Lausanne, en lySi, en cinq tomes //z-4°, «Grotius f^ illustratus cum commentariis locupletissimis Hen- » rici L. B« de Cocceji nunc ad calcem cujusque ** capitis adjectis , insertis quoque pbservationibus « Samuelis L. B. de Cocceji. « Le cinquième tome de cette édition, qui est la plus* recherchée , ne contient que la vie de Grotius ,. et douze disserta- tions ./roce/niit/r^ , où Cocceji prouve fort au long pourquoi il a suivi exactement les principes romains . de son père , et qu'il ne s'en est écarté que dans les conséquences que Henri en a voit tirées. On comprend maintenant comment ce Samuel , tout imbù , comme son père Henri » des idées d'Ulpien , de Cujaset de Bartole, ayant reçu ordre de faire un code de lois prussiennes » ne trouva rien de juste que ce qui étoit\;ohforme aux maxjmes juri- diques romaines. C'eit ce que prouve chaque page du projet du. code Frédéricien. Giv t'fé / L i V !*• E V 1 1 L fdlatîves à d autres temps , d'autree , mœurs , d'autres opinions, à un droit qou- tumîer ; il ne peut qd'en résulter mille et mille chocs, qui doivent produire une ç^l^usion inextricable. • Frédéric fiit alors si content delopéra^. tîon de Coccéjî , qu'il fit frapper une mé- daille que Ton trouve gppavée à la tête du second volume du projet du code (i) : mais il vit bientôt qu-il avoit été trompé dans son attente ; car nous lisons dans la préface de ce projet (2) > que les procès, quoiq^ie finis dans. le. cours de Tannée , et avec moins de frais? qu'aupa- ravant , loin de diniinuer en nombre , avoient augmenté , et qu'ainsi le roi von- loit remonter à là sour'ce du mal , i^tt ^i- r • • • ■ _ çant rédiger un code de lois d'après des (i) Sur l'ua cleR.C5Ôté8, on ïoit le bu$^€ de Fré- déric II, avec ces mot& ^ Frcjericus Bçrussorum rcx ; ftur le rçvçrs est Ti^iénitis^ avec sa balance ^ et le Tor mettant son sceptre dans l'un des pesons pour l|a rendrp égal e..L*inscriptiofi est : Emf^ndatojure^ ayeç :^.. DCÇ.. XLVIU en exergj^e. (^2) Premier yoL. ,• imprimé en 174^*. Religion, etc. «17 pdacipes fixes et clairement déterminés r cependant on ne put se dispenser de faire de grands changemens , même dans la nouvelle loi , à Tordre judiciaire. On ter- minoit, pour suivre la lettre des oixfaes du roi , les procès dans une année ; mais d*un procès jugé . il en naissoit trois on quatre : les appels , les demandes de révi- sion se multiplioient à Ilnfîni ; il fallut donc retoucher au nouveau système. Quant au projet du code , on fut obligé de travailler absolument sur de ncuvelles bases. Frédéric prit trop tard ce parti : mais il ne perdit pas un moment de vue ce grand objet durant tout son règne. Avant même de reconstruire à neuf tout Tédilice de la législation , il tâcha dadoucîr la jurisprudence criminelle. Un usage atroce avoit subsisté long-temps dans les tribu- naux. On charceoit de coups les accusés. Frédéric défendit cette horrib!e cruauté en mil sept cent soixante - six (1 ). En W K* «», 2i8 Livre VIII. général il a personnellement développé des principes doux , humains , et très- exempts de préjugés, dans l'administration de la justice et la confection des lois (i). (i) Nou» avons déjà parlé bien des fois de la dou- ceur des principes personnels de Frédéric. Peut-être «era-t-on étonné de cette assertion , dans un pays où la vie du baron de Trenk a eu un si grand succès , et allumé une si vive colère ; comme si un ordre arbitraire et une détention rigoureuse étoient une chose vraiment inouïe chez notre libre nation ! Mais le livre du baron de Trenk , que nous connoissions dès long-temps , n'a rien changé à nos idées. Nous avo^s mille raisons de révoquer en doute la plupart des détails qu'on y trouve ; nous en avons sur-tout d'accuser ses réticences. Pour donner , entre mille autres , une de nos rai- sons de lui accorder peu de croyance , nous dirons j par exemple , que le général de Wakenitz , au ser- vice de Hesse , cité par M; de Trenk en témoignage , a dit publiquement qu'il n'avoit aucune idée des faits que celui-ci rapporte. Mais il a paru en allemand une critique de sa vie, qui y ne s'attachant à la réfutation d'aucun des faits en particulier , et les prenant à toutes fins tels que M. de Trenk les '^ifcnne , n'en monljBe qu'avec plus de force que ces faits mêmefustifieittle roi ,et qu'une multitude de passages ne permet pas de croire à la bonne- foi du conteur. Cette critique est de deux écrivains. L'un , qui paroit>étre ou Religion, etc. 219 Sans nous arrêter sur un nombre infini de pr^ceptions particulières qui prouvent avoir été officier , parcovirt superficiellement les deux premiers volumes , et ne sait , dans son en- thousiasme , qu'exalter Frédéric et injurier Trenk : Tautre , qui semble un écrivain connu , et déclare avoir eu à se plaindre de Frédéric , examine plus particulièrement le reste de l'ouvrage; et ses ré- flexions , tout autrement fines et profondes , jettent un grand ridicule et une défaveur, absolue sur le livre qu'il réfute. Voici une courte analyse d^ leurs observations. M. de Trenk avoue que le roi , non-seulement son souverain , mais encore son bienfaiteur , lui avoit défendu d'écrire k son oncle le chef des Pan- dours. Où est le pays de l'Europe où , nous ne disons pas un roi , mais un général d'armée , n^ait pas le pouvoir d'ordonjier ou de défendre à un officier, ce que le bien du service lui paroît exiger , et où tout officier hon^me d'honneur, ne se croie pas obligé d'obéir? Quelle armée seroit-ce que celle où les officiers pourroient examiner la nécessité , la con- venance, la justice de ses ordres , et jusqu'à quel point on peut y contrevenir , sans se croire criminel au tribunal de sa conscience? Cette question une fois- décidée , comme on la jugera 4|M3 toute les moiMchies , dans toutes les armées ^ wins tous les régimens de l'Europe , Fré- déric est bien près de se trouver entièrement justifié envers M. de Trenk. Celui-ci viole ses ordres ; le roi lui demande : Ëtes-vous en correspoodance avec 220 Livre VII L rextrênie justesse de son esprit, qualité, qui dans les rangs suprêmes , peut s'allier votre oncle? — Non. — M'en donnez-vous votre pa- role (l^onneur ? — Ouï , Sire. C'est au moment oîi M. de Trenk venoît d'écrit à son oncle, que s'est passé ce dialogue. Faut -il s'étonner que TofEcier parjure ait été envoyé à la forteresse? C'est une pu" nition trës-usitéè dans le service prussien. M. de Trenk complote son évasion , s'enfuit avec un officier qu'il porte à déserter ; 11 tue ceux quî les pourAiivent. Sont-ce là de ces actions propres à inspirer de l'intérêt ou de la pitié ? On ne peut guère regretter le bonheur de vivre dans un pays où cette Jurisprudence «eroit admise. Tous les ' gouvernemens mettent un grand intérêt Il se ressaisir de ceux quî leur ont échappé. Le ré- sident du roî de Prusse parvient à arracher Trenk de Dantzick , et à le reconduire sur les terres prus- siennes, où cet homme avoit violé si grièvement 4outes les lois. Cet officier , d'abord désobéissant, puis parjure, ensuite rebelle, enfin meurtrier, est conduit à Magdebourg. Si le résident prussien a employé des moyens malhonnêtes pour se saisir -du fugitîf, il est infâme, et personne ne voudroit avoir joué un rôle si vih Mais* le roi ne sauroit être blâmé de s'être servi ite^-.foii résident poun^rriver à 90n but , où la justice emt absolument Mfj^fon côté. A Magdebourg, M, de Trenk recommence ses menées ; elles rendent son emprisonnement plus dur : il n'^ . a Jà rien que de très -* siœjple. Les Religion, etc. 221; avec une inflexible sévérité , et même en dicter l'habitude contre le penchant complots de M. de Trenk dévoient-ils donc porter le roi à lui accorder sa grâce ? Mais on vouloir l'y faire périr. -!— Quelle preuve en avez - vous ? seroit-ce que Frédéric l'a relâché ? M. de Trenk dit qu'on a exigé de lui le serment de ue rien révéler des traitemens qu'il avoit éprouvée durant sa prison. L'un des critiques lui reproche ce manque de foi ; et certes , c'est être trop sévère ; maïs l'autre est tout autrement pressant. Pourquoi , lui dit «il , pourquoi avez-vous attendu la mort de Fré- déric pour écilre ? Craigniez-vous sa vengeance et ta longue main des rois 4^ Mais lisez votre épigraphe : Flectere si nequeo superos , acheronta movebo. Un homme qui veut attaquer Venfir même , doit-il être arrêté par une crainte quelconque? Ahl vous avez manqué le vrai moment d'être intéressant , d'être cru. C'étoit du vivant de Frédéric qu'il falloit donner à l'Europe l'histoire de ses barbaries. Alors on auroitpu scruter^ Bier , expliquer vos étonnantes aventures. Si on ne l'eût pas fait , quels avantages on vous donnoit ! Aujourd'hui, presque toutes les personnes qui|ayoient le fond de votre histoire sont mortes ; le peu de témoins que vous citez ont oublié la plupart des circonstances de faits si éloignés ; ils se garderont bien d'ailleurs de se commettre avec un pourfendeur d%omme% tel que vous toitA annoncez. Quel est rhomm#yy qui , sur voë propres rapports , vou^ droit avoiif quelques relations avec vous? vaincu •u rainquetir, quelle gloire attendue d'un comJbat 222 Livre VIIL naturel, nous en citerons un des plus remarquables exemples , qui a été Tobjet de plusieurs édits. avec le Trenk de vos propres mémoires ? Celle de l'avoir démasqué, un hâbleur auquel, en Allemagne , aucun être sensé n'a cru ni pu croire ? Celle d'avoir justifié Frédéric-le-Grand ? De bonne-foi en a-t-il besoin ici ? eh ! que prouveroit aujourd'hui la né- gation des faits que M. de Trenk affirme ? ce seroit voix contre voix : l'escrime la plus adroite , le duel le plus éclatant ne prouveront rien de plus. Le premier critijque fait une observation assez plaisante, pour dévoiler la manière â'étre de M. de Trenk. Celui-ci dit, page 42 de son histoire : * 11 »• n'y a qu'un faquin savant qui écrive pour jeter de >» la poudre aux yeux à ses lecteurs ; qu'un fanfaron « qui raconte , pour prouver qu'il est uq gran.d » homme ; qu'un aiFamé qui écrive pour gagner du M pain : ce n'est aucune de ces trois raisons qui in'a *> mis la plume à la main. « Mais dans la dédicace, »» il avoit dit : Le monde est avide de nouveaux » romans ; ce sont les livres iqu'il paie le mieux , n 8ur-t%ut lorsque des histoires véritables sont écrites » en forme de roman ; et j'ai besoin d'argent. — » Fort » bien dit le critique après avoir fait ce rapproche- » ment, fort bien , bonhomme ! tu as besoin d'ar- » gent ; nourris>!-toi , à 1^ garde de Dieu , de la eu- » riosité du monde ;>pMKine ne t'en bl^npte.ra, puis* » -que tu as une familles pourvoir : ui^^âiw^ur peut >• avoir divers motifs pour écrire. Maïs du moins * n'essaie pas de nous faire accroire que tu ne pense* Religion, etc. 228 C'est une des grandes erreurs de la morale très -incomplète , très - ambiguë , •• nullement à l'argent quand tu écris ; car , vois-tu »• bien , si tu n'y songeois pas du tout en composant » tes livres , pourquoi recourir à la ruse économique » de vendre le même ouvrage , la même année , à »» plus, d'un libraire ? de vouloir apprendre à vivre » aux contrefacteurs le sabre à la main ( M. de » Trenk a en efièt menacé le premier qui oseroit 9 faire une édition furtive de ses ouvrages , de lui «aller couper la tête), et de rechercher toutes » sortes de moyens pour le mettre en vogue ? « Une observation plus sérieuse, et très-raisonnable , est celle-ci »» : Feu le roi , dit le critique , cassoit quel- »K quefois des oflBciers pour des causes légères en apparence : c'est qu'il en avoît presque toujours de plus graves qu'il ne disoit pas , pour ménager le M point-d'honneur de l'état d'officier. « Mais sans recourir à de vagues conjectures , on peut , indépendamment des observations précédentes , s'expliquer la dureté dont Frédéric a usé envers M. de Trenk. Celui-ci avoue qu'il a eu une in- trigue amoureuse avec une personne d'un rang très- éminent ; si cette personne est celle que l'on nomme généralement (la princesse Amélie , sœur de Frédé- ric ) ; si cle cette liaison il est provenu des enfans ravis à la lumière par d'effroyables attentats , que de raisons particulières le roi ne peut-il pas avoir eu de traiter «évèrement M. 'dé Trenk , sans que la décence lui'ait permis de les 'dévoiler ! Ce monarque oc lui auroit donné sans doute qu'une leçon de » !224 L I V K E VIIl. souvent fausse , plus souvent défec- tueuse , que nous devons au chrîstîa^ conduite ^ s'il s^étoit comporté décemment dans sa prison. Mais quand la séduction, les complots, la rébellion , ont été de sa part des aggravations réité- rées du déplaisir , ou même de l'inquiétude qu*i^ a pu causer au roi son bienfaiteur , faut-il s'étonner que celui-ci. ait redoublé de sévérité envers lui ? qu'un roi ballotté de tant d'qragps ait voulu se rendre maître d'un homme qui avoit accumulé offenses sur offenses , et dont l!audace ne connoissoit aucun frein ? Aujourd'hui M. de Trenk a beau jeu d'en appeler y pour prouver ce qu'il avance , à ce que personne ne le contredit. S'il reste des hommes instruits du fond de son affaire, peuvent-ils l'ébrui- ter? ne doivent-ils pas même, par respect pour les mânes du grand Frédéric , laisser toute cette intri- gue sous le voile dont il a voulu la couvrir? £n voilà assez pour donner à penser aux gens rai- sonnables, que le recueil de rodomontades intitulé la vie du baron de Trenk , ne mérite pas que l'pn prononce suruu aussi grand homme que Frédéric , qu'il a été inhumain , lui dont la vie entière ne présente pas un trait de cruauté, et en offre mille de clémence j lui qui voyoit tout de si haut , qui ne se passionnoit sur rien ; qui , pour répéter un mot échappé à sa discrétion , se mettoit en colère sans se fâcher. De quelque action c&, M. de Trenk ait été cou- pable , dix ans de prison sont certainen^fÉÀ une pu- nition horriblement sévère, et il n'y a rien que de naturel dans la pitié qu'elle a inspirée , lorsque ni^jpie JRéligion, etc. ziS I nîsmt ( î ) d'attacher beaucoup trop d'importance à ce que les prêtres ont ■»»i" après la mort du roî , îl a cru le moment favorable pour se faire valoir par le récit de ses malheurs et Vétalage de ses jactances. Les anciens nommoient les choses qui avoient été frappés de la foudre, res sacra; ils les regardoîent avec respect, et n'osoient y toucher. M. de Trenk a été frappées de la foudre , il est sacré ; il seroit intangible , s'il n'essayoit pas lui-même dé profaner un grand homme , qui , sans doute ,' est aussi un être sacré Mais comment se résoudre à un parallèle entre un Frédéric et M. de Trenk? N. -5. Quiconque voud^oit juger la conduite de Frédéric envers M. de Trenk , sur les mémoires de orlui-ci , est averti que les deux traductions qui ont' paru de cet ouvrage allemand , sont excessivement infidèles. (0 • •' t : Tome V. P* h l V » E V I I I. ^ ^*-^v i e<> f/êçhés de la chair. Uinconti- ùe toute espèce est un vice qui nuit *«^Ci ^kitfk • • • •k • ^ Religion, etc. 227 souvent fort essentiellement à celui qui en est possédé. Mais dans Tordre social , 1 • • 1 } • Pi) \ 3^8 Livre V I I L sî Ton excepte Tadultère , dont la plus grande source est dans les mauvaises lois ^ c'est assurément un des plus légers, et par conséquent un de ceux contre lesquels la législation doit sexercer avec le moins de rigueur. Le clergé, pour qui les péchés de la chair sont les seuls dont il ne puisse pas se promettre Timpunîté ( Torgueil » 1 avarice, la vengeance ne lui ont pas sem*- blé aussi difficiles à sanctifier), le clergé a toujours abhorré ce genre de foiblesses^ et leur a infligé toutes les peines qu'il a été maître de décerner. Les ministres protes- tans ont conservé ce principe, et même ils Font poussé plus loin à certains égards que ^ les prêtres romains, afin de montrer une ' plus grande pureté de mœurs: car tel est ' Téternel objet de l'ambition des dévots rigides , ou des hypocrites de vertu. Ils ont donc été sur ce point excessivement sévères ; ils ont obligé le bras séculier à contraindre les contrevenans à des amen- des considérables , dont une partie appli- quée à des œuvres pies , retombe dans les mains ecclésiastiques. Ils ont statué que R JET L I G I O N , etc. 229 jIuî ou celle qui succomberoîent d une lîère. sensible , fproient avant d'être idmis.à la communion des frères de sa feroyançe , une pénitence pùbliqup. Ces mesures iniques avojent multiplié dans I^^Uemagne Tinfanticide à un degré vràî- ;i .ment affreux ; et coipme on a attaché la ,peine de mort à Tinfanticide , il résultoît de chaque événement de ce genre, un double meurtre , celui de lenfant par fa ïnère, et celui de la mère par .les tribunaux. FrédériiG sentit Tàbsurde atrocité de cette partie de la législation allemande» Il Tabolit par plusieurs édits. Tout opprobre ^ légal fiit ôté pour les fijles devenues ^tnères. Elles dévoient déclarer leur groe-; sesse, et il y eût des arrangemens pris pour faciliter et Taccouchenlent et Ten- f relien de leurs enfans. Il ne fiit plus ques- tion de^ peines pécuniaineâ qge ces infosT- tunées étoient auparavant obligées; de payer, et qu'on leur arrachoit avec une dureté extrême. Les autres contraventions : de cette nature furent taxées suivant leur '•ri. vrai rapport avec la société. Frédéric a P 11) * I y: 33o L V V R E VIII. produit ainsi ua bieiî infini. INdh -seule- ment il a corrigé là législation sur ti# point essentiel ; mais comme lés idées morales du peqple dépendent infiniment des lois; il a rétabli à cet ;^àrd Tordre naturel dans les idées morales de ses sujets;. ■ •-.■■/ pue ceux qui ont réfléchi sur lés grands . rapports de la société apprécient ce , bienfait. t . • "• Travaux. : Mai$ c'est Dcu dc chosc cd comparaison Frédéric ii,*ide 1 actioH vraimeftt digne d'un: roi légis- nières an- latéur ct philosophc , Qui a iUustré les nées de son , * ., / i i xt régne, pour crémières années de son règne. Nous ne donner une. -.••ifi i fi^- JÂîisiation ^ sHUfions troj) dcplorcr que Ja révolution nabie^^ù son Sublimc quî cii a été lefi*uit,ait commencé ^"^^^' î-par une injustice. Mais Fanjotir 4^ la vé-^ tîté auquel nous ne saurions résister parce que noas le régardons comme le «àUVeur de l'humanité , ne nous permet .■^as de le dissimuler. . ' î • ' . w' - j. ' ' ; ■ ' . ■ . Un événement de 1 année mil sept . cent soixante - dix - neuf, fut l'occasion qup le roi isaisit pour entreprendre une nouvelle et totale réforme de la justice. R.E L I G I o N, etc. 23l Voîcî comment M. Fischer . raconte Iç fait.(i.> .,...: j> Le seigneur territorial d'un moulin , » qu'uiji meunier nommé Arnold avoit en » ferme , détourna ^ea^ :d!un cariai qui ^ fkispit aller ce moulin. Le meunier en >^ soyfFpoit, beaucoup, et cependant o ri » youloit l'obliger à payer la fermé ordir » naire du moulin. Au premier coup-d'œil, » celasçpW.Qit une g^jaindé injustice ;raaf|5 >> la cbpçe .ejcaminée à fond montroit que 7> le seigneur avoit. d^oit d'en agir ainsj. » Le. meunier. po]:ta sa piainte directe^ » njejtit am roi >, qui. n'en vi30gea la. chose » que^ous son. premier aspect Il-oiîdofjna ,» au tribu^al suprênae de l'armée de l'exa- » njiper, et celui-ci jugea. la plainte fon- » dée. Le roi étoit alors tourmenté de » la goi;^tte, il avoit de Thumeur ; :on lui ^ avoit insinué faussement que le grand » chancelier ne pouvant pluç. suffire Juir » même au travail , abandonnoit. tW.t it » son secrétaire. Aussitôt son agiour aè - ' ' 'm l pm f ,m ■ „ ■ , ■ ■■>■ -,/ >...-■ P iv ' 232 L I V tl E YliJ.' » la jastîce s'enflatmme : îl se rend à » Berlin ; il fait venir au château le grand » chancelier de Furst, et les conseillers » du tribunal suprême qui avoîent porté y» Fa sentence ; là îl les accable des repro- 1> ches les plus durs sur leuf injustice » supposée ; le grand chancelier est » cassé ; les conseillers sont envoyés eh >> prison ; la régence de Custrîh, quîâvoît » jugé le procès en prexniëré instance , » subît un sort pareil , le président , M. de « Finkeosteîn est cassé , les conseillers » sont envoyés à la forteresse. Le roi tint » lui-même le protocbler de ce' procès , » et il s'y trouve leS moiiiimenfe les plus » respectables de son amotfr pour la^ » justice, et de sa tendresse pour ses peu- 5> pies, w Oui i maïs les riiandataîres de Fauto- TÎté ont aussi droit à la justice; ils font aussi partie du peuple ; et de plus il im- porte infiniment à la société tjpl'îrs soîent respectés : d'abord , pour qu'eft effet ifs deviennent respectables ; ensuite parce -que si l'on a le moindre espoir de les Religion, etc. 233 incriminer sur des apparences équivo- ques , ils seront incessamment victimes d'wne multitude de machinations et d'in- trigues , et le souverain sera sans cesse frompé. Frédéric eut tort, et il le sut; les preuves en forent portées jusque'à l'évi- dence : il n'eut pas le courage de l'avouer ; il persévéra contre sa conscience dans une criante injustice, parce que ces naots trop adroits de la vieille femme du meunier : Ah ! Sire , ils vous feront changer d'avis , retentîssoîent dans son ame inflexible. Tous les liens da là discipline sociale en forent quelque temps relâchés. Les paysans arrivoîent en foule pour de prétendus redressemens tout-à-fkît insensés ; il fallut y mettre ordre par des injonctions sévè- res. En un mot ce fait , que de lâches panégyristes et de misérables gazetîers ont proclamé en Europe ^ est la plus profonde iniquité du règne de Frédéric* Sàris doute la révolution dont ^lle fot l'occasion fot grande et salutaire. Personne ne lui a payé le tribut d'éloges dont noiïs allons lui faire 'hommage;' iziaîs il falloit, a34 L I y R K YIII. en rendant ftjstice à cette npWe réforme,, dénoncçrjç délit trop; npiécpnnu iqjii lui donna lieu.; • Au reste? le protocole ., que vante M, Fischei- V Qst çn effet très-remarquable. » Les tribunaux , y e3(:-U : dit , doivent « savoir que le moindte p^^ysan , et mêraîç » un uiiendiant ., sont des hommes aussi » bien que sa majesté le fçi^^fit qu'il fèiut » leur rendre pleine justice. Devant les ,» tribunaux , tous les , hommes doivent » être égauxv Là le pay^n ,est Fégal du » prince,. et Iç prince est: l'égal du paysan. ^ Il faut que dans les tribupaux on décide » sans acception de personne, suivant les » seules lois de la justice. Un tribunal j» qui commet 'des "injustices est pire » qu'une bande de brigands ; car au moins » peut-on se précautionner contre ceux- 33 ci : mapis il n'est ppint de précaution qui » puisse garantir contre des l^qmipespep- » vers, ^i^ii^e.cqpyreat du manteau, de » la juftjce pour sat^,§(?ûre leurs vik^ » passions, ^ Le roi ordopae ensuite qu'on .termipe au plus tôt cjjaqiie. procès ,; qu'pn Religion^ etc. 23^ fiè profêinie plus te nom de justice par cjeç iniquités , et recommande encore , dans les termes les plus forts , la plus inflexlblp impartialité. , A cette époque , M. de Carmer , alors chef des tribunaux en Silésîe, fut nommç jgrand chancelier, et Frédéric le chargea 'de cette réforme dans l'administration de la justice. L'ordre du cabinet, du quq.- torze avril rail sept cent quatre- vingt, qui en contient le commandement , id^t plein d'excellentes vues. Lq roi reconi- mande le choix des juges ; jl veut que se^ tribunaux ne soient remplis que d'hommes habiles et d'une probité reconnue; que de? inspections fréquèiites et f^es listes an- nuelles envoyées par les présidens et les directeurs, constatent la cduduitedes i)ia- gîstrats. >> Car, dit le roi.^ il ne suffit pas » qu'un officier de justice se garde d'une >• corruption grossière;. il faut que, dans » tous les actes de son ministère , il ne - » montre pas la moindre passion, et qu'il * évite toute apparence de .partialité. Un » homme sans principes et sans mœurs 236 Livre VIIL i> oublie aisément ses devoirs ^ et il ne faut » absolument pas souffrir de tels sujet* » dans les tribunaux* Ne balancez pas un s^ moment à casser ces officiers indignes ; ^ * que ni famille , ni quelque considération * que ce soit ne vous arrêtçnt . à cet » égard ; ne vous laissez pas même fléchir » quand ils seroient doués d^une grande '»- capacité. Convaincus ainsi de la probité » des officiers de nos tribunaux , nous ^ leur rendrons de notre côté toute la » justice imaginable ; noua les honore- » rons , nous les récompenserons suivant » leur mérite; mais nous ne connoissons » pas de peine trop forte pour être infligée » à des gens •apables-d'oublier leur devoir » au point d'abuser de leur charge, destL- » née à la défense de Tinnoçence et au • maintien de la justice , pour opprimer îi Tune et détruire l'autre. « Le roi ordonne que les procès soient purgés de formalités superflues , et teç- *mînés dans une année. *» Il ^st contraire , » dit-il, à la nature des choses, que le j» juge n'entende pas les plaintes des R £ L I G I o Nf etc. aSy jé parties , et qu'elles soient uniquement » portées devant lui par des avojcatç » Hiercenaîres, qui ont le plus grand inté- » rêt à la multiplication et à la prolongar: » tion des procès. Lorsque le juge nç » reçoit les actes qu'après que les avocats >» ont obscurci ou mutilé le fait p^r leurs » écrits , il est tout simple que celui qui » prononce la sentence manque le vrai » point de vue, qu'il statue sur des prèu- » ves tronquées , et qu'obligîé de suivre » la fausse route qui lui est marquée , il » porte à la fin , souvent contre sa pro- » pre conviction , une sentence manifes- » tement injuste. Je ne saurois croire «•qu'aucun sage législateur de l'antiquité, » ait jamais prescrit un ordre de procès » aussi peu naturel, et j'imagine plutôt » que c'est le fruit de la barbarie des » temps postérieurs et de . la paresse des » juges. A l'égard des Romains^ les magis* » trats dévoient rechercher le fait avant » d'entendre les avocats que les parties » avoient choisis, et de pronôhcer lat seq^ 1» tence; et s'il est vrai que lesiois papajep 2t8 Livre VIII. » ordonnent expressément que les )uges i> rechercheront d'abord le fait, et que les » avocats ne feront que défendre le droit » des parties , on voit bien que mon » opinion <"st assez fondée, « On ne peut pas douter que I écrit dont nous venons de transcrire des fragmeas, et qui porte avec lui tant de caractères de bonne-foi , et d'une forte conviction , ne soit de Frédéric ; et certes , il faut en con- venir, c'est un être extraordinaire que le roi qui écrit de telles lettres à ses ministres. Il ordonna encore , et c est le troisième point de Tordre du quatorze avril mil sept cent quatre-vîngt , que les lois, qui avoient été jusqu alors vagues., éparses et ambiguës , fussent recueillies avec la plus grande précision et la clarté la plus limpide. ^rçior- Frédéric - Guillaume avoît déj nontré oduit' une forte haine aux gens de loi ; il leur imputoit la longueur et la m . tîpliçité des procès.' Frédéric II avo^t qes long?- temps aboli les procureur$.; il finit par ejj faite autant des avocats. Dans le nouvel R E L I G I o NT, -etc. 23g ordre judiciaire , dés qu'un ïndivîdu a une plainte à former , il va ranhôncféir au tri- bunal ; celiii-ci désigne alor^ lin de ses membres pour instruire la cause. A cha- que tribunal sont attachés des légistes sous le nom. de conseillers d'assistance: ils remplacent lés ianciens avocats , et ont qn salaire fixe." Le produit dé leurs tra- vaux est mis dans un fonds qu'administre l'état ; ils en reçoivent leurs appôinte- niens : ils ont en outre line rétribution proportionnée 'à la grandeur et à la com- plication de TafFaire qu'ils traitent , et aux peines qu'ils s'y donnent. Le deman- deur , avec un des conseillers d'assistance, va , muni de toutes ses preuves , devant le membre désigné du tribunal , qu^on appelle le Décernant; celui-ci en exaiiiinë la vali- dité , tire de la partie toutes les notions nécessaires pour éclaircîr le procès , et lui détaille les raisons pour et contre sa prétention ; ensuite le même* décernant lait connoîtré au défendeur la 'pfeiinte for- mée contre liri'i* et les |fffcfûvé^''5qp uirap- puient Qn donne à ce dernier unàùlrc %/^ Livre VIII. conseiller d'assistance , ,ayec lequel il comparoît . devant le même décernant ^ muni de toutes les preuves sur lesquelles jl fonde sa défense ; on lui fait voir éga- Jement le fort et le foible de son affaire : alprs il est obligé de déclarer s'il veut Fabandonner ou la soutenir. S'il prend, le dernier parti , il fixe un terme auquel lès deux adver^ires comparoissent ensemble, et où le juge s'abouche a,vec eux et leurs ' conseils pour instruire l'afFairepIus à fonds. S'il survient, par la faute d'une des par- ties , qufîlque retard dans le procès , c'est 1^ elle seule à en supporter les frais. Si elle a retenu à dessein , pour prolonger la con- testation et pour obscurcir Ja vérité ^ certaines circonstances ou preuves , et si elle ne les montre qu'au terme fixé pour l'instruction du procès ,. non -seulement elle est condamnée à tousjes frais , mais en outre à vingt , cinquante^ , cent éeus d'amende ,. et même davantage , ou dan3 Je cas d'insolvabilité, à un emprisonner mçnt prqpQrtionné , san^ . acception dp personne. , . Dans Religion, etc. 241 Dans la jçuite de Finstruction , le juge député rappelle aux deux parties leurs allégations respectives , et les débat jus- qu'à ce que les points sur lesquels elles sont daccord , ou ceux sur lesquels elles sont contraires en fait , soient bien consta- tés. Le juge et les parties ne sont plus, comme autrefois , restreints à un certaiil nombre de propositions ; au contraire, le juge peut et doit.continuer Texamen jus- qu'à ce qu'il soit parfaitement instruit* Les conseillers d'assistance doîveiit veilter au procédé du juge déplité , pour qu'il ne se fasse rien au détriment de la vérité et de leurs parties : ensuite ce juge déter- mine, à l'aide des conseillers et des par- ties (1), quelles circonstances indécises ^■— ^MÉ^iMh 1 1 ■ I I I I II «I I h— ^lM»^i^— r— «1 I M ■ I I «1 II iMiMti^— *— i— — i>—h««IIMM> (i) Il faut noter que d'abord on avoît exigé là présence continuelle des parties , et qu'il n'y avoit qu'un petit nombre dé cas , comme maladie , ofiice ne comportant point d'absence, etc. qui dispensas- sent d'assister en personne à l'instruction du procè». Mais on fit «entirque cette gène etoit grande* On statua donc que |^Bnseiller d'assistance , ou l'expcit «n lois, que l^^arties pouvoient amener avec Tome V; ' O 242 L I V R E VIII. sont importantes dans l'afFaîre, et restent à prouver : les deux parties peuvent et doi- vent énonce/ fidèlement tous leurs moyens, ^ans qu^il y ait à débattre dans aucune période du procès, quel est le demandeur, quel est le défendeur ; laquelle des deux parties affirme ou nie ; si Tune des deux à un préjugé de droit en sa laveur ; si , suivant lesordônnances antérieures, c'étoit à Tune ou à l'autre à prouver. Les décla- rations de preuves ne doivent nuire à au- cune d'entre elles ; aucune ne doit perdre pour cela les bénéfices de la loi ( bénéficia legis ) auxquels elle a droit de prétendre ; et Ton n'en doit juger aucune sur une preuve suspecte ou insuffisante , seule- ment parce qu'elle Ta fournie au juge , ou «lêine parce qu elle s'est fondée sur ce — - — — - _ .. - — elles i comparoîtroîent à leur place si elles le dét^rolent. Ce changement lie dépead absolument •^uede la volonté de chacune des parties. Nous tirons ce fait de la Bidinschc Manaths-schrift ^ ann. l'jR^ % n** 3, 4 et 6; on y trouve deux petits écrits sur la réforme de la justice dansjittkmonarchie prus- sienne, où les avantages de^Ke Ji^orme sqii( agréablement et 'sainement déduits. Religion, etc. ^43 mauvais ai^ment. Jamais on ne doit rejeter une preuve décisive , parce qu'elle n aura pas été indiquée ou fournie dans le terme fixé. En un rnot , on doit juger à Tavenir toujours sur le fonds de la chose > et jamais sur la forme. Cela seul coupe court à une infinité de procès accessoires , d'interlocutoires , etc- ; tandis quVutrefoîs on plaidoit des années sur des incidens. On ne «oufFre plus de débats collatéraux sur la qualité ^ ladmissibilité ou le rapport de tel ou tel moyen; mais on veut que la question capitale soit instruite de façon que les in* çidens soient examinés et décidés ett même-temps , et que 1? sentence prononce^, sur le tout. Les juges ont ïe droit d'exigei* l'extradition dune preuve quelconque du demandeur coname du défendeur , et même d'un tiers nullement impliqué danô le procès. Autrefois on y multîplioît les sertnensî . îlestordonhé aujourd'hui qu'on tentera^ à prenez T „ . 1 nntwiét auparavant de 1 exiger , tous les autres moyens de découvrir la véritéé On ne doit 244 Livre VI IL le faire prêter aux tAiioîns qu'après la dé- position ; afin que s'il en est qui ïie dépo- sent rien d'important, les parties soient plutôt disposées à les en dispenser. On ne doit pas prêter les sermens au milieu du tumulte des plaideurs, mais dans un appartement séparé , en présence seule- ment des personnes requises, avec silence et recueîTIèment Le juge député , ?près avoir instruit le procès, doit expliquer et déclarer aux par- très la situation de FafFaire,Ieur montrer quel tour elle prendra vraisemblablement^ et leur indiquer des propositions dac- commodément équitables. Ce nest au « reste que dansées cas douteux qu'on doit tenter d^accommoder les parties ; mais jamais en les pressant d'y consentir con- tre leur droit exprès , ou par le sacrifice dé prétentions jiiStes, ni sur -tout sans leur avoir expliqué la nature de leurs . titres. Mais si, dans ces cas, une partie re^fijse raccommodement ; et qùé la sen- tence ne lui accorde que ce que Fautre lui offrpit , elle è'*t condamnée aux dépens. R EL I G 1 o N, etc. 245 Tels sont en niasse les principaux traits de Tordre judiciaire établi par le feu roi en mil sept cent quatre-vingt (i). Jl a fait imprimer , et non publier , sur ce sujet, une loi fort étendue , qui doit former le premier livre du code frédéricien. Ce livre aura six parties (2). Il ne faut pourtant pas le confondre avec lé code même, dont nous allons parler. Celui-ci contient les lois , et n^est encore qu'un projet ; Fautre renferme Tordre de la procédure, et a reçu sanction et force de loi du gouvernement. Les principes généraux que nous venons d'exposer y sont appliqués à toutes les • (1) Nous avons analysé ces détails de deux ouvra- ges, où ces objets nous ont paru éclaircîs d'une manière satisfaisante. Ce sont : Uebcr einige gegenstaende aus dcr Preussischen geschïchte und verfassimg von Stuckert^ 1786, 'n". 4 , p. 93 ; et Brief wechsel ueber die neue justiti nform Berlin ^ 1780. Ceux qui voudront plu« de détails à cet égard, trouveront, dans ce dernier livre , deux modèles de procès iastruits selon cette méthode. (2) Dans un reserit au tribunal ^préme, il est dit qu'on lui envoie cinquante exemplaires de la troL- sicmc et quatrième partie. Qiij ^^é Livre VIII. espèces de procès. C est une singularité que la partie qui a reçu force de loi n'ait pas été distribuée au public ( i } comme le code même , qui n'est encore qu un projet. S'il est bon d'exposer celuî- cf à. Ift censure publique , n*iroporte-t-il donc pas que fauire soit connu et scruté dans tous ses détails ? Quoi qu'il en soit, Ja cinquième et la sixième partie de ce premier livre, qui dévoient traiter de Tobjet si important de Tordre de la pro* cédure dans les procès criminels, na- voient pas encore paru en mil sept cent quatre-vingt-six (2). Beaucoup de réclamations se sont éle- vées sur le nouvel * ordre introduit dans (i) Elle n'a pas non pliu été insérée dans la grande collection des lois , oii Ton ne trovive que les édits n^' 2i et 33 de 1780 , dans lesquels les principes de cet ordre judiciaire sont expliqués eo: général , mais àans aucun des détails de ce pre- j^îer livre du. code dont nous parlons. {2) Nous en ayons la preuve dans une note rela^ the au code crifiinel , que nous citerons ci-après , et qui nous montre que ce genre ^'instruction 4^ tPit y #trç %mt,é^ Religion, etc. 3147 les procès civils. On a dît qu'il mettoît les parties absolument au pouvoir des juges, et nommément de celui nommé pour instruire le procès. Maïs il n'est pas seul; il nose rien faire qu'en présence des conseillers d^assistance , et de leur aveu. N'étoit-on pas autrefois entre les mains d'un avocat , d un procureur , puis entre celles d'un juge ? Eh bien ! à . pré-^ sent on n'est à la merci que de celui- cî. Dès qu'une affaire doit être jugée , né faut-il donc pas qu'on la remette à quel- qu'un ? — Mais autrefois elle étoit entre les mains du tribunal ? — Pas plus qu'à présent ; l'usage de plaider de vive voix est aboli dans tous les tribunaux de l'Allemagne , et nous croyons que c'est avec raison. Le talent de la parole, ce don si précieux , dont les anciens firent une divinité , peut sans doute produire le plus grand effet sur les hommes assem- blés; et cela même sufl^t pour l'exclure des tribunaux , où l'on ne doit parler qu'à l'esprit du juge , et nullement à son ame. D'ailleurs on peut difficilement suivre un Qiv ,?48^ L i%R E VIII. discours prohdh'cé, assez pour y asseoir un jugement important. Si le discours est Ibng , l'attention se perd chez là phf^art des hommes : s'il est véhément ou insî- • dieux , le danger est plus grand encore ; Tattention est distraite , divisée , séduite. Ces inconvéniens n'existent plus des qu'on plaide par écrit. Nous savons que cet usage ne seroit pas sans danger, dans les pays où Ton est obligé d opposer sou- vent aux intrigues judiciaires , à la mau- vaise volonté des corps , la puissance de l'opinion publique. Mais en Allemagne , où l'usage honteux d'aller voir, solliciter, instruire, remercier ses juges, est in- connu ; en Allemagne, où les plaideurs ne savent pas même quels sont leurs juges , où l'avocat ne les voit quau tribunal , où }1 ne leur parle que par ses écrits , atten- dant le jugement en silence , cette né- cessité n'existe pas , et la f)Iaidoirie écrite -nous paroît la 'plus convenable. A la vérité, comme rien d'humain n'est sans inconvénient , il en est un en ceci. Tous Us juges ne sauroient lire et étudier .* R È L I G I alK, etc. 249 chaque acte des procès. On nomme donc un rapporteur , et communément un véri- ficateur du rapport , bu corapporteur. Ces officiers font le résujné des preuves et des raisons pour et contre , et c'est sur ce résumé que les juges prononcent. Voilà la méthode ordinaire ; nous demandons si elle ne met pas autant et plus entre les mains du rapporteur que les nouveaux tîtes prussiens dans celle du -juge député Empêcher tous les abus en matière judi-- claire , dit très-bien à ce sujet M. Fischer, ce sera une chose impossible tant que les hommes seront hohimes , et quil faudra prendre des hommes^ pour juges. Mais, cer- tainement, le nouveau système prussien doit diminuer infiniment le nombre des procès. L'auteur du livre intitulé briefwe-- chsel ucber die neue justit^ reform ,' fait , à cet égard, une très-bonne observation (i). w En classant , dit-il , la somme des » procès pendans durant une année de- « vaut un tribunal, si Ton ôte le très-grand mmt (i) Pag. 8 et suly. 25o Litre VIII. ■ » nombre d actions pour dettes ou lettres- » de-chaoge , celles pour injures et autres » plaintes de peu d'importance ; si 1 on » met ensuite à part les litiges où il ne » s'agit que d'une question de droit ; on » verra que de cent procès il n y en aura » pas dix qui dépendent d un fait vraiment » compliqué et diflScile à constater; de » ces dix , il n y en a certainement pas » cinq où la complication réside dans le » fait même , et non dans la façon absurde » dont on le présentoit, et dont on le » recherchoit autrefois. Qu'il y ait ^ dans » chaque tribunal , seulement deux hom- ^ mes vraiment dou^s de sagacité et de ^ jugement (il Êiudroit que Ion connût » mal nos tribunaux et la manière dont ^ les membres en sont préparés , exa- » minés et formés avant de les y placer, » pour douter qu'il n'y eût dans chacun » plusieurs de ces hommes); alors le » président du collège , de qui dépend le » choix des juges députés pour l'instrtic- » tion dans chaque cause, et dont l'é- » tude principale doit être de connoître Religion, «te« %S\ n les personnes à ses ordres ^ n^a«m t\Vik n désigner , pour cliaque procès, rhoniffii » auquel H convîont Nous pourrons être » tranquille^ sur la crainte (|u'un^ CâUM » ne se gâte par Timpéritie de celui qui ta ^ conduira. •< Un grand argument en faveur du nou- vel ordre de la procédure, selon nouN du moins, qui n'avons aucune den hnnî/*rei» nécessaires pour en c>tre juges compélenSf c'est qu'il soit I ouvrage de Thomnte ou des hommes qui ouf rédigé le prnjt'l du code dont nous allonw i*H(\umvr Ir* pl^ui et les principaux trait»; une muily<^' p\m détaillée n'étant pa» amyettdhhr ini , paip^ que ce code n'ej^t pâ» a^mplei^ frj ^jull n'a pas reçu force âe loi. \om ht ilrtn^ minatjoa que Fréiéric a^dt pri^ k t^ rd ^ H es$ M»t^e w« pum^î^MÎm' pM$f ^Jpi^ iSn Livre VII ï. Tavons dît aiiieurs ; c'est sincèrement , c'est avec un noble courage et une mo- destie digne d admiration, que Ton. a voulu lui donner toute la perfection que comportent les ouvrages humains. On invita les gens de lettres de toutes les nations à faire leurs observations sur ce projet. » Ce livre , dit M. de Carmer , con- » cerne un des intérêts les plus împor- » tans du public ; il est donc juste de ras- » sembler les voix sur sa rédaction. Il est » d'ailleurs, parmi les étrangers , des hom- » mes d'un trcs-grand mérite, versés dans » l'étude de la législation , auxquels je » ne sauroîs m adresser directement, et » des lumières desquels je désirerois pro- » fiter. En présentant donc à sa majesté » la première partie de mon travail , j ai » proposé qu'il me fut permis de com- » ninnîquer d abord tout l'ouvrage, sous » la forme d un projet, au public, et de » rassembler les observations et les cri- » ticjues dont il voudroit me faire part. » Sa majesté a trouvé cette proposition » conforme à sa sagesse et à ses soins pa- Religion, etc. 253 5» ternels pour le bien de ses sujets. t]'est >f donc avec Tapprobatiôn expresse du » roi mon maître, que je remets ce pro- ^ jet d'un code général des états de la » monarchie prussienne entre les mains « du public , invitant et pressant tous les » membres, de la république des lettres , » tant régnicoles qu'étrangers, de lui faire « subir un examen sincère, rigoureux , » et entièrement libre. « Voilà , sans doute , un grand et subli- me exemple î Le terme fixé porir l'ad- mission des observations au concours étoit peut-être trop court : six mois après la publication du projet du code ! Mais ce n'est que pour recevoir une rétribu- tion modique qu'il n'est plus temps de concourir ;• et ceux qu'une telle perspec- tive peut seule animer , ne sont pas les hommes dont l'espèce humai ne doit atten- dre sa restauration. Pour les autres $ le concours est encore ouvert, et le plus beau des prix, l'honneur d'être utile, peut toujours s'acquérir. On désire sur-tout que les philosophes tournent leur attention 1 il 254 Livre VIIL sur les points suivans : » Si dans les chai> » gemens apportés aux anciennes lois , j» on a la raison de son côté ; s'il en est » de même dans lesrèglemens faits, soit » pour sauver les antinomies du droit » romain , soit pour remplir les lacunes » qui s'y trouvent, soit pour fixer cer- » tains rapports nés dans des temps pos- » térieurs , et si tous les règlemens sont » conformes à la nature des choses , à » Féquîté et au bien de la société ; si Ton » n'a oublié aucune des matières qui » doivent se trouver dans un code gé- * néral , et si tout y est traité de manière » que les citoyens et le juge puissent » trouver infailliblement dans les pré- aï ceptes généraux et particuliers qu'il » contient, des raisons suffisanunent dé- m terminantes pour la conduite de l'un ou » pour les décisions de l'autre; si ce pn>- » jet a dans son exposition la clarté et la » précision nécessaires, «c Ce n'est point ici le lieu , quand nous aurions la présomption de prétendre à juger un tel ouvrage , de donner notr« Religion, etc. 255 avis sur TerTsemble et sur les parties dof ce code ; mais nous osons assurer qu'à en juger par les trois premiers volumes, il n'a paru jusqu'ici, chez aucune nation , un recueil de lois aussi complet, aussi rempli d'humanité , de vues philosophi- ques, de résultats neufs et profonds. Les lois y sont en général très- claires , très- précises, exprimées en peu de mots, mais nettement, sans ambigu ité, et, ce qui est la perfection en ce genre , de manière à rassembler une foule de conséquences sous un seul point de vue. Nous disons, eh gêné-- rai : trois volumes formant treize ceifts pages , sur des matières si excessivement combinées et compliquées, ne sauroient être exempts d'erreurs. On en a relevé plusieurs , et M. de Carmer a couronné et publié plusieurs des critiqués qui lui ont été adressées. On sent aîpéméht qu'avêé une constitution pleine de défauts et de vices , il est absolument impossible de former un code parfait : mais , tel qu'il est, ce code à pris une avance d'un siècle $ur l'âge oà nous yiyons ; les principes z56, Livre VIII. 9 législatifs de tous les autres pays de l'Europe quelconques n en approchent pas ; et nous osons espérer qu'il avan- ' cera infiniment les lumières de ce genre , pour peu que les autres pays soient capa* blés de quelque émulation. Ce sera encore- là un des bienfaits de Frédéric le Grand. volumes - Ap*"^s une introduction qui traite des icodo ac. lois en général, et des principes univer- ibiié. sels du droit, vient la première partie ^ dont Tobjet est le droit des personnes sui^^ vaut leurs rapports dans la société. Le pre- mier titre traite des droits et des devoirs de l état de famille , et contient les lois relatives aux matières matrimoniales ; le second discute le droit paternel ; le troi- sième parle des droits et des devoirs des autres membres de la famille ; le qua- trième , des droits de famille en sens col- lectif ; le!»cinquième , des droits et des devoirs des maîtres et des dproestiqueSà .^•.Le second volume traite des droits et - des devoirs des divers^ ordres de l'état. 'Premier iiire 9 des Sociétés y Corps ou Ordres pxisen gàiéfaf. Second iiiAc^^df l'Ordre des Paysans. & R E L i.G ION, etc. 2^7 Paysans. Troisième , de t Ordre des Bour^ geois. Là se trouvent toutes les lois rela- tives au trafic et au commerce. Qua- trième , de la Noblesse ; cinquième , des Stipendiés de l'Etat , foit civils , soit mili^ laires^ sixième, des Sociétés religieuses^ septièoie , des Écoles , Collèges et Uni^ versités. Le troisième volume traite des droits et des devoirs de Fétat envers les citoyens et les régnicoles. Premier titre , de CEtat en général. Second , des Revenus de PEtàt et des Droits fiscaux. Troisième, des Droits régaliens de L'Etat sur les grands chemins, rivières , canaux ^ ports et côtes. Quatrième , des choses qui ri ont point de possesseur déterminé. Cinquième , des droits et des devoirs de P État y relativjcment ^ la protection des sujets. Sixième , et en partie culier, de ceux qui sont m tutelle. Septième , des instituts de charité. Huitième , des crimes , soit pour les prévenir ou peur les punir. ^ On voit que les: parties publiées du code , ne discutent que le droit personnel ; Tome V. R •- V •. .• %• : • • • 258 Livre VIII. ïe droit réel n'y est point encore déve- loppé, non plus que l'importante partie de la législation testamentaire. Nous n'osons pas espérer que les grands principes y soient consacrés : ils n'ont été adoptés jusqu'ici dans aucun pays de l'Europe ; et le code dont nous parlons , annonce sur-tout une rédaction des lois qui subsistent dans la monarchie prus* sienne, A la vérité , il est dit que toutes celles dont il ne sera pas &it mention dans le code général , non plus que dans les codes particuliers des provinces , se- ront r^ardées comme abrogées , . bien plus encore «elles qui seront contredites par les lois nouvelles. Mais l'un des prin- cipes que nous avons en vue n'ayant point été^mîs en exécution dans la législation matrimoniale , nous ne pouvons pas nous attendre^ trouver l'autre dans la légis- lation testamentaire. .Deux . , Les deux points capîtau}ç sur lesquels points capi- , ■ r ^ ^ taux à ré- il scroît fort important , selon nous , que former dans * * laiépiation les législations adoptassent des principes diamétralement dîfféçens de ce qui existe^ - • I ' •-» " " " • • • * • Religion, etc. 159 sont les dots et les testamens. Si Ton stâ- tuoît que les femmes n'hériteront jamais, que les filles ne pourront recevoir légale ment aucune dot , et que nul citoyeft naura, de quelque façon que ce soit, le droit de tester, mais que Le bien qu'il lais- sera après sa mort sera toujours dévolu au plus proche héritief naturel, il nous eét évident que d'un côté , l'on opéreroit la révolution la plus utile dans les mœurs j et de l'autre , que les guerres juridiques des hommes , qui causent une si énormie déperdition de forces , de temps et d'ar- gent, diminueroient infiniment. La première loi , en égalisant la fortune des épouses , feroit toujours choisir parmi les femmes que Ion pourroit espérer d'ob- tenir, celle qui auroit le plus de mérite* et d'agrémens. Cette loi embelliroit prodi- gieusement l'espèce humaine au physique et au moral. Les dots sont si préjudicia- bles à l'ordref compliquent tellement l'har- monie sociale , augmentent si excessive- ment le luxe des femmes, dans un âge où tout les sollicite à une grande dépense et R il <• <* ' • . *' -V- 26o Livre VII ï. à ses conséquences les plus fatales ; une longue expérience a si bien prouvé que les femmes sans fortune sont seules des épouses fidelles , de tendres mères , d^ha- biles économes, et que les exemples con- traires sont des prodiges; il est si évident que , suivant nos rapjiorts avec la nature et la société , le mari forme et soutient la Êtmille , et que c'est à lui qu'il importe de fournir les moyens d'obtenir le but auquel le mariage est destiné ; les filles , étrangères en quelque sorte à leur famille, ou pouvant le devenir à chaque moment, n'y ont si naturellement droit qu'à la sus- tentation et à l'éducation ,. jusqu'à ce que se mariant , elles cessent d'en faire partie, et que tout rentre ainsi dans le juste équi- libre , puisqu'elles trouvent leur part dans celle de leur mari, qui n'avoît rien à par- tager avec ses sœurs ; en un mot , les considérations qui invitent à cette loi , sont si nombreuses, si in^ortantes, si décisives^ qu!il est inconcevable qu'aucun législateur ne l'ait promulguée. La loi qui priveroit les citoyens d^ V; •:: : : : » • • • » Religion, etc. 261 droit de tester, seroit, quoi quon en ait pu dire, rigoureusement et parfaitement juste ; puisqu'on ne peut pas disposer des propriétés qu'on n'a plus ; puisque le droit à l'hérédité est acquis par une dona- tion tacite, et que la succession des enfans à la propriété de leur père , et au défaut des enfans , la succession des plus pro- ches à leur parent est ordonnée par les lois immuables de la nature; puîsqu'enfîn le droit d'aînesse, reste barbare d'un pré- jugé barbare , est la source de plusieurs lois injustes, et cause des dommages très- réels à la société, ne fût-ce qu'en aug- mentant sans nécessité l'inégalité des ri- chesses. Il est évident que cette loi cou- peroit court à une infinité de procès ; car la moitié des litiges importans roule sur des testamens et des legs. Et qu'on ne dise pas que la défense de tester dëcou- rageroit l'activité et rindustrie(i)! N'e«l-il . ■ I ■! I ■■■1 (i) Ctêt le seul argument qu'emploift contre U défense de tetter , 1 auteur def Pr'mcipa de U UgiêUti^n imiverselUy qui a d'ailleurs aperçu et déduit la plu* part de ces considératloos. Riij r % !x6^ Litre VIIL donc pas une foule d'occasions où un homme ne peut point tester à §on gré, sans que son industrie en soit arrêtée? Les fidéi-coramis et les substitutions n'en sont- ils pas des exemples journaliers? Cest en général lamour de nous-mêmes ou celui des personnes auxquelles notre bien seroit dévolu al> intestat comme en testant, qui aiguise notre activité, et nous donne le désir d'amasser. Nous n aimons que d'amitié tous autres que notre femme, nos enfans, nos frères, nos sœurs; et les hommes assez susceptibles du noble sen- timent de l'amitié pour désirer de laisser tout leur bien à leur ami , ne sont pas assez épris des richesses pour qu on puisse craindre qu'en prohibant la faculté de tester , on amortît leur industrie , ou qu'on, diminuât sensiblement le nombre des capitaux qui s'amassent dans un pays. Non , non , des motifs si éloignés ne sont pas ce qui meut le monde. Nous noterons maintenant quelques passages particuliers du projet du code , soit pour montrer les grands progrès qu a Religion, etc. ^63 faits la saine raison sous le régne de Fré- déric , soit pour indiquer quelques-uns de ceux qu'elle auroît à faire encore. On n'exigera de nous sans doute que des aperçus; autrement il nous faudroit écrire des vokimes. Une des innovations les plus remar^ Cooci quables et les plus philosophiques de ce nouveau code , est contenue dans la sec- tion neuvième du premier titre : c'est la fixation légale du concubinage* Comme dans les aberrations importantes des idées reçues , le respectable auteur du projet du code a toujours mis en note la raison de la loi , nous rapporterons ici celle qui motive cette grande innovation (i). y^ Le luxe , qui croît de jour en jour , est w sans doute la principale raison de Tétat »> célibataire, lequel se répand de plus eh » plus dans les classes supérieures de la » nation. Une certaine aisance fondée sur »> des préjugés dominans , qu'on tenteroît ■•^- (i) Entwarfiiêm aUgtm. Gcsn\ huch ^Xom. i , p. laS. Riv ■ -Il • 264 L I V R E VIII. i en vain de combattre par des loîx pro- j^^ hibilîves et somptuaires , oblige des » personnes nobles et autres placées dans » un rang élevé , à faire une dépense » souvent peu proportionnée à leur fbr- » tune ou aux revenus de leurs charges : ^^- » cette dépense se double , se triple , se «quadruple, lorsqu'ils se marient, et » qu'ils engendrent des enfans légitimes ; V l'impossibilité d'entretenir leur épouse » et leurs enfans selon leur état, lesem- » pêche de se marier , et les oblige , ou » d'étouffer le cri de la nature , ou de le w satisfaire avec de viles personnes vé- .» nales , ou de troubler la paix des fa- ^3 milles, ou, ce qui est bien le moindre » mal , d entretenir une maîtresse. ».Mais l'expérience prouve combien » des liaisons de cette dernière espèce ^y sont peu propres à dédommager l état >» du grand nombre d'hommes qui se «vouent au célibat » L'opinion générale du peuple, qui » ne fait aucune différence entre une maî- » tresse et une iîlle publique , et là disso- '■•^^ Religion, etc. 265 » lution absolument arbitraire de ces liaî- ^ sons , ravalent ce qu on nomme des » maîtresses , non-seulement aux yeux » d'antrui , mais aux leurs propres , et » avilissent par conséquent si fort leurfi » sentimens et leur caractère, quon ne « sauroit en attendre ni le goût , ni la » capacité de satisfaire aux devoirs de » femme et de mère : ce même défiait » réciproque d'estime, et l'incertitude de » la paternité à legard des enfàns nés » d'un lien aussi légèrement dissous que » formé , fait naître dans les pères de la » froideur et de l'insouciance pour Yéâii- » cation des enfàns. Donc les maîtresses, » telles qu elles sont d'usage de nos jours, » non-seulement ne donnent point une » population utile à lelat, niais dordi- » naire même, elles y nuisent essenliel- >> lement. » Il a donc fallu penser à un autre » moyen de s'opposer à la vie célibataire » provenant du luxe ; et l'on a cru que » le meilleur étoit le concubinage , connu » chez les anciens Romains , et même î66 Livre V I IL » chez nos ancêtres les Germains , sous y> le nom de mariage du côté gauche. » ( Heuradt zur linken hand ). » Mais on ne Ta permis que comme » exception à la règle , et seulement dans » le cas où il y a des raisons décisives , » ou du moins dignes d'indulgence , qui » empêchent un homme de contracter un » mariage entièrement légal. Car il n'est » pas douteux que ceux-ci ne soient in- » fîniment préférables aux mariages du » côté gauche , soit relativement aux » principes de morale et aux mœurs, soit » par rapport à la prospérité de 1 état. « Nous savons tout ce qu'on peut dire contre un tel arrangement; et la plus forte objection, selon nous, c'est que la nature de l'homme est telle qu'il se ploie à la nécessité : ainsi , en ne laissant aucun mi- lieu entre le vrai mariage et le libertinage , il y aura quelques vrais mariages de plus, mais aussi le nombre des libertins sera infiniment plus grand. En général , il faut considérer l'ensemble des choses de ce monde , et prononcer Religion, etc. ^67 ensuite sur. les lois, d'après la combînaîsoa des circonstances locales, et des élemens constitutionnels. Vous avez une noblesse à qui vous voulez laisser tout son orgueil ; elle ne doit donc pas se mésallier. Vous avez une foule de stipendiés militaires ou ci- vils (1); vous leur donnez de grands titres et peu d'argent. Ces stipendiés Testent célibataires, et deviennent des libertins qui introduisent de grands désordres dans la société : voilà les maux auxquels il faut remédier ; et cet état de chose donné , il est impossible de ne pas reconnoître la sagesse des principes développés dans \fi code. A présent , si Tamour invite deux cœurs que les conditions séparent , la fille peut se livrer sans se prostituer ; un père peut y consentir sans se deshonorer; un homme (i) Dans plusieurs états, il y a des fonds pu- bliés où l'on peut acheter des rentes viagères. Oa doit ranger ces viagéristes parmi les stipendiés , et ce que nous disons de ceux-ci doit s'appliquer aux autres. Tomer. Rvj* " -58 Litre VTIE enchaîné à un haut rang peut éjsitnivar le bonheur de vivre uni à celle qu'il aime* Des officiers ( i ) et d'autres individus dont les places exigent certaines convenances , sans leur donner de quoi y satisfaire , aa lieu de vivre avec des créatures que leur honte avilit , et que leur avilissement rend vicieuses , ou de s'abandonner à la cra- pule la plus flétrissante, peuvent s'unir avec une personne choisie , en lui laissant rhonneur, et par conséquent les mceurs. • » (r) C'est une singularité que les xnilitaixes ne soient pas nommes dans la loi du codé qui statne la légalité du concubinage. Ce sont: pourtant eus owi sont le plus dans le cas d'en user, et qui ont 1^ plus de maîtresses en Prusse. Les aous-entend-oa sous la dénomination de ooËrles , ou bieA fera-t-^a uo code militaire à part ? RELIGION, etc. 26^ C'est un autre arrangement très-sage , de n'avoir pas donné à ce lien inégal , le nom de concubinage , mais celui de mu" nage du côté gauche; car les hommes sont trop sujets à se laisser mener par des mots , pour que celui de concubinage , qui a une acception vile , n'eût pas exercé une influence pernicieuse. Il nous est impossible de rapporter ici tous les détails de cette institution ; mais une grande sagesse a dicté le titre dont elle est l'objet. Nous ferons remarquer seulement que dans le paragraphe dix-huit de la section sur les conditions néces- saires au mariage légal , où il est dît que les personnes nobles ne sauroîent con- tracter de mariage légal avec des paysan- nes , ou des femmes des basses classes de la bourgeoisie , le rédacteur du code a cru devoir excuser l'absurdité de cette loi , par une note où il dit que ce précepte ZL^O Ll VRE VII L et les suîvans sont pris d'une loi générale déjà subsistante. Nous trouvons dans la section qui traite des droits des parens sur les enfàns j le projet d'une loi qui statue qu'une mère bien portante ne peut pas se dispenser dé ilourrir elle-même son enfant, mais que si le père juge à propos qu'elle ne nourrisse pas, elle est obligée d'acquiescer à sa volonté (i). Cette loi n'influera pas beaucoup en soi sur l'allaitement des en- fans , parce que \t% parens se concilieront le plus souvent sur cet objet ; mais la sanction d'un devoir si sacré par la dé- claration d'un législateur, produira tou- jours un effet très-moral , et les femmes en hésiteront davantage à sacrifier la na- ture à leur vanité. Toute tache légale sur les enfeïis nés d'im commerce absolument illégitime^ est entièrement abolie ; cependant on ajc- corde encore (2), quand l'enfknt ou* les y ■ • - • ■ (i) Tom. I , pag. i65, §• 35, 36. (2) Tom. I , pag. 237. Religion, etc. 271 parens le requièrent, uiijj^cte de légitima- tion dans les^ régences de chaque pro* vînce ; parce qu'il est des paye voisins qui suivent des principes difFérens , et où un acte de ce genre peut devenir né- cessaire au bien-être et à rétablissement d'un tel enfant ~ ■ -v On trouve à la tête de la section qui Condh traite de Tordre des. paysans (1), cette serÊu*^' note remarquable : » Il n'y a peut-être » point de matière dans toute la législa- » tion , où il soit plus difficile d'établir f^ des principes fixes , que les rapportâ^ » entre le serf et son seigneur. Les dîffé- » rences les plus frappantes existent à cet » égard , non-seulement dans les diverses » provinces de la monarchie prussienne , » mais souvent dans les districts de la •» même province. L'origine variable dû » premier lien entre le serf et son seigneur, » qui dans tel endroit a été formé par y> contrat, par une paisible colonisatinp , » et dans tel autre plus fortement resserré (f) Voltime 1 , deuxième titre , section troisième. 272 Livre VIIL . y* par le droit et la puissance du vain*' » queur ; les usages et les méthodes si » diversifiées de la culture, et même ies- 9* prit et le caractère difierent des habî- M tans de tant de provinces éloignées ; » l'inégalité du degré de civilisation au- » quel ils sont parvenus , dans un lieu plu- » tôt que dans Tautre ; toutes ces causes » ont dû nécessairement produire de ^ grandes différences dans les rapports » de ces deux classes de citoyens. Le but ff de la nouvelle législation ne sauroit être * d'abolir entièrement ces différences , de » mettre sur un pied absolument égal le » paysan de la Prusse occidentale, avec » celui du pays de Magdebourg et de » Clèves , et de trancher ainsi d'un seul » coup le nœud-gordien. On ji'auroît pu » le faire sans violer des droîts»justement » acquis, et qui doivent êt^e sacrés à M l'état, sans ébranler les constitutions, » j|t sans causer les troubles les plus vio- » lens dans le bien-être des deux classes , » plus étroitement unies d'un lien réci- » proque qu'on ne le croit communément. Une Ti- ^ XJne opératfon si Violfiite est d'aulant » moins nt^cessaîre , que la législation a * déjà eu soin d'abolir ^ dans les états » prussiens.;^ l'esclavage et une servitude « trop grande, avec leurs conséquences » déshonorantes pour la nature humaine; » de statuer que les serfs pourront pos* » séder et acquérir des propriétés person* » nelles , ainsi que tous les autres citoyens^ » et de les protéger par les lois et les ma- » gistrats contre qui que ce soit, et même » contre leurs seigneurs- Cela posé , la » fixation sociale des droits et des devoirs » envers les seigneurs et leurs serfs, doit *» être laissée aux codes particuliers des » provinces. Le code général doit se coiH » tenter de donner à ceux-ci un fil à » suivrevdans ce labyrinthe , de déter- » rainer^ les principes généraux qui dé-^ w coulent de la nature de la chose, et qui » concernent tous les sujets de la monar^ » chie prussienne^ et quant au testè*^ 3» d*établir dés présomptions légales (ayarrt » toujours en vue les classes principales f » sous lesquelles les serfs des divéfrsesf Tome V^ S ^74 Livre VIII. » provinces peu^nt être rangés ) sur ce » qui doit avoir lieu , lorsqu'il n'y a point » de contrats > de lois provinciales ^ ou » d'autres principes régulatem-s. Le bien » de l'état, la volonté clairement exprî- » mée du monarque , et même l'équité na- » turellcy demandent de former ces pré- » somptions de matiière que sous leur » protection, les charges de Tordi^e des » paysans, lequel n'a de représen tans dans » aucune des constitutions provinciales^ » ne puissent être aggravées. <« C'est ainsi que parle le rédacteur du projet du code ; fet en effet plusieurs lois de ce titre sont calculées pour adoucir infiniment l'état du paysan attaché à la glèbe. Les seigneurs n'oseht infliger qu'une prison de deuSc fois vingt-quatre heures à leurs serfs , encore It concours de la communauté est-il nécessaire* Pour une prison ou une corvée de punition qui s'étende à huit jours , il fkut la sen- tence de Tofficier de justice, si le serf le requiert; tout ce qui va au-delà doit être porté au tribunal supérieur. Assurément R E L I G I o N, etc. 275 il y a loin de toutes ces lois , nous ne di- sons pas à Fétat du paysan russe ou po- lonois , mais à celui même du Mecklen- bourjg, de la Lusace, et autres cçntrées où le seigneur peut battre à putrance sçtj paysans , et les accabler de vexatiqas. Il en est de même à l'égard du pécule. U loi §. *oi de ce titre, porte qu'un seigneur ne peut se dispenser de vendre le bien sur lequel le paysan est placé par lui, dans les endroits où cette espèce^ d'arrange- ment a lieu , lorsque celui-ci lui en offre un prix équitable ; et §. 202 , que le paysan qui acquiert ainsi un tel bien 9 le possède avec tous les droits de la pro- l^riété pléniëre : enfin il est plusieurs sta- tuts qui portent que les seigneurs ne pour- ront pas refiiser Ja liberté, dans tous les cas où un de leurs serfs trouvera occa- sion d'améliorer considérableipent son bien-être. Toutes ces lois et plusieurs autres sont bonnes et louables sans doute ; mais tant d'actes dé despotisme, relativement aux impôts et au commerce , n'en auroient-ils . S ij 276 Livre VII I^ donc pas justifié quelques-uns en faveur de rhumanîté ? n auroîent - ils point lé- gitimé, nous ne disons pas une abolition totale de la servitude ; ( elle souffre des difficultés, nous le voulons croire: avant de n^ettre dans la main d'un homme un instrument avec lequel il peut courir à sa perle ou faire sa fortune, il faut lui en enseigner lusage) mais il étoit tant de moyens de faciliter la révolution désirée, d'en accélérer le mqment ! Statuer un prix en denrées pour les services et les cor- * vées; ordonner que les serfs seront tou- jours les maîtres de choisir, ou de la pres- tation du service, ou du prix auquel. il a été évalué ; fixer équitablement celui au* quel les seigneurs ne pourront pas refuser la liberté à leurs serfs : ce seroit ne violer en rien lés droits légalement quoique tou- jours injustement acquis , et fournir au peuple le moyen de s'affranchir peu à peu. Mais ce qui nous étonne le plus , c'est que Frédéric le Grand n'ait pas pris un moyen très-simple d'augmenter Ic/dombre des sujets libres dans ses provinces. C'étoit , R E L I G I o N, etc. 277 de déclarer tels tous ceux qui servent dans Tarmée. Quoi ! un vétéran couvert de blessures, après avoir versé son sang pour l état , rentre au sortir du service dans la servitude ! Voilà ce que nous lisons avec stupéfaction , avec hofreur, dans les paragraphes 339 ^^ ^4^ ^^ ^^ titre. Le dernier statue même que les en- fans nés durant le temps de son service, seront également 'assujéti s à la servitude, excepté ceux auxquels il aura donné nais- sance , et dont il sera parvenu à finir l'éducation dans le temps où il portoit les armes. Frédéric a pu ravaler ainsi son armée ! la nécessité de Tennoblir , et le grand intérêt de multiplier le nombre des affranchis dans son royaume , lui ont per- mis ridée d*une telle loi ! Elle n a pas en- core reçu la sanction de fautorité sôuve- raine : puisse notre récl4mation arriver à temps aux pieds^du trône ! Puisse l'hon- neur militaire , dans un pays où l'armée forme le grand pivot de la puissance , joint à l'intérêt politique et aux vœux de l'humanité, porter le souverain qu S* • • 11) 278 Livre VIIL gouverné la Prusse aujourd'hui , à pros- èrîré une loi qui les blesse tous ; et à déclarer libres tous les individus qui au- ront porté les armes du souverain , et ttiême leurs familles ! Alors Tenrôlement sera iift bien ; les sentîmens d'orgueil , et d'afFection pour la patrie s'augmentérôrit dans Tàrmée. Et qu'on ne craigne point le mécontentement des gentilshommes assez ennemis de rhumanîté pour envier la liberté à leur* frères d'armes , à ce uxdont leur honneur et leur sûreté dépendent! Que pôurroient leurs vaines clameurs contre la reconnoissance de l'armée et de ïa natiof) ? La noblesse prussienne ne tîre- t-elle donc pas assez d'avantagés de l'ar- mée en général, pour lui pardonner ce léger inconvénient de peu d'instans, qui tournera bientôt , par ses conséquences , à leur plus grand profit ! On pourroît d'ailleurs à cette loi fondamentale, ajouter quelques modifications , comme de lais- ser au choix du soldat de reprendre son bien paternel, OU à ferme, ou, s'il i'aî- moit mieux , sous le lien dé la servitude , Religion, etc. 279 ©u de labandonner et de ehoisir.un autre genre de vie : alors les provinces dans lesquelles 1 esclavage subsiste, se peuple^ roient peu à peu de colons libres. > U y auroit beaucoup d'observations à NoUesse faire sur le quatrième titre , qui traite ^e la noblesse , de cette institution qui , sans être inutile au peuple dans les états des^ potiques, est pourtant si difficile à évaluer impartialement, puisque chacun se trouve juge et partie dans sa propre cause. Nous ftous contenterons de remarque^ la loi §. 27 , qui déclare que les nobles seuls ont le droit de posséder des fiefe, et un grand nombre d'autres qui en décbulent, et qui toutes tendent à détourner les ro- turiers du désir d'acheter des terres nobles. Telle est celle-ci : lorsqu'un citoyen de cette classe aura obtenu la permission du roi d'acheter une terre noble , il sera obligé d'abandonner le droit de chasse qui y est annexé, à l'un des gentilshomnçies voisins (1). Cette loi respire rancienne (OS. 43. Siv j8o Livre VIII. barbarie : elle est assurément fort surpré-^ pante de la part d'un prince qui mépri- soit autant la chasse que Frédéric : le rédacteur rapelle dans la note les lois qui ont sanctionné cette défense à l'égard des roturiers; mais la raison qu'il en allègue çst si mauvaise en économie politique , qu'elle nous a paru curieuse à rapporter, » Ces lois, est-il dit (i), ont pour but » de faciliter l'exercice de l'agriculture en ^ grand aux nobles, à qui tant d'autres » genres d'industrie sont fermés (2) , et ^ d'empêcher que les roturiers , que leur » état appelle à d'autres destinations , » n'ôtent , par des achats immodérés de 1^ terres nobles , leurs capitaux au com- » merce et à d'autres genres d'industrie, «c Comme s'il étoit pour la prospérité de l'état , un emploi plus utile à feire des capitaux, que de les verser dans Fagri-- (2) P. 365. (3) P^t la loi §. JÎ8, elle peut exercer, sans dé- roger > le commerce en gros , par-tout oîi les mar-« çbaodç dç ce genrç we forment pais wnç jur^ndç* Religion, etc. sSt cplture î On voùdroît donc ériger en lois et perpétuer par elles les erreurs les plus pernicieuses î II reste un remède , c'est celjjî d'ennoblir un capitaliste qui prétend à la possession des terres nobles ; mais ce remède est pire que le mal , en ce qu'il dégrade la noblesse en la mettant à prix d'argent, et donne ce métal pour mesure à toute considération sociale. Quoi de plus simple , pour concilier les préjugés, les circonstances , les droits di- vers , et tous les intérêts de l'état , que de permettre l'achat des terres nobles aux roturiers, l'entrée dans les charges mili- taires et civiles où le mérite peut donner la noblesse, et de les annoblir lorsqu'ils se distinguent î voilà ce qu'exige le bien de l'état et celui de la noblesse elle-jnême, qui , sans cette liberté , est condamnée à croupir éternellement dans l'indigence , avec des terres qu'elle ne sauroit ni culti- ver, ni aliéner ; et dans l'ignorance, par un monopole de dignité qui aura éternelle- ment sur elle leffet de touS les autres monopoles. Sans concurrence , point ^lises. :4 282 Livre VIIL d'émulation ; sans émulation , point dé mérite. "^^^ Le titre sixième , qui traite des sociétés religieuses , est un monument précieux de tolérance 9 mais non pas encore de cette égalité philosophique 9 qui est de droit inaliénable dans tout ce qui n^a qu'un rapport direct de Dieu à Fhomme. Frédéric n'a pas osé s'éleVer jusqu'à cette hauteur ; mais le chemin qu'il a fait au- delà de toutes les autres législations euro^ péennes, est beaucoup plus grand que celui qui reste à faire. Il est statué (§. 1 ) que les idées des citoyens sur Dieu et sur les choses divines ne sont point, un objet desT lois; (§• 2) que chaque habitant aura pleine liberté de croyance et de reh'gîon ; et ( §. 4 ) que chaque père de famille pourra arranger son culte dans sa famille selon sa conve- nance. Dans le §. 85 , il est porté que chacun pourra quitter un emploi religieux quand il le voudra ; mais il n'est pas dît en termes exprès , si cette faculté s'étend jusqu'aux prêtres et aux moines y et si Religion, etc. 283 voulant rompre leurs vœux ou sortir de leurs monastères , ils peuvent , pour cet efFet , implorer Fautorité des lois ; à là vérité le statut §. 884 paroît l'impliquer; mais il vaudrôit mieux sans doute Favoir déclaré nettement , car toute ambiguïté dans les lois est un grand mal. Quant aux ordres monastiques , il leur est défendu , par le §. 785, d'envoyer aucuns de leurs membres hors du pays, ni d'en admettre d'étrangers dans leurs maisons,sans l'ap- probation des préposés de l'état; comme aussi de laisser faire profession aux hommes avant l'âge de vingt-cinq ans accomplis , et les femmes avant celui de vingt-un ; que s'ils y contreviennent, les vœux sont nuls , sans compter la punition fiscale de ceux qui les auront reçus. Enfin il est statué , §. 884 , que des vœux même valables ^ n'imposeront à aucun citoyen aucune oBli" gation involontaire , et ne le priveront pas de la liberté du choix , même dans le système religieux quil veut professer. Tous ces règlemens , auxquels nous pourrions en ajouter beaucoup " d'autres , respirent un erain. 284 Livre V 1 1 L esprit de sagesse epcore |)eu connu dans la législation des peuples de TEurope* Puisse cet exemple exciter une noble émulation ! roits du II en est un autre dont Frédéric a laissé la gloire au souverain qui osera se rap- procher plus que lui de 1 éternelle nature des choses , et compter davantage sur son administration pour sassurer TafFection soumise de ses peuples. On a toujours dé- terminé les devoirs des sujets envers l'état X)u le souverain ; mais jamais aucun gou- vernement n'a songé à déterminer ses de- voirs et ses droits à Tégard de son peuple : cependant n'est-ce pas là Tindispensable base de toute législation comme de toute constitution? En vain les gouvernemens d'Europe se trouvent - ils offensés d'être traités de despotisques ; en vain se préten- dent-ils monarchiques ; en vain reconnoîs- sent-ils certains usages constitutionnels: tant qu'on ne saura pas précisément : voilà ,ce que peut le gouvernement dans tel ou tel cas; tant que l'étendue de la puissance du souverain ne sera pas fixée , il sera Religi on, etc. 28S toujours despote , et n'aura vraiment d'au- tre loi que sa volonté; ses sujets seront de véritables esclaves , doucement gouvernés peut-être, maïs que peut terrasser une violente secousse de la chaîne qu'on leur laisse habituellement plus ou moins relâ- chée, ir n'y a donc de royaume en Europe que l'Angleterre , et la Suède peut-être , du moins en théorie. Tous les autres sont des despoties plus ou moins tempérées par les mœurs. Que les gouvernemens étendent leurs droits jusqu'où ils voudront, mais qu'ils les déterminent : c'est le seul moyen d'inspirer au peuple le patriotisme par la confiance , et même de rendre à la vertu son juste apanage ; nous voulons dire la jouissance de la paix et de la sé- curité, qui lui appartiennent exclusive- ment. Jusqu'à présent, c'est en vain qu'on s'efforce de remplir irréprochablement .ses devoirs d'homme et de citoyen ; Il ne dé- pend que du caprice du souverain , ou de celui qui sait le mettre en action , de faire vivre et mourir dans un cachot un homme de bien , ou même de lui ôter la 4 y a86 Livre VIFI. vie comme à un criminel ^ pour ïaction la plus louable. Où sera Fhomme vertueux sur le trône , • capable de se dépouiller assez du désir inhérent à la nature humaine , de &ire tout plier à sa volonté , pour dooner le premier un si bel exemple , pour baser et circonscrire les droits du gouvernant et des gouvernés? Ne devrons -nous point ce grand bienfait aux lumières du siècle ? Faudra-t-il que des flots de sang coulent pour y parvenir ? Et cependant ce n'est pas même la liberté que nous demandons ici; c'est une constitution légale, une déclaration émanée de l'autorité souve- raine, qui dise: voila ce que je puis. Frédéric n a pas jugé à propos de faire cette déclaration. Le premier titre du troisième volume du projet de son code, traite, à la vérité, des droits et des de- voirs de Tétat ou du souverain en général ; mais on n'y trouve rien de semblable , non plus que dans le petit nombre de paragraphes qui traitent cet objet au R ib' L I G I o N 9 etc. 287 commencement de l'ouvrage ( 1 )• Il est aisé de juger dans quel esprit a été fait ce titre, par une note placée dès la première page. » Les principes généraux des droits et » des devoirs de l'état envers les citoyens » ont été décrits dans l'introduction. Une » détermination plus précise des rapports » entre le chef de l'état et ses sujets, » forme proprement l'objet de la consti- » tution politique intérieure de la mo- » narchie prussienne , et n'appartient » pas , sous ce point de vue , à l'objet de >> ce code. Parmi ces rapports , il en est » quelques-uns qui ont trait immédiate- » ment à la condition particulière des » citoyens , et d'après lesquels le juge » doit , dans certains cas , déterminer » les conséquences de leurs actions. Il » en est d'autres où l'état ne se sert que » des droits des particuliers , et où il •» abandonne les droits et les devoirs qui » en résultent , à l'examen et à la déci- (i) Introduction, ^. 5o-6o. 288 Livre vBï. » sîon des tribunaux ordinaires établîà » par lui. II est enfin des droits que l'état » confère communément à ses citoyens, » et d 011 peuvent naître entre ceux-ci et » d'autres particuliers , des droits et des » devoirs de diverse espèce. Ces rapportsv » forment , sans contredit , un objet de f> la législation civile , et voilà pourquoi » nous en composons la troisième partie » du droit des personnes. « Nous ne nions pas que ces distinctions ne soient très -justes, et que la consti- tution politique des pays ne soit étran- gère aux codes dans l'état actuel des choses; mais ne devroit-elle pas en faire une partie ? Ne faudroit-il pas que l'on sût quel droit l'état ou son chef ont sur la vie, sur la liberté , sur les biens des individus , des corps , de la totalité des citoyens ? et quels droits les individus, le^ corps, et la totalitédes citoyens ont envers le chef de l'état? Ah ! peu d entre les princes ou des magistrats , sans doute , auroient. le cou- rage d'avouer tous les droits qu'ils s'arro- gent ! mais c'est pour cela même qu'une telle minei* R p^ I G I o N, etc. a.89 telle déclaration seroit un frein peut-êtrç , et certainement un bel exemple. Le titre suivant contient le code cri- Code minei. Nous observerons à ce sujet que ce n est pas tant la législation criminelle que Tordre de la procédure criminelle» qui , dans presque toute l'Europe , a be- soin .dune réforme. Elle e$t encore à paroître dans le code prussien. Le grand duc de Toscane , à la législatîoft duqu^ on doit en général tant d'estime 9 vierît de donner, à cet égaVd, un modèle jtrèSr digne d'être étudié. C'est dans l'attente sincère que la même sagesse qui a présidé à tant de parties du code prussien , diri- gera cette branche importante du bonheur des hommCvS , que nous indiquerons les points les plus împortans sur lesquels leô erreurs nous paroissent abonder dans l'orT dre de la procédure criminelle en Aile* magne.. Telle est d'abord la manière de saîsii; \ç soupçonné , et d'en agir envers lui. On le traite, dès le premier moment , aussi du- rement qu'un criminel , et c'est- Iju^jjunyj Tome V. T 290 Livre VIIL punition très-sévère, infligée d'avance et gratuitement; rien au monde n*est plus inique. C'est ensuite la méthode de rinstruc* tion. On n y met aucune publicité. La marche du procès, les secours que le coupable ou laccusé peuvent tromer dans les lois telles qu elles existent , sont généralement ignorés. Les prévarications sans nombre sont au pouvoir du juge (i)« Toutes les connoissanci^s de ce genre, si nécessaires à la sûreté des citoyens , . (i) Un seul exemple prouvera trop bien avec quelle légèreté on a décidé long -temps dans la monarchie prussienne, de la vie des hommes. Il j a dans la collection deux édits, dont l'un de ^ 17456 , et le même on il est ordonné qu'on ne battra plus les accusés pour en tirer des aveux, qui portent que leurs avocats s'aboucheront avec eux avaât de faire leur défense. Ainsi il y eut an temps où Ion se permettoit de faire parler les ac- cusés à coups de bâton , et où le défenseur qu'on leur.donnoit écrivoit une défense sans prendre la ^ p(*ine de leur parler auparavant, sur le seul exposé, du crime et des présomptions^; mais si ces abus ont été corrigés , combien peut-être n'en existe-t-il pas cl*autres aussi atroces? Certes « des usages si barbares n'étoieiit pas des coups d'essai l Religion, etc. 291 sont enfouies dans lés collections de lois auxquelles les légistes seuls peuvent re- courir; tandis que ce devroit être le ma- nuel des citoyens. Vient, en troisième lieu, l'urgente né- cessité de fixer mieux le genre de preuves qui doit déterminer le juge , et sur-tout d'abolir la question , qui. d'une extrémité de TAllemagnc à l'autre , et, même en Prusse , est encore en vigueur. Cette al>- surdité monstrueuse est tellement digne d'horreur, qu'elle mérite quelques détails. Le code criminel de Charles Y .est reçu dans tous les tribunaux allemands (1). il contient une ordonnance qui , au pue-- mier coup-d'œil , paroît très-douce ; elle défend d'ôter la vie à un homme qu'il n'ait avoué lui-même son crime. Mais combien ne devient-elle pas atroce, dès qu'à la réunion de fortes preuves, ce même code criminel décerne les tourmèns de (1) Ori le Domme , en fetmes de Part, JV^^j/x Caroiina;. mais son vrai titre est Kaysers Caris V^ pcinlichê Halsgirichis ordnung. i T ij i^t Livre VÎII. la question , pour arracher l'aveu néces- saire à la condamnation ? Quelle* bar- barie ! quelle absurdité ! Si les preuves sont telles qu'il «ne reste point dlncertî- tttdé, condamner à mort , puisqu'il le faut pour la tranquillité publique; retran- chez cet être dangereux du nombre des vivahs, puisque» vous croyei en avoir le ^oit : mais s'il est encore, possibilité à Terreur, ne commettez pas Tatrocîtë de fairte souffrir <îes tourmèns yiéês cfl/ê Ut fflfort , à un homme qui peut être ftincn teent! II est vrai qu'il n'est pas moins absurde, et qu'il y a quelque atrocité de plus à donner la question pour faire déclarer iles complices; car^ ou vous les cast- noiésez , ou vous ne les cbnnoisœz pas. >Sî vous les connoisséz prèsomptivement tnème, assurez* vou^ d'eux , comme vous avec iàit du pri^oipai cou}»bIe, et faites leur4)rocès en particulier. Si vous ne les connoisses; pas, quel terme mettpez-vous "donc à la question? quel sera le point fixe oii elle devra cesser? Et toutes le» R E iTi G I o », etc. 393 raisons qui* Font fait abolir dans la vu€i de son insuffisance pour discerner U vérité relativement au coupable, ne se présentent-elles donc pas de nouveau lors^ qu'il s'agit des complices ? Au moins en Allemagne, un homme , en avouant, est sûr d'échapper à la question ; mais chez les peuples qui ont établi dans leur juris- prudence criminelle le principe de la question déclaratoire , il n'est nul moyen d'échapper aux tourmens , même avant le supplice. L'une et l'autre de ces méthodes mé- ritent de l'horreur. Aussi long-temps qu'à un certain degré de vraisemblance, ou, si vous voulez , de preuves , les tribunaux ordonneront la question r il ^^ clair que ce degré ne pouvant être exaptemenfcal- culé , on décrétera des tourmens, souvent contre des hommes nullement convaincus, quelquefois contre d'innocentes victimes d'une erreur de jugement. Ah ! que le nouveau code arrache de la législation criminelle en Prusse ces restes de barba- rie ! car, encore une fois, ils y subsistent» T iij ^ Î94 Livre VII T. Beaucoup deorivains , et Voltaire lui- même , ont vaguement iallégué que Fré- déric avoît aboli la question. Ils ont avancé un (ait faux. A la vérité , la ques- tion a été rarement infligée sous son règne , mais cette modération tenoit uni- quement à son caractère personnel. Aucun édit , aucune ordonnance n'a légalement et formellement proscrit la torture , et il est réservé au nouveau code de réaliser à cet égard les vœux du bon sens et de rhumanité. Un autre abus détestable à redresser , c'est le traiteniient de 1 accusé reconnu innocent. Il se commet à la fin des procès criminels en Allemagne une iniquité vraîr ment révoltante. Non - seulement on ne dopne à l'accusé aucun dédommagement, mais encore , s'il est solvable , on lui fait payer les frais de son procès. Nous ne pouvons croire qu'on laisse subsister une telle barbarie. La société croit , pour sa sûreté, devoir arrêter un homme chargé de soupçons : cela est dur , sans doute , car être arrêté, c'est déjà être puni, du Religion^ eais oi)(in U sûreté de Fétat ^ la paix publiquCi^ sont le premier et le plus sacné des princij^ye?^ On est quelquefois détenu 4es twois , des an- nées , jusqu à ce que le fait soit éclaiirî% C'est alors qu'au lieu de dédoiuuiager laccusé de la perle de son temps , de sa vie, (est-ce vivre que de languir en pri- son?) on lui arraclie son argent pour payer les frais de son procès , ()our expier ainsi, à ses dépens, Tiniquîté quil a en-« durée î Si le code ne remédie pas k ce mal affreux, il aura manqué à un de «ri plus sacrés devoirs. Au reste , let rédacteur du grand projet de législation paroit avoir considéré mm un point de vue très-sage, cette matière importante : n Le code criminel , dît-il (i)f n doit^tre encore un code phm idit |Kxtir n le peuple que le code civiL Jl faut n non - seulement qui] parviennér entre n les mains du plus grandi nombre de^ * 9. 200» Vevez la n^te^ Tiv i()6 t I V A E VIII. h cîto^-ens, maïs encore qu'il soit là basé » de rinstrtîction dans les écoles publî- » ques. Il doit donc consister en préceptes » courts et clairement énoncés, auxquels Si les citoyens puissent conformer leur » conduite, détournés qu'ils seront de f> commettre aucuns crimes , parla con- » noissance des suites inévitables qui en » résulteroîent pour eux. Il seroît toul-à- » fait contraire à ce but d'entrer ici dans » les recherches subtiles sur le degré de » moralité des actions , et sur leur impu- » tatiou, sur la doctrine des cîrcdns- » tances aggravantes ou atténuantes, etc-.^ » On manqueroit par-là le but principal n des lois pénales, savoir , dé détourner » la masse du peuple de commettre des » crimes. » Tel est l'aspect général sous lec|uet » il faut considérer tout ce titre, et sur- *> tout les principes généraux placés à la n tète. On trouvera les nuances, qm n'y » sont point déterminées, dans l'insiruc- » lion qu'oN FERA séparément pour les » juges, ' ' ' R É L t G I Ky etc. 297 ^ Cette instruction contiendra, outre » Tordre du procès criminel proprement »^ dit , auquel appartient la doctrine du » ressort en affaires criminelles , celle du » corps de délit , des indices et des preu- » ves ; des règles plus détaillées sur la M façon dont le juge doit agir en fixant » la sentence; comment on doit déter-»- » miner le degré de moralité et de Tim- M putation , selon la qualité du crime , leà » motife de Faction > les circonstances an- » térieures ou concomitantes ; les suites » et enfin la manière dont on doit en ^ agir , dans les cas où la vérité ne sauroit » se découvrir complètement. » Cette même instruction contiendra* ^ la méthode de procéder à l'exécution » de la sentence, et les divers modes M selon lesquels les crimes et les peines M doivent s'abolir. « On voit que Tordre du procès criminel n'étoit pas statué en mil sept cent quatre- vingt-six , et qu'il réglera la plupart des " choses que nous avons observées ici , et sans doute dune manière • digne de 29S Litre VI IL Fesprit qui a animé jusqu^icî la législadoif prussienne. En général 9 ce que nous con- noissons du projet àes lois criminelles, contient des règlemens infiniment sages. Le vol sans meurtre n y est plus puni de mort Les délits impurs n'y sont soumis qu a des peines modérées , à des correc- tions plus ou moins fortes, plus ou moins longues , selon le degré de perversité qu'ils indiquent. La violence , ou une sé- duction exercée sur des individus que leur âge ou leur fbiblesse ne sauroient en mettre à couvert, sont seules punies avec une sévérité telle que ces crimes le méritent sans doute , savoir , un empri- sonnement très-long , ou même perpétuel. Poînt- Une autre particularité du code crimi- uiTs!"^' nel mérite encore detre rapportée. On a imaginé , dans la section qui traite des offenses en t honneur (1), un moyen ingé- nieux contre les duels. Le seul désir d en trouver un , mérite d'être loué. La plupart des nations n'ont su que porter des lois (1) Sect. 9^ t. 3, p. 283et viIt. Religion, etc. 299 pénales contre ce reste des mœurs de nos ancêtres. Le moyen proposé dans le projet du code , c'est une cour d'honneur qui doit s'assembler lorsqu'il y a eit offense entre des officiers , des personnes nobles , ou jouissant , par leur rang , des droits de la noblesse. Cette cour doit être composée de six membres de l'état des offensés. Si l'un d'entre eux est de letat, civrl , et l'autre du militaire , la cour sera mêlée de personnes des deiîx états. Le chef des offensés sera le président de ce tribu- nal ; et si les adversaires sont d'un état différent, le chef de celle des parties au- quel ' la chose aura été dénoncée le pre- mier , présidera. Dans» les cas difficiles , le tribunal doit rapporter le fait au souve- rain , qui alors prononce, et qui se réserve même de décider que le duel aura lieu ; autrement le tribunal prononce, et sans appel. Voici les raisons que le législateur rapporte de cet arrangement ( 1 ). ». La philosophie et l'histoire sont «W*aW««IMWM«*m#MaM*aa (i) Ibid, pag 3ix. 3oo Litre VI IL » également d accord à croire qu^ûn par- » ticulîer ne peut ôter rhonneur à un » autre, à regarder comme un préjugé >9 Topinion que l'honneur d'un officier ^ ou d'un gentilhomme blessé par quel- » que injure , ne peut se réparer que par » un dueL Ce préjugé est absolument » insensé , parce que TofiTensé , en cher- » chant satisfacâon d'une injure imagi* » naîre, mci rofTehseur en état de lui en >> faire une réelle; il est en même-temps » une infraction à la ma jesté de l'état , et » au droit de vie et de mort qui appar- » tient uniquement au souverain ; c'est, » en uft mqt, Un reste de l'ancien temps, » où les jîigemens de Dieu et la ven- » geance personnelle étoient en vigueur. » Mais il est des préjugés qui bravent » toute la puissance de la législation , et » qui sont si généralement répandus et » accueillis, qu6 plus les législateurs ren- » forcent les peines portées contre les yf délits auxquels ils donnent lieu , plus » ils en opèrent infailliblement l'împu- » nité. De ce nombre est le duel; et R £ L I G I ON, etc. 3oi n l'expérience de toutes les nations de » l'Europe le prouve assez. f> Il est donc inutile d'opposer directe- » ment le pouvoir des lois à de pareils W préjugés ; il faut, au contraire, re- y> monter à leur source , et tâcher ainsi » de les afFoiblir. » Des injures faites à un officier ou à un y> gentilhomme, donnent au public, et » sur-tout aux personnes de leur état,, t> une mauvaise idée de leur façon de » penser. » La satisfaction que l'offensé peut » obtenir de la justice des tribunaux or- » dinaires , est regardée , une fois pour » toutes, comme insuffisante par le pré- » jugé, et on lui a substitua celle qu'il se » procure lui-même par le duel. » Il «^agît dqjlc de trouver à la place ^ » un autre mpyçn qiii suffise pour pfFacer » cette mauvaise impression aux yeux » de l'offensé et des personnes de son état. ^ En remettant le jugement de ces affai- n res d'honneur aux personnes cîe l'étët * >f de Tofifenôé,. celui -ci en sera d'autant / 3oo Litre VIIL >y également cl*accord à croire qu^tin par^ » tîculîer ne peut ôter Thonneur à ud » autre, à re;rarder comme un préjugé >f Topinion que l'honneur (fun officier ^ ou d'un gentilhomme blessé par quel* » que injure , ne peut se réparer que par ^> un du.?K Ce préjugé est absolument » in:.ensé , parce que l'offensé , en cher- » clr: i? - .lisfaciion d'une injure imagi- » naire, wv^i i'ofKhseur en état de lui en » faire une récile: il est en même-temps » une infraction a la majesté de l'état, et » au droit de vie et de mort qui appar- » tient uniquement au souverain ; c'est t » en un mot, un reste de l'ancien temps, » où les jugemens de Dieu et la ven- » geance personnelle étoîent en vigueur. » Mais il est des préjugés qui bravent » toute la puissance de la législation , et » qui sont si généralement répandus et » accueillis , que plus les législateurs ren- » forcent les peines portées contre les >y délits auxquels ils donnent lieu , plus » ils en opèrent infailliblement fimpu- » nité. De ce nombre est le duel; et Religion, etc. 3oi n rexpérîcnce de toutes les nations de » l'Europe le prouve assez. f> Il est donc inutile d'opposer directe- » ment le pouvoir des lois à de pareils »' préjugés ; il faut, au contraire, re- y> monter à leur source , et tâcher ainsi » de les afFoiblir. » Des injures faîtes à un officier ou à un y> gentilhomme, donnent au public, et » sur-tout aux personnes de leur état., f> une 'mauvaise idée de leur façon de » penser. » La satisfaction que l'offensé peut » obtenir de la justice des tribunaux or- » dinaîres , est regardée , une fois pour >> toutes, comme insuffisante par le pré- » jugé, et on lui a substitua celle qu'il se » procure lui-même par le duel. » Il «'agît dqjlc de trouver à la place ^ » un autre moyen qiiî suffise pour pfFacer » cette mauvaise impression aux yeux » de Toffenséet des personnes de son état. ^ En remettant le jugement de ces afFaî- >♦ res d'honneur aux personnes de l'état * M 'de Toflfengé, .celui-ci en sera d'autant 3o4 Livre VUI. >» etc. il faudra , sans doute , déterminer » encore mieux toutes ces choses. Mais yf c'est une partie de Tinstruction des >» tribunaux , elle doit leur être réserva, » parce que ces détails détouroerc^entlet t> fatigueroient ici Tattention. u Il y auroit bien des observations à faire sur ce*fi*agiîient. Les grands abus des duels sont passés , les lumières du siècle et de la saine raison y ont beaucoup plus contribué que les législations. 11 est im- possible d'abolir entièrement les duels dans Fétat militaire, et peut-être ne seroit- il pas sage de le vouloir. Il faut y punir, chasser , casser ignominieusement les querelleurs et les spadassins ; fevoriser le duel au pistolet 9 où la bravoure seule peut se montrer ; abolir celui de 1 epée , où la supériorité de la force et de IV dresse assure presque toujours la victoire, M^js toutes ces choses appartiennent beaucoup plus à la police des corps qu a 3fi;Jiégislation. Hors de là , nous croyons le tooyen imaginé ici un des meilleurs, sur-tout si les détails ultérieurs sont déterminés Religion, etc. 3o5 déterminés avec la même prudence. L'idée de faire prononcer sur les affaires d'hon- neur par les pairs de l'offensé est heu- reuse. Le tribunal d'honneur en France, composé des personnes les plus émînen- tes en dignité , manque précisément de la principale qualité exigée ici dans cette sorte de juges. Ce ne sont pas des lumières, les connoissances , mais le sentiment propre qu'il faut pour une affaire d'hon- neur. Un maréchal de France doit mal apprécier les relations d'un subalterne: il est trop au-dessus de lui pour se faire une idée nette de ce que cet officier sent en pareille occasion. Mais si des subalternes le jugent , le sentiment propre les guidera. Tels sont les principaux traits qui , àims le projet du code pour la monarchie prussienne , nous ont le plus frappé. En- core une fois ,» nous n'avons pas dû en donner un extrait plus étendu , puisqu'il nest qu'un projet; mais aussitôt qu'il sera achevé, nous nous proposons d'en donner une analyse raisonnée. Jusque-là, nous ne pouvons qu'affirmer que ce recûriî Tome V^. V T ♦ 3o6 Livre VIII. de propositions de lois est à-la-fbis un des plus beaux ouvrages et un des plus grands exemples que ce siècle ait produits. II donne au roi qui en a conçu Fidée , aux hommes qui Font exécuté , les plus justes droits à la reconnoissance de FEurope et des siècles. MAranîs- Il uous rcstc à èsquisscr la méthode suî- mfnistration vaut laquelle s'administrent les affaires un ûe la du rojaumc , et quel ordre Frédéric et ses pimsimne. prédéccsseurs ont établi à cet ^ard (i). Ceux qui connoissent les affaires de ce monde, savent que communément un roi n'est qu une idole, un homme posé là ^ pour arrêter Fambition de ceux que leur rang , leurs richesses , leur crédit ou leur force d'esprit , mettroient en état de pré- tendre de commander tous les autres , et prévenir ainsi les maux que cette ambi- tion pourroit faire (i) Voyez NicoLtî Beschrc'éungvon Berlin und Potsdam^ p. 378 et tuiv. La plupart des notices à ce sujet sont tirées de là ; nous y avons joint quelques éclaircissemens , puisés dans des mémoires parti- culiers. Religion, etCé 3oy '• • • • • ^ '. , ne gouverne point; il fait seulement ce que lui indi- quent ceux qui ont su se procurer la dé- légation de son pouvoir. Certes , il n'en étoit pas ainsi sous Frédéric : mais enfin toute Factivité d'un souverain ne le rend pas capable de gérer les affaires d'un royaume ( i ) > quand , . ■ ■ - ■---' . . . • 1^ ■ > ■ - . (i) Au milieu d'une foule de porttaîts ^ d'faistdireft et de recueils d'anecdotes de Frédéric , M. Biischîng vient de publier un volume très-curieux; c'est. uu portrait fait pat un peintre éix dernier râhg , maïs qui a saisi la ressemblance au supréihe degré. Tous léd ordres , résolutions , apostilles , lettres , etc. , etc. ^ y sont imprimés avec une exactitude vraiment di- plomatique, avec toutes les fautes d'orthographe, etc. etc. Ceux qui savent ce que c'est qu^un homme , et ce que c'es:t qu'un roi , ne diminueront rien de leur vénération pour Frédéric. Mais ce livre n'en est pas moins tires -propre à enseigner aux hommes ce que c'est d'être gouverné par uli toi , puisque le plus parfait n'a été que cela. On doit vraiment de la reconnoissance à M. Biisching , pour avoir publié un recueil qui dévoile si bien le charl»- tai^sme des gouvernemensi y i j * 3o5 Livre VIIÏ. ' Âiêine on les simplifierok autant qu'il seroît possible et nécessaire; car on prou- veroit aisément que dans une adminîs* tration vraiment raisonnable , le nombre des affaires , et celui des préposés, pour- raient se réduire au quart. 11 y a sans doute bien long -temps que nos gouver- nemens se sont éloignés d'une si sage économie et d'argent et d'hommes. Assu- rément elle étoit aussi peu observée dans fadministration de la monarchie prus- sienne que dans aucune autre ^ et même , à certains égards» encore moins que dans quelques pays. Les affaires de cette monarchie sont donc divisées , comme par-tout , entre divers départemens^ que l'on nomme col- lèges. A la XèX^ de tous est le cabinet ; c'est , ou du moins c'étoît sous Frédéric , la personne même du rbi. Ge monarque s'étoît réservée, et il exerçoit réellement la surintendance générale de tous ses dé- parteniens. Il éloît dpnc permis à tous ses sujets , dès qu'ils se crojoient lésés par Religion, etc. 3og qurique collège, de s'adresser directement à lui. Ses secrétaires particuliers lui niet- toient les requêtes sous les yeux , et il dictoit latréponse, qu'il ;signoit ensuite de sa main prop'pe. Nous avons détaillé dans leiivte premier TordneJtju'il ©bsèrveit à cet égard , et montré qtfil exerçpitune véritabk.. surintendance, dé v toutes les affai res du royaume. / ! . : : - - Vîignt ensuite, le conseil privé d'état, fondé pàr> Joachim-Frédéric '. en mil six cent: quatre, Jl est composé de. tous les: ministres xTétat effectifs y et ceux! mêmes qui résident hors de Berlin ^ dd moment où ilèl'Oiit |)rêté sennenty y ont voix et séance. Ce collège s'assemble tous les lundis ; ^chaque ministre y rapporte ijes affaires de son département : le premier lundi de chaque mois est sUr-tout destiné aux affeircs où plusieurs département doivent concourir. : Quand ' on demande quelque chose à ce collège , ou que d'au- tres lui font quelque rapport , on dit qu'on a demandé en cour, ou fait rapport à la cour. Viij 3io Livre VIIL Le département des aiFaîres ëtrang,ères, ou le ministère du cabinet, administre toutes les af&ires étrangères: il donne les instructions à tous les min^^es du rot chez l'étranger , à la diète de iempîre , aux diètes dea^ercles ; ; il reçoit leurs rap-. ports, et traite les affaiçes avec les minis^ très étrangers qui se trouvent à Berlin ; il conduit la correspondance avec les cours, soit au dedans de. lempire d'Alle- magne , soit au dehors , tant celle qui a rappoift aux affaires de Fétat , qisi'aux in^ térêts de ceux de ses membres qui se trouvent hors du royaume. Il est en outre chargé de la correspondance et des afiaires de famille de la maison royale j* il veille aux formulaires , aux cérémonies et autre» objets semblables; c'est de lui que ressor- tissent encore les concessions de titres de noblesse quelconque : de plus , il gère ; conjointement avec le directoire général et le département de justice , les affaires de souveraineté relatives aux pays étran- gers^ comme discussions de limites > d^ ^roit d'aubaine , etc, etc. R E L I G I o Nt etc. 3ll Le département des finances , ou le di- rectoire général et suprême des finances de la guerre et des domaines , est extrê- mement vaste. Il a été institué en mil sept cent vingt - trois , par Frédéric- Guillaume, qui abolit le commissariat général des guerres et le directoire général des finances. Il forme cette partie de l'ad- ministration qui dirige généralement toute réconomie intérieure de l'état , et qui con- noît en dernier ressort de toutes les affaires de finances , domaines , contributions et police, qui y ont rapport. L'autorité de ce grand collège s'étend sur toutes les pro- vinces, de la monarchie prussienne , la seule i^ilésie exceptée ; toutes les chambres de guerres et domaines , tous les collèges des mines , eaux et forêts , et tous les stipendiés quelconques dans ces diffé- rentes parties , en fait de revenus et de police , sont à ses ordres. Dès son établissement , le directoire général fut divisé en six départemens^ dont chacun a un ministre d'état pofti* V iv 3u . Livre VIII. chef et vice -président,, le roi étant le président de tout le collège. Le pr-emier département a sous sa dîr^ rectîon les deux Prusses et la ythuanie , et toutes les caisses de Tétat. Les provinces de Pomérànie et de la Marche formeiit une soudiviston de ce même départementf Les pwviqces de la Marche électorale^ et tout ce qui concerne la régale du Sel dans toutes lés provinces de la monarchie , et même dans la Silésie , sont Tobjet du second département. Le troisième gouverne les autres pro- vïncéïPÎ ètlès'affkiiles de la chambre dq timbre et des carteis dans toute la raonart* chîê. Le chef atftuel de ce département dirige aussi ta branche des eaux et forêts dans toutes les provinces*, la banque royale, là société maritime, ladministra-r tîoH générale des bois, soit de cqnstruc-r lion , soit à brûler'. . , , Le quatrième département gère toutes les affaires qui ont liaison avec les accises et les péages , depuis que le roi a formé , "*. Religion, etc. 3i3^ en mil sept cent soixante-six , une admi- nistration générale des accises. et des péages séparée; et le vice^président de ce département est en même temps chef . de cette administration générale. Les objets du cinquième département , sont le commerce , les manu&ctures eO, les fabriques. . ' Enfin le sixième département est celui de la guerre. Il à sous sa dîrectiçn tout ce qui est relatif à la marche et au logement des troupes; les magasins, les fournitures , les invalides, le salpêtre^ la grande mai-*- son des orphelins de Potzdam, et les éta- blis^emens qui lui appartiennent Outre ces six départemens généraux , existans depuis la création de tout le coI| lége , Frédéric a formé en mil sept cent " soixante^huit , le département particulier des mines ( il dirige fout ce qui est relatif aux productions du règne minéral, le sel seul exèçpté) ; et en mil sept cent soixante* dix, le département particulier des forêts/ auquel il a donné la surintendance de tout ce qui a rapport aux forêts , chasses ^ 3i4 Livre VIII. engrais de porcs dans les forêts royales , et commerce général des bois. Chaque province a sa chambre de guerre et de finance particulière ; et si elle est vaste , il y a encore des députa- tîons de cette chambre dans quelqu'une des principales villes. Les chambres des provinces sont modelées en petit ^ur le grand directoire général , et font leur rap- port soit à celui-ci, soit a chaque dépar- tement 9 suivant la nature de TafFaire. Autrefois les chambres exerçoient une îurisdiction fort étendue. Lors du premier changement &it à Fadministration de la j^ustice y vers Tannée mil sept cent qua- rante-huit, on leur en ôta une grande par- tie : cependant, il leui| est resté encore une infinité de causes à juger. On. peut en voir plus particulièrement la désigna* tîon dans Fédit numéro soixante-six de Tannée mil sept cent quarante-neuf. Mais en général , toutes les causes des particu- liers leur ont été ôtées , et ils n'ont gardé que celles qui concernent Fintérêt du sou- verain , comme ses revenus, ses domai- Religion, etc. 3i5 nés y les péages , la marche , les loge- mens , les livraisons pour les troupes , les villes et leurs revenus ou biens , etc. Ils ont , comme on voit , une jurisdiction fort vaste , et ils jugent souvent en pre- mière, quelquefois en seconde instance. Aussi a-t-on jeînt au directoire géné- ral un tribunal de justice , nommé le col- lège supérieur de révision , pour les cau-^ ses des finances et du commerce : plu- sieurs conseillers particuliers , plus juris- consultes encore que financiers , sont atta«> chés à ce tribunal. Mais' comme dans toutes lés causes où les chambres des finances provinciales fugent en première instance, ce collège constitue la seconde , et qu*on en accorde trois dans les causes d^une certaine împor-- tance, il se forme un troisième collège d'une députation de deux personnes du directoire général , et de quatre membres du tribunal suprême de justice , nommé la députation suprême de révision pour les causes des finances et des domaines en dernière instance , institué par décU-*^ / ■ 3i-6 Lit r *: Vl'il. ; ration rcxyale du dix août mil sept cent ■ quatre-vingt- Iroîs; : ' Il y a encore quelques autres branches du directoire général ^n sous- ordres. Telles sont: * "\ i ,^ .\ >. A. La commission supërif|uVe de^.eûr raens. Elle a été formée^ .œil sept cent soixante-seixe , et consiste! ijeaquelqiuea: conseillers privés des fioiuicesivjk jeîPftti minent en corps les caodidalâl qui ^fk, proposent, pour être coi»6llter$rdaâ9fl^, diverses chambres , soit c«BrseîileKs proh) vinciaux (landraethe), soit conseil 1ers ad-^ ministrateurs des impôts directs (^r/^fil^r- raetke ). Ils leur .donnent des - témoignages de leur capacité , et ils en font rapport,^ Ceux que loii: destine à être -conseillera de justice dans les chambres da-finance^ sont exaniinés par le collège supérieur de révision , comme étant lui-même un tribunal dejudicature. B. Le département supérieur des bâti^ mens , destiné ^i, revoir tous les devis * et à faire des rapports sur tout ce qui con- cerne celte partie. Deux conseillers privéa R E ly I G I O N, €tC. 817 des finances, principalement' versés dans ces matières , en ont la direclioft : les autres membres portent le titre de conseillers supérieurs des bâtimens ; ils sont ou doi- vent être composés d'architectes et degenç . de lettres d'une capacité reconnue. C. La chambre supérieure des comptes , des^ guerres et des domaines. Elle revoit tous les comptes des revenus royaux , d« ceux des villes, et des autres instituts publics, et fait ses observations. En rail sept cent soixante-dix , ce collège a été mis sur un meilleur pied ; on lui a donné une instruction plus déterminée, et le rang sur toutes les chambres des guerres et des domaines. D.. Le département général des muni- tions de bouche pour l'armée. Les caisses dépendantes du directoire général réuni , sont : 1^ La caisse générale des guerres; 2^ La caisse générale des domaines. Dans^la première se versent tous les produits des impôts directs et des accises; dans l'autre , tous oeux des domaines, des 3i8 LiYRE VIIL eaux et forêts, des sels, des mines, etc. de toutes les provinces de la monarchie/ 3^ La caisse des charges. Ses revenuà proviennent de ce qu'on paie pour les chargées , dignités et titres , et du premier quartier de leurs appointemens que Ton retranche à tous les officiers civils» 4<*. La caisse des extraordinaires. Elle est destinée à porter les déchets et les l'émises dans les revenus des domaines. Elle est divisée suivant les départemens du directoire général , et chaque chef dispose de sa part, sans la concurrence des autres. 5*^. La caisse de la cour, qui reçoit et paie les deniers des appointemens pour, les personnes attachées à la cour. 6^. La caisse générale des amendes. C'est là que coule le surplus de toutes les peines pécuniaires que prononcent les tribunaux supérieurs , en affaires tant <:i- viles que criminelles, excepté dans ce qui regarde celles d'accises , de péages . et de police. Religion, etc. Sic Viennent ensuite les caisses particulières des départemens , dont voici le détail 1^ Caisse générale du sel, qui appar- tient au second département. 2^ Caisse de la succession d'Orange^ où découlent les revenus des provinces que la maison de Brandebourg a reçus par succession de la maison d'Orange ; savoir, Gueldres et Neiifchâtel , sans doute parce que leur administration ne ressemble ^eq rien à celle des autres provinces. 3®. Principale caisse du timbre et des cartes. Ces deux caisses sont du ressort du troisième département. Le cinquième département a sous lui :' 4^ La grande caisse des manufactures , qui paie les sommes destinées aii bien des fabriques et des manufactures. Cet objet est assez important pour qu on lui ait destiné une caisse particulière. 5^. La caisse du magasin à soie (i). Du sixième département ressortissent : (i) Voyez Liypê^Jes manufaeturts ^ uxiicle soUrieu 32& L I V RE Vin. ' 6^ La grande caisse des magasins et des fourrages. 7^ La caisse des invalides , qui per- çoit, outre quelques autres revenus moi n* considérables 9 les confiscations des biens de tous les déserteurs , dont le pri% est voué à Fentretien des invalides. S"". La caisse générale des miitea dépend du départenient de ce'non>. 9"". La caisse générale des forêts , é^ celui des forêts. . Voilà ce qui Concerne Tadminislration générale des revenus et des dépenses de letat. Nous Favoris dit , la comptabilité est sur un pied admirable dans toute la mo- narchie prussienne. Frédéric-Guillaume, calculateur exact et attentif de ses re^p- nus, ingénieux sur cet objet de sa passicm^ lui a donné ces formes , avec lesquelles Tétat est à Fabri de toute prévaricatioA notable en ce genre , et qui le mettent en état de tirer le plus grand parti de seâ. revenus. Aussitôt perçus dans |les pro- vinces , on en paie d'abord toutes les ^dépenses sur les Ueusc; le^ résidu entre ensuite R Ë L I G .1 O N, etc. 521 ensuite dans les grandes caisses générales dé l'état que nous venons de nommer* Toutes les années , les* comptes sont ren- dus et fermés , de sorte qu'à dhacune de ces courtes époques , l'état n'est plus dé,-:, biteur ni créancier de la somme Ja plus légère, Frédéric , non moins attentif à ses revenus , a perfectionné à plusieurs égards cette comptabilité , et mis un frein encore plus difficile à rompre aux fraudes des subordonnés. Cependant il a été trompé quelquefois : outre M. db Goerne, dont nous avons parlé, qui lui vola des mil- lions, plusieurs subalternes ont souvent détourné des revenus de l'état à ieur propre usage. Eh bien ! ce même Frédéric qui passoit pour dur et avare , n'a jamais condamné ces gens à tirer les vaisseaux, où à d'autres punitions absolument dis- proportionnées à leur ancien état. Ils ont été mis pour un temps , ou lorsque la prévarication étoit infiniment grave, pour la vie , dans des maisons de correction , et le plus souvent on s'est contenté de les chasser. Tome V. X 322 Livre VIIL ^administration de la justice est sou- mise en dernier ressort à ce qu'on noimne le département ou le ministère de justice : il est composé de quatre ministres d état et de justice. De ce collée suprême dépendent La commission des lois,ie tribunal suprême, le tribunal de la chambre, les rinces ou tribunaux de la cour , tribunaux supé- rieurs et autres collèges de justice civile et criminelle , et de tutelle , dans toutes les provinces de la monarchie. Ajoutez ce qui concerne Texamen j la réception , Tins- tallation 9 et les appointemens des per- sonnes employées dans ces divers tribu- naux. A ce même collège sont réunis encore, 1^ le département de la religion; 2®. celui de la féodalité ; 3^ celui des colonies fraii- çoîses; 4^. celui des universités; 5°* celui des colonies palatines ou des memnonites. ' Ce même conseil ordonne les visites de tous ces tribunaux. Cest à lui que ceux-ci doivent envoyer les listes et ta- bleaux 9 soit annuels, soit de quartier , Religion, etc. 228 pour prouver qu'ils ont suivi les ordon- nances. Les plaintes que les parties ont à porter contre chacun de ces tribunaux, soit au cabinet / soit en cour , sont re-^ mises à son examen. Le grand chancelier en est le prési- dent, ainsi que de tous les tribunaux sans exception : il exerce à cet égard une surintendahcé générale. Il préside à la commission législative , à l'administration de la justice , à l'examen , à l'installation des juges ; les appointemens de tous les officiers de justice , a,vec tout ce qui est relatif à l'observation et à la correction des arrangemens de ce genre en général , sont uniquement de son ressort. Quant aux tribunaux supérieurs parti- culiers, dépendant de ce conseil suprême, ce sont , 1^ La commission législative instituée par lettres - patientes du vingt - neuf mai mil sept cejnt quatre-vingt-un. Les objets qui lui sont soumis ^ sont : A. L'examen et la décision des points de droit douteux , dont les autres tribunaux 324 Livre VIIÏ. lui font le rapport , sans nommer les parties. B. La visite de tous ces tribunaux , et la proposition des résultats à décerner d'après ces visites. C. La proposition de nouvelles lois , eu Tavis touchant celles qui pourraient être proposées d'ailleurs , de même que les corrections et les changeméns à faire aux anciennes. 2"^. Le tribunal suprême ou des appels. Il fiit institué en mil sept cent trois , lors- que l'empereur Léopold eut étendu le pri- vilège de non appellando (i), qu'avoit déjà la Marche électorale , à toutes les autres provinces , jusqu'à la concurrence des sommes de vingt-cinq mille florins d'or et au-dessous. Mais quand en mil sept cent quarante-six et en mil sept cent cinquante , Frédéric eut obtenu ce privilège illimité , (i) C'est le privilège de ne pouvoir évoquer aucune cause aux deux grands tribunaux de Fem- pire; savoir, la chambre impériale àWetzlar , ou Iç, •onseil aulique à Sicftoe» Religion, etc. 325 non - seulement pour l'Ostfrièse , mais aussi pour toutes ses autres provinces sans exception , son ressort devînt beau- coup plus étendu. Ce tribunal décide en troisième et derijlère instance toutes les causes qualifiées pour cela , c'est-à-dire, qui montent à une certaine somme , différente suivant les provinces , et il les décide non appellati vement , mais révisoi- rement 3"". Le tribunal de la chambre. Ce tri- bunal, dont la dénomination est ancienne, a été formé peu après l'institution de la chambre impériale établie d'abord à Spire. Joachim institua ce tribunal au commen- cement du seizième siècle. Ses succes- seurs y ont fait plusieurs changemenç utiles. Il en a sur-tout éprouvé aux deux grandes réformes de la justice, en mil sept cent quarante-six , paç le grand chan- celier de Cocceji , et en mil sept cent soixante-deu^ par M. de Carmer , grand chancelier actuel. Il forme le grand tribunal supérieur des Marches , et réunit en soi le tribunal X nj >^ 326 Livre VIII. des appels de toutes les Marches , celui de la cour , Fancien conseil privé de justice , la commission des Juife et le tribunal supérieur criminel. Une députation de ce tribunal forme celui de la prévôté de iliôtel, qui juge séparément certaines petites causes civiles et plusieurs causes criminelles. 4^. Le grand tribunal françoîs. Suivant les privilèges accordés par l'électeur Fré- déric-Guillaume aux colonie3^ francoîses en mil six cent vingt - cinq , elles sont exemptes de la jurisdiction des tribunaux allemiands, et ressortissent de leurs tribu- naux particuliers. Cette cour juge en se- conde instance les causes des colonies du royaume; et quand on veut en évo- quer en troisième instance au tribunal suprême , celuir-ci admet deux conseillers de révision du tribunal françois, pour (ionner leur voix et leur opinion. ^ Un des premiers soins de ce , collège fut de faire un règlement sur Tordfe de la procédure , formé par les meilleuifs ju- risconsultes françoîs, sur le modèle ^U ^- i' Religion, etc. 827 code Louis 9 et qu'on nomma Tordon- nance francoise. L'électeur Frédéric III, ensuite premier roi de Prusse, la confirma en mil six cent quatre-vingt-dix-neuf. 5^ Le tribunal des tutelles de la Mar- che. Il a la surintendance générale sur toutes les affaires de tutelle de ceux qui , en première instance , ressortissent du tribunal de la chambre^ 6^. La commission immédiate des exa*- mens , à laquelle sont soumis les candi- dats pour leur entrée dans les charges de judicature. C'est sur le témoignage de cette Commission que M. de Carmer décide si et comment on les. emploiera dans les tribunaux. Sous le conseil suprême de justice , il se trouve encore ^ comme nous l'avons dit , quelques départemens généraux sub- divisés en d'autres particuliers. Tels sont, A. Le département de la religion. Outre les affaires de la religion proprement dites, tous les instituts d'instruction quel- Imités , collèges , écoles , Xiv 326 Livre VIIÏ. des appels de toutes les Marches , celui de la cour , Fancien conseil privé de justice, la commission des Juife et le tribunal supérieur criminel. Une députation de ce tribunal forme celui de la prévôté de rhôtel, qui juge séparément certaines petites causes civiles et plusieurs causes criminelles. 4^. Le grand tribunal françoîs. Suivant les privilèges accordés par l'électeur Fré- déric-Guillaume aux colonie3^ francoises en mil six cent vingt - cinq , elles sont exemptes de la jurisdiction des tribunaux allemands, et ressortissent de leurs tribu- naux particuliers. Cette cour juge en se- conde instance les causes des colonies du royaume; et quand on veut en évo- quer en troisième instance au tribunal suprême , celui-ci admet deux conseillers de révision du tribunal françois, pour donner leur voix et leur opinion. ^ Un des premiers soins de ce , collège fut de faire un règlement sur Tordfe de la procédure , formé par les meilleurs ju- risconsultes françoîs, sur le modèle du / Religion, etc. 827 code Louis 9 et qu'on nomma l'ordon- nance francoise. L'électeur Frédéric III , ensuite premier roi de Prusse ^ la confirma en mil six cent quatre-vingt-dix-neufl 5^ Le tribunal des tutelles de la Mar- che. Il a la surintendance générale sur toutes les affaires de tutelle de ceux qui , en première instance , ressortissent du tribunal de la chambre. 6^ La commission immédiate des exa*- mens , à laquelle sont soumis les candi- dats pour leur entrée dans les charges de judicature. C'est sur le témoignage de cette Commission que M. de Carmer décide si et comment on les. emploiera dans les tribunaux. Sous le conseil suprême de justice, il se trouve encore , comme nous l'avons dit , quelques départemens généraux sub- divisés en d'autres particuliers. Tels sont, A. Le département de la religion. Outre les affaires de la religion proprement dites, tous les instituts d'instruction quel- conques , universités , collèges , écoles , Xiv 3a8 L IV RE VIIL même la bibliothèque et le cabinet d'anti- quités en dépencjeqt, ainsi que tous les instituts de charité ; il est soudivisé en : A. Le départeplent réuni des affaires ecclésiastiques luthériennes et catholi- ques. B., l^e département de la féodalité, qui gèfe tout ce qui reste dans les contri- butions allemandes de l'ancien système féodal. c. Le département des colonies fran- çoîses. Il dirige les intérêts séparés de ces colonies répandues dans toute la mo- narchie. Il a sous lui : j. Le conseil français. B. La caisse de l'état civil francois. Elle 9 provient du fonds formé pour la fondation et l'entretien des colonies. Il a été élevé successivement à quarante-cinq mille écus et au-deJà. On en paie les appointemens des prédicateurs et des maîtres d'école , ainsi que ceux des officiers de justice de ces colonies , et Ton y assigne même des pensions à des personnes distinguées, qui n ont d'autre moyen pour vivre que celui Jà. ,«f Religion, etc. 829 c. Lé grand consistoire François. D. La curatelle des universités. La surintendance dès grands collèges d'ins-^ truction y est jointe. Le ministre à qui ce département est confié , veille aux fonds de ces corps et à leur çmplpi , et sur- tout il propose ^u roi les sujets auxquels il convient de donner les chaires et les places vacantes de régens ou sous-régens. E. Lé département des colonies palati- nes. Ce sont des colonies de. memnonites ou anabaptistes., établies principalement à Magdebourg , Halle , Kalbe , Burg et Stendal. Les autres collèges principaux pour Tadministration des affaires, soit pécu- niaires ou autres du royaume , sont : 1°. Lé directoire général des postes, dont dépend la caisse générale. des postes. 2^. L'administration générale des acci- ses et des péages ;, ou la r^gi^- Elle est soudiviséé en Quze bureaux généraux , sans compte;r ceux des provinces , dont cinq sont , pour la Marche électorale seule , établis à Berlin. 33o Livre VIIL 3®. Le collège supérieur de médecine , établi en mil six cent quatre-vingt-<îînq par le grand électeur. Il dirige ceux qui sont établis dans les provinces , et les surveille. Un ministre en est chef^ et le premier médecin du roi, directeur. Le soin de tous est d'examiner les médecins , les chirurgiens { tes sages-femmes , et de leur donner en conséquence des per- missions de pratiquer , de vjsiter lefe apo- thicaireries , de faire des rapports dans les cas douteux dWaires criminelle. 4^ Le collège de santé , qui veille à tout ce qui peut avoir rapport à la santé des hommes et des bestiaux en général » dans les états du roi , non-seulement par rapport aux épidémies , mais aussi aui falsifications de vins , de bières , de vinaî^ grès j^ de pain , etc. à Tenterrement des morts dans les villes , au déchargement des égoûts dans les rivières , etc. etc. Il a été institué en mil sept cent dix-neuf Ce collège, quoique de la première utilité , n'a presque aucuns fonds. Les conseillers n'en reçoivent pas d'appointemens. Religion, etc. 33i 5^. L^ commission de jurisdîction , érigée en mil sept cent cinquante-six. Elle décide des conflits de jurisdiction entre les divers tribunaux et collèges. 6^ Le tribunal suprême de la régie, formé en mil sept cent soixante-trois ^ de la réunion de plusieurs tribunaux parti-» culiers à cet objet. Toutes les causes rela^ tives aux alïaires de la régie sont soumises à sa décision, qui est sans appel pour tout ce qui est au-dessous de dix écus ; sujette à Pappel en seconde instance , quand la somme va jusqu'à deux cents écus; et en troisième instance, quand elle s'élève au-delà* 7^ UoflSce du fisc ; mais par ce mot il ne faut pas entendre ce qu'on nomme fisc en françoîs. Le fiscal général en Alle- magne , est à-peu-près ce que nous appe- lons procureur-rgénéral du roi. Il veille au maintien de l'autorité, des droits réga*^ liens ou autres du souverain , et à ce que les lois, constitutions, règlemens, édîts, lettres-patentes , etc. émanés de la puis-^ sance , ne soient pas violées. Dès qu'une r t 332 Livre Vl}!. telle infraction arrive, il doit d'oflSce por- ter plainte. Tous les fiscaux des provinces ressortissent du fiscal général , et de cet office du fisc. " 8^ Le département des monnoies , divisé en directoire général des tpaonnoies , et tribunal ^es monnoies , duquel ressor- tissent toutes les affaires de ce genre. L'état militaire a son administration absolument séparée de tous les autres corps de l'état. Il forme, ou idu moins il formoit sous Frédéric , un état dans Fétat, émanant directement et. unique- ment du roi. Les divers collèges établis pour gérer ses accessoires, sont: 1^, Le tribunal général de justice tniVtt taire, que Ton nomme en allemand» Yau-^ ditoriat général^ parce qu on nomme audi- teurs les légistes, attachés aux régimens, pour disposer suivant les lois , les affaires , tant civiles que criminelles des personnes qui constituent le régiment Cet auditQ- riat général est le tribunal suprême de toute l'armée , pour la justice tant civile Religion, etc. 333 que criminelle. En cas d'appel ou de ré- vision , on envoie les actes du procès aux facultés en droit des universités. 2^. Le consistoire militaire. Il règle toutes les affaires ecclésiastiques de Tar- mée en dernier ressort. 3°. La chancellerie ou le bureau de la guerre. 4^ L'intendance générale de l'armée, qui a sous sa tiirection le département du trjEtnsport des subsistances et de quelques autres menus objets relatifs aux besoins des troupes. Tel est le foyer général d'activité du gouvernement prussien dans ses princi- pales parties. Les résultats respectifs des travaux du même genre dans les provin- ces , ou ce qui , relativement à ces objets, ne peut pas s'y terminer , sont portés aux collèges et tribunaux dont nous venons de crayonner les principaux traits. 334 Livre VIII. RÉSUMÉ GÉNÉRAL E T CONCLUSION. JNous n'ayons point entrepris un si vaste ouvrage par ce vain amour de célé- brité qui fait désirer de s'associer en quel-- que sorte à tout grand nom , à tout grand événement* Notre dessein principal -n'a pas même été de satisfaire une curiosité naturelle et juste sur lliomme extraordi- naire qui a rempli le monde de sa renonvr mée, et sur les états que son sceptre«a régis. Qu'il nous soit permis de le dire , nous avons eu un but plus élevé ; nous avons voulu démontrer par les faits, des vérités de première importance , et ce- pendant encore disputées. Le système physiocratique , ce système si simple , qui place dans la liberté de^ hommes et des choses tout Fart de les gou- RÉSUMÉ : Conclusion. 335 verner , a compté jusqu'ici un assez petit nombre de partisans. Les bons esprits le vpyant si opposé à tout ce qui s'est pratiqué , forcés de convenir cependant que si le monde pouvoit être mieux, il avoit été plus mal , et même que quel- queâ^ pays se trouvoient dans un état de prospérité très -réelle; les bons esprits, disons-nous, ont été arrêtés par les cla- meurs , soit des hommes qui ont leur intérêt au mal , soit de ceux qui seroient humiliés d'être forcés de renoncer à leurs préjugés , soit enfin de cette foule d'indi- vidus quun esprit routinier enchaîne à ce qui se pratique journellement. On a «ienc répondu presque universellement aux sages qui ont découvert les premiers ces nobles vérités , ou aux disciples qui ont eu l'esprit assez juste et as»ez hardi pour les concevoir et les avouer : » Ce quevous » dites paroît très-conbcquent ; c'est uoe » belle spéculation que votre théorie ; ce- » pendant les Êiits sont le grand critérium » en économie politique. Un philosophe » qui ne voit que ses méditations , rai- •;« 336 Livre VIIL » sonne fort à son aise dans son cabinet; » mais sans la pratique , les plus beaux » raisonnemens ne servent à irién , et » prouvent peu. On ne gouverne point y> les hommes avec des systèmes ; or la » pratique décide complètement contre f> vous. Voyez ce roi qui gouverne depuis »iquarante-six ans son royaume suivant » des principes diamétralement opposés » aux vôtres : eh bien , avec un état du » troisième ordre , il a développé une n puissance qui la rendu redoutable aux » royaumes du premier rang. Il a acquis » un grand trésor ; ses provinces sont » riches , peuplées , heureuses ; les maniir » factures se sont dievées chez lui à uHl^ » splendeur inconcevable. Tous vos ar- » gumens et vos calculs hypothétiques ne H détruiront pas des faite si frappans. « Ces discours vagues ,^t par cela même très-attrayans pour le vulgaire , qui craint la fatigue de penser, plus peut-être que toute autre fatigue , nous ont fait prendre la résolution d'examiner les faits mêmes sur lesquels on les fgndoit. Nous avons puisé RÉSUMÉ : Coi^CLUstoN. 337 puisé ces faits dans les meilleuf es sources ^ et dans les ouvrages de ceux qui combat- tent nos principes ; nous les avons prîâ tels qu'on nou§ les a présentés , sans jeter aucun doute sur leur réalité. Si des con- tradictions multipliées nous ont forcé d eii indiquer quelques-unes, en résumant nos déductions, nous rt'avons établi aucun de nos raisonnemens, aucune de nos preuves sur les doutes que ces contradictions ont nécessités Eh bien ! voici les résul- tats qu'a constatés Texamen impartial des faits rapportés sur la foi non contestée des auteurs les plus authentiques, les plus prévenus en fevcur des opinions contraires ^x nôtres , des auteurs que nous seute aurions intérêt à récuser. Après avoir indiqué dans notre premier livre les événemens historiques où résident les causes ostensibles des accroissemens qu'a pris la maison de Brandebourg , et celles de la puissance que Frédéric a dé- ployée aux yeux de l'Europe étonnée, nous avons fait voir dans le second livre , qui traite de la population de ses provinces: Tomt ^ Y 338 Livre VIII. Que les. états de la monarchie prus- sienne n'ont probablement que la très- fbible population de cinq millions et demi d'habitans tout au plus. Que les provinces les plus peuplées et les plus florissantes , telles que la princi- pauté de Halberstadt et les états de Westphalie en général , sont précisément celles QÛ Frédéric a versé le moins de dons , au bien-être desquelles il a apporté le moins de soins et de surveillance , pii il a établi le moins de colonies et le moins de fabriques. Que Taffluence des capitaux vers les villes , labondance du numéraire , le grand luxe en consommations de tout genre, Fentasserpent des manufactures^ ne font point fleurir une province , n'aug- mentent point sa population ; que les^ grandes villes, regardées jusqu'ici comme un moyen de féconder du moins les cam- pagnes environnantes , n'ppèrent rien moins qu'un effet pareil ; que ce sont des masses mortes. Depuis un siècle, on na rien négligé pour attirer à Berlin et à ËÈSÙMÉ : CôNCLUStÔNi 53^ î^otzcîam les riches consommateurs de k taonarchîe. Qu en est-il arrivé? Le nombre des cultivateurs de la Marche n'a pas même augmenté dans une proportiori égale à leur propre accroissement. . i ; . Le nombre des cuhivateurs à diminué dans cette province eh proportioh des habitahs des villes !••... Quelle vérité? quelle pt-euve que Tagriculture n'a besoin que d'une bonne législation pour fleurir, et quedeë lois sages eh ce genre sont l'unique moyeil de rendre les provinces riches ^ abon- dantes en hommes et en productionSé On a prétendu enfin qtie c'étoît à se6 isoins cohtinuels pour la colonisation et pour les fabriques, que Frédéric devoît l'accroissement de la population de sotl royaume. C'est encore-là une ert*eur que hous avons démontrée. Non-seulement les provinces qui ont reçu le plus de colonies et de fabriques royales sont les moins peuplées ; mais la monarchie prussienne auroit dû , par l'accroissement naturel de la population ^ parvenir^ eh supposant même la plus grande somme . possible Y ij 340 L I V R E VIII. d êtres humains pour la consommation de la guerre , à un degré de population supérieur à celui auquel elle s'est élevée. Du livre sur l'agriculture , il résulte que les pays les plus peuplés sont, ou ceux qui ont une bonne agriculture, c'est-à- dire à qui la nature la donne , car dans les états prussiens , la législation tend par-tout à l'écraser ; ou ceux qui cultivent le lin, cette production de la terre à la- quelle est attachée une intarissable source de bien-être pour l'espèce humaine. La Prusse orientale doit évidemment sa po- pulation au commerce des grains , qu'elle a la permission de faire , tandis que la Poméranie , par exemple , dont lé sol est au moins aussi fertile , est peu peu- plée , parce que le commerce des grains y est prohibé. Dans le livre des manufactures , nous avons fait voir que la seule fabrique vrai- ment grande et florissante , est celle dont le roi ne s'embarrasse pas , à laquelle il ne donne d'autre encouragement que 1^ liberté, savoir, celle de la toile en Silésie Résumé : Conclusion, 341 et en Westphalie. Les fabriques de laines sont considérables , parce qu'elles ont le débouché d'une grande armée, et qu'il faut bien d'ailleurs que les hommes soient vêtus dans un pays si froid. Mais la partie la plus importante de cette fabrication, est celle des laineries grossières, qui exis- teroit toujours sans monopoles et sans feveurs , et qui s'éleveroit même plus haut avec la pure liberté. Celle des soies, à laquelle la nature répugne , languit mal- gré Timmensité des dons royaux et le monopole ; et la seule de ce genre qui soit remarquable, c'est celle de Créfèld , que Frédéric a toujours traitée comme étran- gère. Nous avons vu daijs le même livre , que les manufactures vraiment utiles et d'un vaste rapport , sont les fabriques libres et séparées, et non les réunies. Nous y avons vu qu'aussitôt que le gouverne- ment touche à une fabrique, elle tombe; témoin celle du fer d'Oscmund dans le comté de la Marck. En un mot, les faits y démontrent jusqu'à leyidcnce , qu un Y iij 34» Livre VI IL ' gouvernement n'a pas d'autre mesure à prendre pour élever toutes les manufàc^ iures que le pays comporte à la plus hautCr splendeur, que de lés laisser faire, sans y donner la moindre attention , et que tous les efforts possibles ne produisent rien de stable nî de vraiment intéressant poiir celles que le pays ne comporte pas. Dans le livre du commerce, nous avons démontré que le seul commerce florissant dans la monarchie prussienne, est celui qu'on laisse aller de lui-même (c'est encore celui des toiles ) ; que les seuls objets vraiment împprtans, et qui formant une très-grande valeur, sont les productîonsi de Fagriculture ; que les profits de la main-d'œuvre, relativement aux manufac- tures , ne sont rien en comparaison , et qu'ainsi c'est la plus insensée des mesures que d'opprimer l'agriculture , dans la vue de favoriser les fabriques; que même le çonirrierce extérieur est peu de chose , en comparaison du commerce intérieur', puisque le seul article des grains que con^ somment les homnaes d'un paysj forme Résumé: Conclusion. 843 la moitié de la valeur de toute la masse des autres productions. On y a vu enfin que les systèmes réglementaires tuent Itf commerce ; et que sans celui de la con- trebande , les états prussiens auroîent été les plus misérables de l'Europe, grâces à leur législation commerciale. Le livre des revenus et des dépenses; a offert le tîEibleau des maux incalculables! et de tout genre qile causent les impôts' indirects , soit en arrachant infiniment plus au peuple que le trésor de Tétat n'en retire, soit par les conséquences physiques et morales qui en résultent On y a re- connu aussi que Tesprit d ordre et d'éco- nomie répare une assez grande partie des maux même les plus cruels , et que s'il se trouvoit joint à rétablissement de l'impôt direct et à la pleine liberté du commerce et de Tindustrie, il produirait des effets qui tiendroient du prodige. Noiis avons tâché d'indiquer, dans le livre des affaires militaires , les moyens dont le roi de Pfusse s'est servi pour former une excellente armée; contiment Yiv 344 L I ▼ m E VIIL elle pourroit être nombreuse, sansavm recours aux enrôlemens étrangers , et ^ quels sont les effets cTune conscription militaire trop forte. Nous avons démontré enfin , dans le huitième livre 9 Texcellente influ^ice de la liberté de penser et d^écrire 9 par le haut degré de perfection auquel se sont éle-. vées les connoîssances utiles dans les états du roi de Prusse , et par 4es effets que ces connoîssances ont produits, au premier rang desquels il faut compter un projet de code 9 telle que n>n possède encore aucune nation. Cependant une révolution si salutaire et si grande 9 s est opérée sans les secours , sans les encouragemens du gouvernement y avec une académie des sciences presque toute composée d'é- trangers 9 où un grand homme , entière- ment éloigné des affaires par système et par sagesse , et dont la stature ammoinr drissoît encore ses prétendus collègues 9 s'élevoit au milieu de sujets plus que mé-^ diocrea , qui assurément , par leurs ouvra^ gç8 mort^nés9 n'ont en rien contribué à •^ RÉSUMÉ : Conclus»© N, B4S répandre la lumière. Frédéric a encore laissé faire à cet égard, il n'en a pas fallu davantage. Tel est l'instructif ensemble de son administration; et certes, au milieu de ses erreurs , ses bienfaits tiennent une place sublime. Pour achever de nous en convaincre, donnons un coup-d'œil à Tinfluence qu'a exercée ce grand homme, non-seulement sur son peuple, mais sur l'Europe et sur son siècle. Nul monarque ne montra jamais autant que Frédéric le Grand , ce que peuvent pour un prince et pour sa nation l'habi- leté personnelle qu'il possède , et la con- sidération qui en résulte. La gloire de Frédéric inspira aux Prussiens un enthou- siasme , un esprit public qui eût honoré des Anglois. Tous concouroient, comme malgré eux-mêmes , à l'énergie d'un gou- vernement qu'animoit une ame élevée. L'effet en éloit si sensible, qu'on nommoit en Alleuiagne cette espèce de verve na- tionale, ï aiguillon prussien {^dcrpreussische sporn). Mais cette influence si glorieuse 346 Livre VIIL pour Frédéric , le cède à celle qu*îl exerça sur ses voisins ; que dis- je? sur ses con- temporains. Un roi des Vandales et des Cassubes devint en quelque sorte le mo- dèle de l'Europe; et si les princes con- nois^oient la vraie gloire, s'ils savoîent l'apprécier, combien cet exemple n'auroit- il pas été plus efficace encore? La pusilla- nimité ou Tignorance assises sur des trônes^ ou trop vastes, ou trop éloignés, 8e consolèrent de ne pas imiter Frédéric, en se disant ce qu'on ne cessoit de répéter autour d'eux : // ne convient qu'au roi cTun petit royaume d'en agir ainsi. Mais il n'en fut pas de même en Allemagne. Cette contrée est divisée en un grand nombre de petites souverainetés dont la possession ne place pas au-dessus du be-» soin d acquérir du mérite, si l'on veut quelque considération au dehors. L'exem- ple d'un vraiment grand homme n'a donc pas été perdu pour les souverains de l'Allemagne. Quand ils virent qu'un roi très-supérieur à eux tous en puissance , ne dédaignoit RÉSUMÉ : Conclusion. 847 pas de s'orner l'esprit et dé vivre avec des gens de lettres , ils conçurent que les lettres et ceux qui les cultivent , étoient bons à quelque chose, et ils changèrent de conduite envers les instructeurs des humains. Peu de ces princes étoient assez riches pour attirer des gens de lettres étrangers ; d'autres voulurent avoir quel* que chose à eux ; quelques-uns même sen-» tirent que le Véritable usage des lettres étoît d éclairer leurs sujets , et en conséquence, ce furent les Allemands qu'ils* fevorisèrent. l>s sciences et les lettres acquirent donc une utile et véritable considération. Sans doute une liberté ehtîërê leur auroît mieux valu que les caresses hautaines dès grands, qui ont de trop^ bonnes raisons pour vou- loir que le rang passe ayant lé génie. Mais , au défaut de la liberté j la faveur est quelque chose, -' Frédéric lui-naême ne donna pas aux lettres une liberté entière : les autres prin- ces osèrent encore moins briser lès entra- ves du préjugé, soit personnel-, soit na- tional ; mais les bornes de l'espace que 348 Livre VIIL peut parcourir Tinstruction humaine fu- rent du moins trè^reculées. Aujourd'hui , si Ton excepte un très -petit nombre de pays soumis à d'imbécilles tyrans , on peut discuter en Allemagne , théoriquement du moins , toute question dé théologie , de philosophie , d'économie-^ de* politique ; €t tel livre pour lequel , avant le règne da dispensateur des lumières, on auroit été brûlé , se vend et s'imprime publique- ment Une grande honte est attachée à celui qui veut réprimer ou punir la liberté de penser par la violence. Les princes et les gens de lettres se contiennent les uns les autres : si cet ordre de choses n'est pas le meilleur, il est du moins mille fois préférable à celui qui dura tant de siècles. C'est là un avantage incommensurable, que le reste de l'Europe , aussi bien que l'Allemagne , a recueilli de l'exemple d» Frédéric, Il en est un autre qui leur a été éga- lement commun , c'est la tolérance poli-^ tique des sectes. L'exemple de la Hollande et de l'Angleterre n'avoit pas produit assez RÉSUMÉ : Conclusion. 349 d'effet ; la première étant une république f et l'autre une monarchie très-limitée , les souverains de l'Europe ne crurent pas de- voir conclure de la conduite de ces états, pour guider la leur : ils pensèrent plutôt qu'elle leur en prescrivoit une autre ; car bien que les peuples fussent incontesta- blement plus heureux dans ces contrées que dans leurs états , ils n'étoîent pas aussi soumis ; et l'obéissance de leurs sujets leur importoit infiniment plus que leur bon- heur : mais quand ils virent qu'un monar- que jouissant de tous leurs droits , et même plus absolu qu'eux , parce que ses vertus lui donnoient une autorité personnelle plus grande, ouvroit son pays à mille sectes sans en éprouver la plus légère contrariété; que toutes ces sectes, une seule peut-être exceptée , ne se dispu- toient que d'attachement pour lui , d'in- dustrie et d'activité, soit pour s'enrichir , soit même pour lui plaire , les prêtres les plus fanatiques n'eurent plus de moyens de fasciner léfe yeux des souverains, en les effrayant sur les suites de cette politique. â^o LîVUE Vitl. Cette autorité personnelle , et <îe &i étonnans succès , frappèrent les souve- irains,et principalement ceuxd'Aliemagne, Charles XII a voit donné Texemple d'un |)rince qui préféroit la puissance réelle aii Êisfe du trône, Frédéric-Guillaume père de tVédéric, oflPrit le même spectacle à l'Europe; tous deux avoient vécu comorë des officiers de fortune, pour se donneir tinc influencé redoutable : mais Tincon* duite de Tun recula le but > et détruisit ses succès i et l'autre ne fit qu'étudier ses grands moyens de puissance , et ne s'en servit pas« Il fiit eu politique ^ l'image d'uii impotent qui auroit sa chambre garnie ^excellentes armes ^ pour le seul plaîsii* de les regarder. L'exemple» de Charles XII et celui de Frédéric^Guillaume eurent donc peu d^imitateurs. Mais quand on vit un roi qui, avec de puissans moyens , sut les augmenter en- core , faire de grandes choses , et négliger pour elles tout ce qui n'a qu'un vain éclat , parce qu'en effet ceS superbes ba-^ gatelles ne sont pas une vraie puissance^ RÉSUMÉ r CONCLtISTON. 35t « ou du moins n'en sont qu'une (f opinion pour les esprits très-bornés , un tel exem- ple fut vraiment influent ; il entraîna à l'imitation. Les princes d'Allemagne qui , 'dans la guerr* de sept ans , s'attachèrent au sort de Frédéric , jouèrent un rôle imposante Les troupes qu'ils mirent sur pied , l'âssî* milation de ces troupes à celles du roi de Prusse , leur donnèrent une considération fort au-dessus du poids naturel de leur pays. Ces grandes têtes coounencèrent à comprendre qu'il y avoit d'autres jouis« sauces que de boire , de chasser , d'avoir des maîtresses , ou même un opéra* Alors l'esprk d'ordre et d'économie s'iempara de la plupart de ces princes* Constitutionnellement parlant, ils n'é- toient pas ab^lument indépendans des assemblées de leurs états , mais ils en dé- pendoient infiniment lorsqu*ils avoient de continuels besoins d'argent; alors ils ten* tèrent de véritables efforts pour s'en affranchir : ils devinrent plus maîtres chez eux. Ce fut assurément un très -grand «^* 353 Livre VIIL bien , car ils ne 'pouvoîent guère abuser de ce surcroît d'autorité , uniquement fondé sur leur bonne conduite; au lieu que les folles dépenses de la plupart d'en^ tre eux n'avoient pas eu le moindre avan- tage pour rhumanité , heureuse «ncore lorsqu'elle n'en étoit pas accablée ! Eh ! combien la chasse , par exemple , dont la passion méprisée par Frédéric , et dès-lors abandonnée par une foule d'autres prin- ces, soit par imitation, soit par sentiment, n'a-t-elle pas déchaîné de maux cpntre les cultivateurs ! Sans doute il résulta de ce changement, dans Tordre politique de l'Allemagne , des înconvéniens dont Frédéric fat entière- ment innocent , mais qui n'en eurent pas moins un eflPet très-actif: deux entre autres méritent quelque développement ; car quoiqu'ils aient sur -tout influé en Alle- magne , les autres états de l'Europe y ont participé à un certain point Les pivots de la puissance de Frédéric étoîent son armée et ses richesses. Tous les princes voulurent avoir des troupes , Résumé : Conclusion. 353 troupes , et s'en occuper comme lui. Un grand nombre se mit à porter l'uniforme, à se trouver exactement à la parade , à exercer eux-mêmes des soldats ; et ils croyoient imiter Frédéric le Grand ! jus- ques-là rien que de supportable ; car ceux qui soutiennent que les troupes sont inu- tiles aux pptijts états, puisqu'ils ne peuvent ni conquérir ni se défendre , ou ne con- noissent point l'Allemagne , ou sont ins- pirés par des raisons qu'ils n'énoncent pas , et dont nous exposerons bientôt le néant. Mais on alla plus loin : on s'ima- gina que l'extérieur du service prussien , l'exactitude dajis les petites choses , con- tenoient le secret de la perfection ; on avoit tant^ît que le bâton étoit l'ame de ce service , qu on crut former des héros à l'école des coups de bâton. Sans doute l'exactitude dans les minuties du métier, est la base de l'exactitude dans les gran- des choses : elle est donc bonne et néces- saire comme moyen ; mais comme bût , rien a'est plus- ridicule. Voilà ce que n'ont voulu voir ni les détracteurs, ni les Tome V. Z •V 354 L I Y R E VIII. enthousiastes du service prussien. Auquel de çe^ deux geiuesd^hommes que Fon craie dans le militaire des autres j>ays , on se trorppe : si les détracteurs , la base manque ; si lesenthausiastes, vous vous consume* vez en enfantillages^ et c'est ce que nous ayons yu presque généralement en Europe depuis vingt ans. On a touryient^ les troupes sans utilité ; on n*a cessé de leur eotseigner TA B C ^ sans jamais leur ap- pf çndre à lire. Ce n'eût été que du temps perdu 9 si Hdée du bâton n'avok pas été iitfimemeat liée avec celle de la perfection de Tarmée prussienne. Des voyageqrs mî- Ulawes, voyoieflt battre dans les exercices prussieois : ils ne réâéchissoient pa» mr la dilFéreiice de la composition des tron^ pes ; il3 ne pensoient pas que tel sotdat dp Tarnaée prussienne sortoit des galères pput-être j, avoit mérité vingt lois le àer^ nim supplice » et qu'il étoit impossible de le piller à Tordre militaire autrement que p^ des coups, méthode unique pour dorppter les bêtes féroces. Ces observa- teijirjs, superficiels retournoient chez eux *\^: RjÊstrMÉ: Conclusion. 3SS faire distribuer des coups ; ils y portoicnt au^ la fureur de la tenue pratiquée étï Prusse,, dont ils ne connoissoient ni Tor- dre 5 ni réconoraîe rigoureuse et cepen- dant libérale , fbbdée d ailleurs sur Uoft pratique constante de quatre - vingts ail- nées ^ et dont leur gouvernement n'avoîl pas y de son côté , Tidée la plus légère ; alors , substituant la manie au système ^ It luxe à I4 propreté , les fantaisies arbitrai^ res à un ordre strict et invariable , ils ruinoient à Tenvi FoSicief et le soldat. Un autre mal encore résulta dé cette passion militaire ; niais plus particulier à TAlIemagne, il y fut plus sensible , parce qu'on pouvoit moins y alléguer de néces^ site. Plusieurs princes entretinrent un trop grand nombre de troupes, et causèret^ ainsi différentes espèces de maux à leurs états. Tels furent les înconvénîens de Texem* pie militaire de Frédéric ; et ceux qui résultèrent du spectacle de ses ric#iesw?fif , sont encore plus graves. Cest un atftîhitt particulier de la nature humaine^ Aë 356 Livre VIII. rechercher la cause de tout effet surpre^ nant ; mais au lieu de Tapprofoi^ir , rhomme , dont la vertu la plus raie est la patience , s'arrête à la première qui le frappe , que le préjugé lui indique , ou même à laquelle il désire attribuer TefFet qui 1 étonne. Frédéric avoit de l'argent pour tout: il amassoit un immense trésor , il établissoit des fabriques , il accordoit des monopoles, il défendoit l'exportation et l'importation des grains, il assujétissoit tout à des réglemens, dans la vue illusoire de garder dans son pays le numéraire , et dy en faire entrer autant qu'il seroit pos- sible. Aussitôt on s'est dit : Voilà les moyens de s'enrichir comme Frédéric, et ces moyens ont été avidement adoptés. On ne vit pas, ou l'on ne voulut pas voit; que c'étoient uniquement l'ordre et l'éco-. nomie qui enrichîssoient le roi de Prusse , et que ses réglemens ne faisoîent au fond qu'appauvrir ses sujets/ Cette doctrine d'ailleurs n'étoit pas faite pour plaire à des princes qui aîmoient le faste ; et des. courtisans ignorans, des financiers avides R É s u'm é : Conclusion. 357 se gàrdoient bien de la leur prêcher : ils pré^ntoîent au contraire ces arrangemens aux princes, comme un moyen de satis- faire d'autant plus sûrement et plus com- plètement toutes leurs fantaisies. Il sem- bloit qu'avec le régime fiscal, on eût trouvé un fleuve intarissable de richesses et de prospérité ,.qui dispensoit de modé- ration et de tout .autre soin. Aussi con- noît-on plusieurs princes ruinés par les établissemens mêmes dont ils attetidoient une augmentatioh de richesses! Noua mettrons enfin au nombre des maux que causa l'exemple de Frédéric , les grandes leçons qu'il a données à la maison d'Autriche , et le désir qu'il fit naître dans l'ame du prince qui en est le chef, de s'ap- proprier les vrais moyens de puissance. Sans doute ce prince s'est trompé sur la plupart de ces moyens; et dans ceux où il a raison , soit défaut de formes , soit préjugés enracinés, tels que le faste de la maison impériale, que l'estimable écono- mie personnelle de Joseph II n'a pas pu extirper entièrement , l'empereur n'a pg$ L llj 3S$ t I y R 5 VIII- ^e 9uqcè$ véntablfs, ou du moins il n'a pas ce3 richesçe^ disponibles , ces œdjjlens d'ioipubion TOudaine et presque irrésîsti-^ • hle qu'a çu se procurer Frédéric. Sans doDte aussi les dispositions peu favorables de ses sujets, letcndue et Téloignement de queiques-uns de ses états entre eux, lui font éprouver de grandes résistances , et la nature ne lui a pas donné un e^rit de suite assez opiniâtre pour les vaincre. Autant enfin sa puissance naturelle est su- périeure à celle du roi de Prusse, autant aes circonstances personnelles et onviron- Bantes tendent à rétablir 1 équilibre. . Mais il nVn est pas moins vrai que la puissance naturelle de la maison impë^ riale est plus que triple de celfe du mcftiar- que prussien: or c'est sur cette base qu'il faut toujours calculer et prononcer , car la nature des choses seule est immuable , et l'on ne résiste pas très long-^temps à son infhience. La maison d'Autriche a de3 états incohérens ; mais depuis les bornes dcj l'empire Ottoman jusqu'au centre de liAllemagne, etsdepuis le golfe de Veniso RÉSUMÉ : Conclusion. 8^9 jusqu'au-delà des monts Carpathes , ses provinces se touchent Eh ! qu'est -cfe, auprès de cette prodigieuse massé, que les provinces du Brabant ou celles d'Italie?. Cette vaste étendue de pays est peuplée de nations naturellement guerrières, dont la totalité des habitans est prête à se voiiet au métier de la guerre , parce que les jouissances de la vie industrieuse et com- merçante lui sont encore inconnues. Le a Souverain de ces contrées , sans être pef- sonnellement aussi riche que le roi dé Prusse , peut aisément le devenir assez pour accabler celui-ci,; il se forme, danâ cet objet, un amas de numéraire dont on ne connoît pas l'étendue. Le fonds dé reli" gion où paroissent s'engloutir les richesses de tant de couvens , * ce fonds dont on parle beaucoup , mais dont personne ne connoît ni la totalité, ni même l'existence, et dont on ne sait autre chose , sinon que la dépense qu'on lui assigne n'approchd pas de ce qui doit y être entré , ou même de ce qu'on y verse annuellement ; ce fonds de religion est peut-être le volcan Ziv 36o L IVRE Vlil. dont Texplosion doit ensevelir la liberté de rAliemâgne, et menacer celle de KEu- rope. Sous ce rapport même , on ne Tau- roit que trop bien nommé , puisque son premier effort tombera sur TAllemagne protestante. 11 seroit surhumain que la maison d'Autriche pardonnât jamais à celle de Brandebourg la conquête da la Silésie , lobstacle mis à celle de là Ba- vière, Talliance des princes conclue sous ses auspices. Ce grand conflit recom- mencera tôt ou tard ; la Prusse doit ne pas le perdre un instant de vue. Son exis- tence dépend d'être toujours prête ; c'est le premier, c'est presqueTuniqueintérêldun monarque prussien ; ce doit. être le vœu de tous ses sujets : mais en est-il rie même dun citoyen du monde ? celte question mérite detre discutée. D'abord la monarchie prussienne est digne par elle - même d'intéresser tout homme qiii pense , c'est une grande et belle machine , à laquelle des artistes su- périeurs ont travaillé pendant des siècles. Elle a des parties excellentes : l'esprit d'or- Résumé: CotJCLûsioi^. 36i dre et de régularité y est comme inhérent ; , îa liberté de penser et la tolérance reli- gieuse y dominent , et cet exemple est line irrésistible et salutaire démonstration , que ces deux trésors de lespèce humaine, loin d'être incompatibles avec le gouver- nement monarchique , lui sont très- favorables. La liberté civile y est portée presque aussi loin qu'elle peut Têtre dans un pays soumis au gouvernement absolif d'un seul , et où des restes de barbarie asservissent encore une grande partie des cultivateurs. On y possède un système militaire auquel il n est que peu de changemens à faire pour le rendre parfait. La monarchie prussienne enfin va donner à l'Europe l'exemple d'une législation dont celle d au- cun autre peuple n'approche. Que de choses dignes d'intérêt ! Si la Prusse périt , tous ces bienfaits tomberont dans l'oubli avec elle, et seront. long-temps perdus pour l'espèce humaine ; l'art de gouverner retournera vers l'enfarice ( car l'exemple de l'Angleterre est trop odieux au peuple 362 L I V »E VIIL des souverains) ; peut- être périra- 1- il comme d autres arts détruits par des ca^ lamités. Mais quoi ! pensons-nous donc ainsi , nous, sévères scrutateurs des fautes de Frédéric ? Oui , certes , nous pensons ainsi. Un grand homme peut faire des fautes graves dans l'organisation d'une machine cons- truite d'ailleurs avec un génie admirable ; un ariist* même ordinaire corrigera ces erreurs , et la machine sera parfaite, autant que ce mot compatit à notre nature : mais si vos roues , vos poids , vos leviers , con* fusément entassés , sont encore chargés de fange et de décombres, quelle main divine vous donnera son aide !... O princes européens ! ceci s'adresae à la plupart d'entre vous , qui croyez ne pas devoir à Frédéric , puisqu'il s'est trompé , de res- pecter, d'étudier, d'imiter ses travaux*! Frédéric , au milieu de ses erreurs, a plus Élit pour son pays , que les siècles accu- mulés n'ont pu pour les vôtres. Sa grande ame ,^ son inflexible caractère a dompté RÉSUMÉ : Conclusion. 363 jusqu'à ses fautes ; tandis qtm votre pwnh lanime versatilité rend inutiles ou funestes jusqu'aux efforts du génie condamné à vous servir. Eh ! sur quoi portent , en ré- sultat /les erreurs de ce grand homme? sur de largent. Or s'il est vrai que ce genre de fautes est toujours réparable, c'est sur- tout pour les gouvernemens. L'industrie humaine restaure tout au moment où l'on fait tomber ses chaînes. Rien de plus facile quand le pays où il s'agit de l'affran- chir , doit à un homme extraordinaire un esprit public très - énergique , un ordre admirable dans la comptabilité , un trésor dont toute augmentation seroit inutile ou nuisible, un mode d'économie qui laisse un grand excédant annuel. Que de res- sources, que de moyens, que de bienfaits î Qu'ils sont indignes de lire dans notre ame, ceux qui ont feint de nous soupçon- ner du désir de rabaisser. Frédéric ! Nous avons entrepris d'éclairer le monde par un exemple ! eh quel exemple ! nous n'avons pas voulu que les fautes de Frédéric le Grand fussent prises pour de la sagesse i 364 Livre VIII. Elles sont graves ces fautes ; elles nuiseAt au bonheur du peuple prussien , à la puis^ sance de son monarque , et , sous ce dou- ble rapport ^ nous désirons ardemment que les vestiges en soient effacés. Mais loin de nous Fidée que ces fautes soient même difficiles à réparer ! Ce n'est pas un malheur si grand que nous avons pré- tendu annoncer à TAIIemagne, sur- tout aux princes protestans de cette contrée , dont la liberté , la constitution , le bon- heur tiennent à l'existence de la monarchie - prussienne. C'est à resserrer leurs liens,- et non à les effrayer sur leurs liaisons naturelles , que nous mettrons nos soins et notre gloire. En effet, et c'est ici le grand motif d'intérêt qui lie tout citoyen du monde au bonheur de la Prusse, depuis ce Charles- . Quint qui , en réunissant les états de la maison d'Autriche à ceux de l'Espagne , se vit si près de l'autorité générale et sou*^ . veraine en Europe ( s'il avoit eu plus de vrais talens , il y seroît indubitablement, parvenu ) , les deux - branches de cette Résumé: Conclusion. 365 formidable puissance n'ont eu à leur tête que des princes dont l'orgueil mal-adroit et pusillanime n'a pas même su faire usage des grands hoxnmes qu'ils avoient à leur service. De tels souverains ont été loin de pouvoir réaliser le projet de ré- tablir la monarchie romaine , dont ils retiennent soigneusement les titres , ou celle du magnanime fondateur ée ce nou- vel empire ; mais ils ne l'ont jamais aban- donné. Du ci'oiseraent de cette ligne ambitieuse avec une race fertile en grands hommes , il est né un prince doué de plusieurs qua- lités éminentes, animé, instruit, stimulé par Texemple de Frédéric , et certaine- ment trop pourvu de moyens pour n'être pas très-ambitieux. Ce prince compte parmi ses serviteurs quelques hommes très-habiles, soit dans^le cabinet, soit • pour la guerre ; il a une puissance abso- lument prépondérante dans sa constitu- tion naturelle ; ses armées sont innombra- bles, et les moyens de les recruter sans bornes ; ses ressources personnelles sont 3^6 Livre VUK loin d'être méprisables : son activité est trop impétueuse , trop décousue , trop éparpillée, mais grande, ingénieuse, infk*- tigable. Croit-on que les desseins de sa maison niaient pas repris de nouveaux germes d'énergie dans son sein? Cependant ce n est pas à loi qu'en parolt réservée l'exécution. Une cause fondamen» taie et décisive, que Fon n a point remar- quée, s'y oppose invinciblement* Ceprince veut agir en même temps à l'extérieur et à l'intérieur ; il marche contre là nature des choses : aussi rien ne lui réussit. Com- bien il seroit plus redoutable, combien son influence eût été plus irrésistible, s'il avoit choisi entre préparer une grande révolu- tion , ou la tenter , au rîsqued'y succomber ! Un état avec une population de dix-huit à vingt millions d'hommes , lors même qiM ses peuples sont ignorans , supersti-^ tteux, sans lumières, sans arts, sans in- dustrie, peut faire des efforts terribles. A la vérité un peuple plus fbible , maïs dqué de tout ce qui manque à celui-là, lui résistera peut-être ; mais rien n'est moins RÉSUMÉ : Conclusion. 36y sûr. Et si le grand état deéserre la multi- tude des entraves qu'impose à ses sujets une mauvaise législation , rien ne pourra lui résister ; et sans doute s'il veut être sûr de son fait , c'est par là qu'il doit com- mencer. Que le modérateur d'un tel état choisisse donc entre agir avec les înstru- mens qui sont entre ses mains , au risque de les voir se briser , ou préparer dé bons înstrumens à son successeur. Or Joseph II ne peut pas se résoudre nettement à Tune de ces deux choses. Il n'ose pas employer ses instrumens tels qu'ils les a , de peur qu'ils ne se brisent ; et il ne se donne pas la tranquille patience de les préparer , parce qu'il croit entrevoir toujours le mo- ment propre à les employer. La plupart des erreurs de son administration viennent de cette fluct-uation continuelle entre Fac- tion sur l'intérieur et l'action au dehors. Il n'est donc pas invraisemblable qu'a- vec une grande prudence, une vigilante sagesse, on parvienne à arrêter , dans cette génération , les progrès de la maison d'Autriche. Mcûs dans^tout combat du plus 368 Livre VI II^ * adroit contre. le plus fort,- si le premier s'ouWie un instant, il est perdu. Or est-ii donc sûr que le rival de la maison d'Au- triche ne s'oubliera jamais? tout monar- que prussien aura-t-il pour objet éternel de la surveiller? rien ne distrairart-il son attention ? sera-t-il incessamment à 1 abri de toute surprise ? n'ofFrira-t-il jamais une occasion , un seul moment propre à lui porter un coup irréparable ? Le choc est imminent. Si la maison d'Autriche parvient à s emparer de la Ba- vière , toute balance est rompue; l'empe- reur acquiert une puissance si prépondé- rante , et tellement inébranlable, que ni la jiiaison de Brandebourg , ni la ligue germanique ne peuvent plus espérer de lui résister : un peu plus tôt , un peu plu§ tard , mais infailliblement , ils devien- dront sa proie; l'Allemagne entière n'g. qu'à se soumettre. Ici la question s'étend et change de face. Quel mal en effet y auroit-il donc à ce que l'Allemagne passât sous le gouver- nement d'un seul, et formât vraiment un grand Résumé : Côî^clusion. 36g grand empirei plutôt que ce chc^os in&rix^ et bizarre de souverains considérables et imédiocres, petits et très-petits, entremê- lés de quelques villes libres impériales, aussi iné^les entre elles que le reste des corps politiques qui se partagent cette superbe contrée? n'y gagneroit-elle pas en force ^ en uniformité , en éclat , en gloire , en fmissance ?..,••• Tel est , nous ne rignorons pas 9 le langage que la flat- terie ou les préjugés font circuler dans TAUemagne même » et- cette funeste opi- nion est encore accréditée au dehors. II faut donc Pexaminer d^abord en philoso- phe , sous le point de vue sascré des inté- rets de Thumanité ; puis en citoyen , sçit gouvernant , s«it gouverné , de la grande cité germanique; enfin comme memljure d'un autre état quelconque intéressé au sort de FAUemagne. La question des avantages et des dé- savantages des grands états est décidée depuis long-temps pour les philosophes, » Ce sont les grand» états qui ont perdu » les moeurs et la liberté de» peuples; Tome J^. A a 370 Livre VIII. » c'est dans les grands états que s'est for- !^> mé le pouvoir arbitraire qui tourmente » et avilit Fespèce humaine. Alors qu'un » seul homme a commandé à des millions » d'hommes dispersés sur un grand es- » pace , il a profité de leurs intervalles » pour semer entre eux la ziianie et la » discorde ; il a opf)Osé leurs intérêts » pour désunk leurs forces; il les a armés » les uns contre les autres , pour les » asseivir tous à sa volonté : alors lés na- » tions corrompues se sont partagées en » satellites et en esclaves , et elles ont » contracté tous les vices de là servitude » et de la tyrannie : alors qii'un hoiiimie » fier de se voir l'arbitre de la fortune et ' » de la vie de tant d'êtfcs , a méconnu >^ sa propre nature, conçu lin mépris in- » soient pour ses semblables , Forgueil a » engendré la violence, la cruauté, l'ou- - » trage : alors que la multitude est deve- » nue le joïiet des caprices d'un petit . » nombre, il n'y a plus eu ni esprit , rii » intérêt publics ,> et le sort des nations » s'est réglé par les fantaisies personnelles * Résumé : Conclusion. 371 » des despotes : alors que quelques fk- » milles se sont approprié et partagé la » terre, on a vu naître et se multiplier >> les grandes révolutions, qui sans cesse >> changent aux natièns leurs maîtres sans » changer leur servitude (1) « Ainsi nul doute pour un philosophe , pour un véritable ami de' l'espèce humaine , pour un citoyen du monde; la combinaison de toutes la plus désirable pour les sociétés politiques est celle des petits états. Maïs peu d'hommes s'élèvent d'un seul élan à la hauteur de ces pensées ; peu d'hommes parviennent à généraliser ainsi leurs idées. Des objections particulières balancent toujoursi^our eux la sévérité du principe , ou les détournent de son application. Livrons-nous donc à la dis- cussion des détails. Les très-grandes monarchies jouissent de plusieurs avantages sensibles : elles ont . (i) Voyez l'écrit de M. Volney , intitulé î ConsU dérations sur la guerre actuelle des Taures ; oît. l'on retrouve le talent de l'auteur du Voyage en Egypu^ mais boa pci8 sa candeur ni son impartialité. Aa ij * 37? t I V f.i VIIL une plus grc^ni^e consistance , ellçs sqnt moins exposées à des invasions étran- gères, Vojez la France , voyez TEspagqe. Il y a cent cinquante ans que la pcenaièrç n'a eu la guerre dans son sein , et quatre vingts se sont écoulés depuis que \^ ^e-' conde a vu ravage^ ses guérets par dem fburrageurs ennemjs,. UAHeçqagne ap con- traire peut à peine esp^rçr d'échapper pen* dant trois lustres aux dévastations de la guerre : une peupladç sy croit heureuse , quaud Tenneoiî restç dix* années sans lui ravir ce quelle a pu amasser durarnt cet^e courte période , ou sauver des rapin^^ cintér^çureç. D'ailleurs les^ constructions p^blj[|(|Ufs vralnient utiles , canatlb, grandes rc^f^s, digu,es pour le vesserreççent des flçHV^ % etc. etC , ne peuvent s'ex^écqtcr qu;^ 4^^ ujae vaste mon^irçhie ; Fétat pr^gept de FAUemagne au contraire les, exclut V^ canal de communicatîoa intérieure capar ble de joindre, par exemple, le Rhin aeu Wéser, le Wéser à l'Elbe, et l'Elbe au Danube , est abçolunaent impQ^^sibfe. \ RÉst^tÉ : Conclusion. 3^3 Quant aux grandes routes ^ grâCé âUk fréquentes solutions de contiHUilé , elles sont perdues sous ufl certain rajîport , même pour le pays où le prince , soîgnetiîc du bien-être de son peuple , ètl fait pra- tiquer. Il est enfin d'autres inconvénîèhs d une moindre importance, mais toujours fbrt nuisibles au bien-être de rhiimâttîtë ^ et inévitablement attachés aux petits états. Telles sont les différeflces de mbnnoie , de poids , de mesures ; les haines et les ja- lousies de commerce; les péages et les droits de transît , qui rendent la circula- tion intérieure si difficile en Allemagne , empêchent ce beau pays de vendre èes productions à aussi bon prix qu'il le pour- roit sous un régime plus libre -et plus uniforme ^ et dinlinuent par conséquent les richesses et le bien^tre de ses habitâns. Nous ne dirons pas que la plupart de c«9 avantages soiit douteux , que du moins ils se rencontreffit fareriieut sous la main fbible et surchai^ée des gôuver- nemens absolus ^ et bientôt arbitraires , A a iij 3/4 Livre VIII. qu'appelle la force des choses dans* les grands pays mal constitués; (et comment le seroient-ils bien , si on ne les suppose pas une aggrégation de petits états fédé- ratifs?) nous n'en appellerons pas aux grandes monarchies déjà subsistantes , à la France même notre patrie, où les pro- vinces sont dans un état de diversité , nous dirions presque d'inimitié au moins égal à celui qui subsiste entre les petits états de l'Allemagne. Nous n'établirons pas bômbien il est probable que pour se scJumettre successivement tout ce vaste empire, un chef se verroit obligé de laisser il chaque province ses droits et ses pri- vilèges , pour ne pas effaroucher les esprits; qu'alors , comme en France , dont ia mo- narchie s'est exactement formée de cette manière, il s'écouleroit des .siècles avant que l'instruction générale , la lumière , perçassent assez pour permettre au sou- ' verain d'abolir cet ordre de choses. Mais » laissant toutes ces raisons secondaires, nous indiquerons d'un côté, les inconvé- niens qui résulteroîent de cette réutiion; Ré s iTM É:CpNCi.usioN. 37^ : de l'autre , les avantages que TAlIemagne retire de sa constitution actuelle , et qu'elle perdroit par sa métamorphose en grande monarchie. ^ L'ami de la vérité pourra décider alors , si , indépendam- ment, àfi ce qu'un mal présent et certain seroit peu compensé par l'espoir d'un bien trèaréloigné , les dangers qui en résulte- roient ne surpassent pas^ infinimetnt tous les avantages qu'on en pourroit espérer >.. en admettant qu'ils auroient lieu dans toute leur plénitude. .Lorsque le sort a mis un souverain/ méchant.sur le trône d'unq grande RK)nar- ; chie^ point de salut ; malheur à tou^ •.-. et sur- tout aux honnêtes gens î Eh ! qu'entends - je ici par uninéchant souve- rain,?.. .. un Néron, un Caligula, un de; ces monstres qui, de loin en loin , déso- lent l'humanité ?.... Hélas! non. Un homme bgn j.mais fbible et facile, sera plus aisé- ^ ment qu'aucun autre ce méchant souve- rain, particulier aimable , doux ejt sensi- ble , le malheur de toute une nation sera son ff" les autres d'en i Résumé: C<^CLU s ION. 395 citoyen du monde , et comme François , nous révérons dans le roi de Prusse le protecteur naturel de la constitution ger- manique ; mais il nous deviendroit plus qu'indifférent, s'il avoit d'autres pensées; il nous seroit odieux , s'il songeoit à s'a- grandir sur ses débris. Les trocs d'états ne sont pas moins iniques que les arron- dissemens. Echangez la Lusace contre les Marcgraviats , si les hommes de ces pro- vinces y consentent ; mais c'est un acte de violence et de tyrannie , indigne de l'âge éclairé où nous vivons , et où les droits des hommes sont enfin connus , que d'exécuter de tels échanges, sans consulter les habitans. Heureusement la maison de Brande- bourg n'a besoin de recourir à aucun de ces moyens odieux pour se rendre capable de résister aux efforts de la maison d'Au- triche : elle en a un plus doux , plus beau , plus sûr. Qu'elle prenne les mesures ' que nous avons indiquées dans cet ou- vrage pour augmenter la population et les richesses de ses provinces : ordre , Sgô L I V R|: VIII. économie , bienfaits , tout doit être em-» ployé à ce but sacré. Qu elle introduise dans ses états une administration vraiment sage et productive ; quelle y affranchisse les hommes et les choses ; que la servi- tude disparoisse de ses domaines : lem- pereur en a donné un ' bel exemple en Bohème ; cette opération n'a pas été exé- cutée comme elle auroit pu l'être. Eh bien, il faut l'exécuter mieux; il faut, puisqu'on ne voudrait, puisqu'on ne de- vroît peut-être pas forcer la noblesse à imiter dans ses terres ce que le souverain fera dans ses domaines , il faut lui acheter le privilège d'asservir ses semblables , et sacrifier à cela des sommes capables de la consoler de la nécessité d être équita- ble et humaine. II faut diviser les domai- nes , abolir les impôts indirects , anéantir les monopoles , donner la liberté la plus illimitée au commercé..... Tout cela exige de fortes avances , sans doute ; ce sont celles d'un grand propriétaire qui , pen- dant plusieurs années, s'occupe à couvrir un terrain sablonneux déterres argileuses. t RÉSUMÉ : Conclusion. 897 et à le labourer pour amalgamer le sable et 1 argile , parce qu il sait qu'au bout de dix ans, ses soins et ses avances lui seront payés au centuple. Mais combien de temps sera nécessaire encore pour ces améliorations? et com- ment se donner ce temps ? ou plutôt , comment être sûr de Tavoir ?.... Efforcez- vous de maintenir la paix aussi long-temps que la maison de Brandebourg travaillera à se donner cette juste base ; et songez bien que vous n'avez qu'un intérêt et un ennemi , des démarches duquel rien ne doit vous distraire. Maintenez la paix, mais de la seule manière qui convienne à l'homme sage et fort , en vous tenant toujours prêt à la guerre, en la faisant vigoureuse , terrible même au moment où elle deviendra évidemment inévitable ; et il ne s'agit pas de savoir qui Ja commen- cera : lorsque les circonstances , pesées avec une fermeté éclairée par la pru- dence, paroîtront exiger qu'elle se fasse, commencez-la ; frappez le plus tôt possi- ble les plus grands coups ; c'est le seul 398 Livre VIII. , moyen darriver rapidement au terme^ Rien de plus naturel , rien de pIuS sage , tant que Tétat actuel des choses euro- péennes durera , que Talliance défensive la plus ferme , la plus sincère , la plus exempte d'ambiguité , de toutes les puis- sances voisines de l'Allemagne avec le chef de la maison de Brandebourg ; non pas pour garantir ses possessions seu- lement , mais tous les états souverains de l'Allemagne , et ceux-là même qui , n'ayant point de famille déterminée à leur tête, semblent, à chaque vacance, en proie au premier occupant L'alliance des princes germaniques est un chef-d'œuvre dans cette vue; mais pour que cette alliance soit^e quelque effet, il faut que les princes unis soient armés. C'est les induire fortement en er* reur , que de leur conseiller, comme on à fait à quelques-uns d'eux , de réformer leurs troupes (1). Sans doute le prince qui veut (i) Le duc de Weîmar a réformé les siennes ^ mais les états de son petit pays , doués d'un sens plus juste que son conseil sur la dignité de prince de FËniH RÉSUMÉ: Conclusion. 899 mettre un fusil de munition dans la main de chacun de ses sujets , et qui les cons- titue des espèces de machines militaires pour son divertissement , à- peu - près comme un enfant feroit avec des soldats de bois , tombe dans une manie qui peut nuire à son pays. Mais ne vouloir être que de simples gentillâtres , possesseurs d'une grande terrée , ne se soucier que dé ses jouissances personnelles, sans songer, comme membre d'une grande république fëdérative, à contribuer de sa part à son maintien, c'est une pusillanimité bien pe- tite et bien futile. Un prince de l'Empire ne peut heureuserpent pas songer à faire des conquêtes ; il ne peut pas même se défendre seul , ni contre les princes du premier , ni contre ceux du second rang ; mais il peut et il doit contribuer à la défense générale, en proportion de ses pire , n'ont pas consenti à ce que ]e contingent que les lois de l'Empire obligent ce duché de fournir , et pour lequel ils payent un impôt , fût réduit. Le reste l'a été entièrement. Le duc de Gotha a tenu à-peu-près la même conduite. 40O Livre VII L forces. L'abandonner toute entière à la providence, qui n^aida jamais que les hommes sages et laborieux, ou aux princes puissans, c'est renoncera toute considé- ration, compromettre également son exis- tence, au-dedans et au-dehors de la con- fédération , et se rendre indigne du nom de souverain. Où en seroient les princes de l'Allemagne , si leurs ancêtres avoient pensé <^însi ? si les ducs de Saxe et de Brunswick , les marcgraves de Baden , n'avoient pas armé leurs sujets ; s'ils ne les avoient pas conduits aux combats avec valeur dans les guerres intestines, dont le prétexte fut la religion , et le vrai mo- tif, la liberté ou l'asservissement de l'Alle- magne ? Il est donc utile , il est louable , il est nécessaire que tous les princes germaniques entretiennent un nombre de troupes proportionné à leurs états et aux efforts que font à cet égard les grandes puissances de l'Empire, qu'ils les exercent avec soin , qu'ils aient des places et de l'artillerie, qu'ils conservent soigneuse- ment du moins ce qu'ils possèdent en ce genre ; RÉSUMÉ : CoNCLjïjpioN. 401 genre ; car une place forte , un train d'ar- tillerie, forment toujours un poids dans la balance. Afors si la maison de d'Autriche^^mi- piète sur le moindre des droite, sur la plus légère parcelle de la lîBerté de TAUe- magne, réunissez-vous; assaillez -la de toutes parts ; forcezrla bientôt à la paix ; puis que , tout rentrant dans Tordre , chacun travaille de nouveau à réparer les pertes de la guerre , et à augmenter la richesse et la puissance intérieure , pour opposer incessamment une masse plus imposante de résistance à des projets d'envahissement, dont un mauvais succès répété finira par désabuser les ambitieux. Voilà le plan qui convient aux princes germaniques, et d'autant plus, qu'ils doi- vent prévoir une crise possible et très- fatale , celle où les maisons de Brande- bourg et d'Autriche se réuniroient pour diviser entre eux l'Allemagne. A la vérité , cette supposition est peu probable. Le monarque actuel de la Prusse est connu pour un prince vrai , loyal , généreux. Tom^ V. Ce 402 Livre VIIL Il s'honore d'avoir beaucoup contribué, comme prince royal , à former la ligue des princes. D ailleurs , Tambition de la maison d'Autriche même ne permettra probablement pas à un empereur d'entrer da,ns un tel projet ; et si jamais il s'y montre quelques instans favorable , c'est un piège qu'il essaiera de tendre au roi de Prusse. La maison d'Autriche veut l'Allemagne pour elle seule. La partager avec une afttre maison de tout temps fé- conde en hommes habiles , et dont elle est, sous toute sorte de rapports , lennemî implacable , ce seroit reculer cet événe- ment jusqu'aux bornef de l'impossibilité. Le combat entre ces deux puissances deviendroit alors trop égal, et la dîgnitd impériale , sur laquelle les idées de la grandeur autrichienne se fondent , seroit anéantie. Cependant un projet pareil^peut être considéré comme dans l'ordre des possibles. Les princes de l'Allemagne doivent donc se tenir prêts à s'y opposer autant qu'il est en eux. Ils doivent être en état de résister jusqu a ce que les RÉSUMÉ : Conclusion. '403 puissances limitrophes , dont l'intérêt ne sauroit être que FAllemagne soit ni à un , ni à deux , viennent les secourir ; mais si les princes allemands montrent quelque pusillanimité, alors toute résistance de- vient nulle ; s'ils abandonnent leur propre cause, ou s'en remettent uniquement à d'autres du soin de leur défense , le par- tage sera fait et consolidé avant que les secours d'hommes et d'argent puissent leur parvenir. Il y a plus : une conduite incertaine , pusillanime, vacillante, pourroit hâter ce fatal événement Avec une volonté sin- cère , généreuse , héroïque même , d'être le fidèle protecteur des libertés germani- qitf s , un roi de Prusse sentira qu'il n'est pas sûr de l'être seul. Que fèroit-il d'alliés qui ne voudroient rien hasarder ni pour lui , ni pour eux-mêmes ? et s'il se méfioît entièrement de leurs intentions ou de leur courage, quel meilleur parti lui resteroit- îl à prendre, que détacher d'avoir sa part de ce qull lui seroit impossible de dé- fendre? Ne décourageons donc pas lès Ce ij 404 L jr V R E VIIL princes qui font beaucoup , qui font trop peut-être , proportîonnément à leurs for- ces, pour la défense de TAllemagne. Disons aux autres , disons à ceux qui préfèrent dé consacrer lexcédant de leurs revenus , même à des dépenses utiles : Le premier soin est celui d'exister ; le preniîer bien- fait pour des Allemands est le maintien de leur constitution actuelle. Très-défec- tueuse en soi , elle n'en produit pas moins de nombreux avantages, infiniment essen* tiels à rhumanité , entièrement incompa- tibles avec Tordre de choses qu on vou- droit lui substituer ; les lumières , à la propagation desquelles elle est si propre y corrigeront ses défauts beaucoup plus ra- pidement qu'il ne pourroît arriver d^a réunion en une grande monarchie? Eh ! si nous n'étions pas convaincus de cette importante vérité, si la monarchie prussienne n'étoit pas évidemment le palladium des libertés germaniques-, aux- quelles nous attachons la plus décisive influence sur le bien-être de l'Europe, ne fût-ce que par l'exemple et les progrès • Résumé : Conclusion. 405 tous les jours plus grands que fait en Allemagne lespèce humaine; que nous importeroient et ce pays et sa constitu- tion ? Tun et l'autre nous sont également étrangers, o ils ne doivent pas être utiles à TEurope , au monde ; si ce vaste et superbe ejjipîre doit être la métairie d'un ou deux despotes , et Tarêne des jeux san- glans dont leurs passions , ou seulement les intrigues, les intérêts, la fantaisie de leurs vîsirs , donneront éternellement rhorrible spectJlle; nos yeux s'en dé- tourneront avec mépris , avec horreur , et nous demanderons à l'Amérique -unie d'absoudre l'espèce humaine des forfaits de ses tyrans.... Citoyens de l'Allemagne , de quelque rang que vous soyez , daignez écouter un étranger qui Vous révère , parce que vous formez une nation grande, sage , éclairée , moins corrompue que la plupart des autre» peuples, aussi éloignée par votre carac- tère , qu'heureusement incapable par votre constitution , de subjuguer l'Eu- rope , ou même de la désoler. Regardez c llj F R A G M E N T Hf latif à la note de là page 114^ du Livre premier, volume F -.^ édition in-S^ '^ 01 CI la note -dont il s'agit, qui cor- respond à ce texte : » Maïs nous n'en » conciruons pas qu'il [Frédéric*!! ) ait » été plus habile homme de guerre que » le plus grand de ces guerrieris , ni , >> comme on n'a pas craint de le dire , » qu'entre César et lui , l'art ne présente » qu'un désert. « Note, n Cette opînloii avancée par un homme W' • •» d*esprit , qui , à la vérité , dans son éloge de n Frédéric , s'est montré fort étranger à l'histoire » et aux. choses prussiennes , mais dont les ouvrages «» militaires ont de la réputation en France , nous »• a paru mériter un examen particulier, auquel *» nous nous sommes livrés d'autant plus volontiers , *• qu'il n«us fournira occasion de redresser plusieurs »• erreurs accréditées , et d'assigner le caractère n distinctif du génie militaire de Frédéric II , comme »• général exécuteur. Son talent de général législa- •t teur , qui appartient à notre ouvrage ^ sera un » des objets du livre septième* « Résumé : Conclusion. 407 civile de tous les sujets ; liberté de Tin- dustrîe ; liberté du commerce ; liberté de religion ; liberté de penser ; liberté^ de la presse; liberté des choses et des HOMMES.... Là se résume tout Fart de gouvernir ; là , comme en un germe fécond, réside la prospérité des empirer* Mais la monarchie prussienne est plus prête qu'aucune autre à recueillir une moisson si belle : tout y est mûr pour la grande révolution ; nul obstacle très-^ puissant ne s y oppose. . . Que le génie tutélaire de l'Europe et de l'espèce hu- maine veille sur ses destinées î qu'il la défende de ses propres erreurs î qu'il la soutienne dans les dangers dont elle est menacée ! qu'il la conduise à ce Ëiîte de grandeur et de puissance , auquel elle ne peut atteindre que par la justice et la sagesse. FIN DU LfVRK HUITIEME ET DERNIER. I Ce îv ( 410 ) • ». Comment ! M. de Guibert ignore-t-il leschan. » gemens innombrables qui se sont faits dans la » tactique depuis la multiplication des armes à » feu? La tactique de mil sept cent quarante ne h' ressembloit point à celle de mil six cent qua- » rante ; et en remontant depuis cette époque , » on trouveroit dans des périodes plus courtes » des variations plus considérables. Mais il » est une observation capitale affaire ici , qui » décide la question : c'est qu*un souverain H seul peut opérer une très-grande révolu- » tîon en factique. Lostenlau , Wahlhausen » et d'autres , ont écrit sur la tactique. On y » trouve les principales règles pour exécuter » avec justesse les évolutions connues alors , » et adaptées à l'usage du temps. Mais pour » obliger les officiers à donner toute l'atten- » tion nécessaire à ce que ces mouvemens se » fassent suivant ces règles, et à y dresser » les soldats, il faut un souverain pilitairp. > de reloge de Frédéric : il y est dit qu'à son avènement , » rinfanterie prussienne étoit la seule qui chargeât avec des a» baguettes de fer. Je ne connois pas les fastes militaires des » nations de l'Europe ; mais je sais bien que les Hahovriens , » par exemple , troupes très-braves , mais peu avides de nou- » veautés , reçurent des baguettes de fer en 1724. Il est donc 3» probable que d'autres nations les avoient adoptées avant » 1740. Si les François n'en avoient pas alors, et rien n'est » plus douteux, M. de Guibert ne doit pas oublier que les « François et les Prussiens ne forment pas toute l'Europe. » ( 4" ) » un souverain inflexible, qui punisse à l'ins- » tant les désobéissances. Condé, Turenne et » Luxembourg ont commandé des armées ; » mais ce n'est pas au milieu du tumulte de » la guerre que l'on crée dés règles de tac- » tique. Frédéric , dans tout le cours de ses » campagnes , n'a pas imaginé ni introduit » une seule évolution nouvelle. Cest après la » guerre que l'on médite sur les évènemens ; » or à la paix, Turenne et Condé étoient de » simples grands seigneurs, colonels de leurs » régimens, dans un pays où les colonels , » sur-tout lorsqu'ils appartiennent à une » classe si élevée , ne les voient jamais, ou » autant vaut. Et quand ils auroient voulu » choquer tous les usages , et faire manœu- » vrer leurs régimens , quelle influence » eussent-ils obtenue sur le reste de l'armée? » Cep4hlant peut-on penser que ces grands » hommes , ou des officiers moins éminens , y^ n'aient jamais médité sur les évolutions , * après ou même pendant la guerre ? L'ex- » perience a dicté des changemens sur la ^ tactique; on a donc médité sur la tactique. ^ Mais il est impossible de faire la part de » chaque penseur en ce genre , car les ordon- » nances à ce sujet émanent toujours du sou- y> verain qui ne dit pas : C'est un tel ifui a 1» conçu c^ que j'ordonne ici. ( 4^a ) » Et c'est l'histoire de l'art dans les temps » modernes , on plutôt l'impossibilité de faire » cet^e histoire, qui confirme sur-toût ces » observations. Les pas vers le perFectionne- » toent de la tactique se sont tous faits en » secret; ils ont tous passé •des véritables » auteurs au souverain, et du souverain dans » l'armée , parce que seul il a l'autorité de » les faire adopter,, Ce souverain a été Fré- » déric, du moins par rapport aux manœu- » vres les plus savantes, et au perfectionne- * ment de celles qu'on connoissoit déjà, mais » qu'on n'exécutoit encore que mal-habile- » ment ; et à Dieu ne plaise que je dérobe à ce » grand homme la moindre partie de la gloire » extraordinaire quHI s'est acquise ! je suis » pénétré du sentiment qu'elle doit inspirer; » mais il seroit ridicule de supposer qu'il a » personnellement imaginé tout ce qui carac- » térise la tactique prussienne. Les officiers » de son armée se sont appliqués à l'envi à » cette partie; ils lui ont présenté leurs idées: » d'un œil d'aigle il les a jugées , il en a fait » le choix , il a adopté pour ses troupes » celles qui promettoient le plus d'avantages ; » et cela encore rend une histoire de notre » tactique d'autant plus difficile à écrire, » puisqu'il seroit impossible de distinguer » ce qui vient directement de ce roi , et ce » qui vient d'une autre source. Si t (4'3) » Mais il est plus aisé de déterminer c6 » qui a produit cet admirable perfectionne- *» ment. C'est la pratique continuelle, coni- » mencéesous Frédéric-Guillaume , et main- » tenue invariablement sans relâche pendant *> vingt-quatre années. Frédéric- Guillaume » savoit-il ce qu'il faisoiti>? je l'ignore. Mais » le premier génie militaiî^de l'univers n'au- » roit pas pu saisir plus habilement le vrai » moyen de porter la tactique à sa perfection. » Il entretint son armée dans un travail con- >> tinuel ; il voulut qu'on exécutât, dans l'or- » dre le plus parfait , tout ce qui se prati- » quoit alors, et, pour y parvenir, il mit cet ^ ordre dans tout ce qui concernoit Tarmée, H depuis les choses les plus importantes jus- » qu'aux bagatelles , et il ne soufFroit point H que Ton osât s'en écarter. » Ce sont-là , et c'étoient encore plus alors » les seuls moyens de perfectionner la tacti- : » que. Les hommes de qui ce perfectionne- » ment dépend, doués d'un sens très-juste, » ne sont pourtant pas les plus capables 3e >» méditer et de généraliser leurs idées. Pour » que de tels hommes perfectionnent un art , ••> il faut qu'ils y soient continuellement atta- ^ chés ; chacun apercevant successivement » un petit défaut , chacun imaginant de même » un petit moyen pour y obvier , l'ensemble - - — — 3 ' »-— S I . .. ■:: .1 liut ■ - • • - • • • ' I. . r; • ■ ■ - » . 1 • (4'3) » Mais il est plus aisé de déterminer c6 » qui a produit cet admirable perfectionne- *» ment. C'est la pratique continuelle, coni- » mencéesous Frédéric-Guillaume , et main- » tenue invariablement sans relâche pendant *> vingt-quatre années. Frédéric- Guillaume » savoit-il ce qu'il faisoit:? je Tignore. Mais » le premier génie militaire de l'univers n'au- » roit pas pu saisir plus habilement le vrai » moyen de porter la tactique à sa perfection. » Il entretint son armée dans un travail con- » tinuel ; il voulut qu'on exécutât, dans l'or- » dre le plus parfait , tout ce qui se prati- » quoitalors, et, pour y parvenir, il mit cet f^ ordre dans tout ce qui concernoit l'armée , H depuis les choses les plus importantes jus- » qu'aux bagatelles , et il ne soufïroit point » que Ton osât s'en écarter. » Ce sont-là , et c'étoient encore plus alors » les seuls moyens de perfectionner la tacti- » que. Les hommes de qui ce perfectionne- » ment dépend, doués d'un sens trës-juste, » ne sont pourtant pas les plus capables 3e >» méditer et de généraliser leurs idées. Pour >» que de tels hommes perfectionnent un art , *•> il faut qu'ils y soient continuellement atta- ^ chés ; chacun apercevant successivement » un petit défaut , chacun imaginant de même » un petit moyen pour y obvier , l'ensemble 404 L.|' V R E VI II princes qui font beaucoup , qui font trop peut-être , proportionnément à leurs for- ces, pour la défense de TAllemagne. Disons aux autres , disons à ceux qui préfèrent dé consacrer lexcédant de leurs revenus , même à des dépenses utiles : Le premier soin est celui d'exister ; le premier bien- fait pour des Allemands est le maintien de leur constitution actuelle. Très-défec- tueuse en soi, elle n'en produit pas moins de nombreux avantages, infiniment essen- tiels à l'humanité , entièrement incompa- tibles avec l'ordre de choses qu'on vou- droit lui substituer ; les lumières , à la propagation desquelles elle est si propre y corrigeront ses défauts beaucoup plus ra- pidement qu'il ne pourroit arriver d^a réunion en une grande monarchie ? Eh ! si nous n'étions pas convaincus de cette importante vérité, si la monarchie prussienne n'étoit pas évidemtnent le palladium des libertés germaniques-, aux- quelles nous attachons la plus décisive influence' sur le bien-être de l'Europe , ne fût-ce que par l'exemple et les progrès Résumé : Conclusion. 405 tous les jours plus grands que fait en Allemagne Tespèce humaine; que nous importeroîent et ce pays et sa constitu- tion ? l'un et Fautre nous sont également étrangers, o'ils ne doivent pas être utiles à l'Europe, au monde ; si ce vaste et superbe ejiipire doit être la métairie d'un ou deux despotes, et l'arène des jeux san- glans dont leurs passions , ou seulement les intrigues, les intérêts, la fantaisie de leurs visirs , donneront éternellement l'horrible spectJlle; nos yeux s'en dé- tourneront avec mépris, avec horreur, et nous demanderons à l'Amérique -unie d'absoudre l'espèce humaine des forfaits de ses tyrans.... Citoyens de l'Allemagne , de quelque rang que vous soyez , daignez écouter un étranger qui Vous révère , parce que vous formez; une nation grande, sage , éclairée, moins corrompue que la plupart des autre» peuples, aussi éloignée par votre carac- tère , qu'^heureusement incapable par votre constitution , de subjuguer l'Eu- rope , ou même de la désoler. Regardez C» • • C il) 4i8 Errata. Pag, 72, lig. antépçnultièmç,électîque,//^e* éclecti Pag. 104, lig. 16, ïuient y lisez devinrent. Pag. i58, lig. 22, que celui, lisez, ç^e^àe Pag. i63, lig. 14, voulez , /^e^ désirez. Pag. i65, lig. i5, du moins, ajoutez ainsi. Pag. 178 , lig. 9 , les Allemands ^ lisez c^tte vaste contrée. Pag. 180, lig. 19, quelques, lisez les. Pag. 181 , lig. 16, les écrits quand, lisez et seulement quand. Pag. i85, lig. I, un des grands mérites, lise2 un mérite érainent, Pag. 187 , lig. 20, là comme dans les autres, lisez là comme en toute autie. Pag. 192 , lig. 21 , ôlez lui-même. Pag. 1 96 > lig. 1 3 et 1 4 , tou tes les caririères dont leur genre d étude ou leur goût pouvoit j*' * 4icy Errata. leur donner le désir, lisez toutes les car- .rieres que leur genre d'étude ou leur goût pouvoit leur donner envie de parcourir. Pag. aifi, lig. i5, projet , lisez project. Pag. 216 y lig. 9 , du projet du code, lisez de cette première nébalKie. Pag. ai 9 , lig. 14 de la note , où est, lisez qiiel est. Pa^g* âAo , lig: 3 de la note , d'écrit, lisez ■'-' d'écrire. Ibid. ligi 8, -il tue,.Z^'je-5 ils tuent. Ibid. lig. 10 , on ne peut, lisez on ne pour- roi t. Pag. 221 , lig. 9 et 10 , pourquoi , lui dît-il, pourquoi , lisez comment ^ lui dit-il , com- ment. Pag. 222 y lig. I delà note, ce^lle dePavoir, lisez celle d'avoir. Ibid. lig. 3 et 4, d'avoir justifié , lisez de jus- tifier. Pag. 23o, lig. I , bien indni y lisez grand] bien. Pag. 23 1 , lig. 14 , chose, lisez question. ^ Errata. 421 Pag. ^§4 , lig. 16 , la justice , lisez Téquite. Pag. 248 , lig. 4 , on doit , lisez il est pres- crit de. Pag. 244, lig. I , qu'après la déposition , lisez qu'après les dépositions. Pag. 2^6 , lig. 6 , à la censure publiqiie , lisez au contrôle univerçjid. Pag. 2.62. , lig. 14 , auxquels , lisez à qui. Pag. 205 , lig. T , notre avis , lisez notre avis détaillé. Pag. a65, lig. 5, par conséquent si fort, lisez en conséquence tellement. Pag. 7,669 lig. i3, de morale, lisez de la morale. Pag. ^6j , lig. 2 et 3 de la note, on doit, lisez on peut. Pag. a68 , lig. I , hautrangi/iVes rang élevé. Pag. 278, lig. 20, leur plus grand, lisez son plus grand. Pag. 279, lig. i5, nombre d'autres, ajoutez prescriptions. Pag. 282, lig. i3 , à faire, lisez à parcourir. 422 Errata. Pag. i83 , lig. i5 , et les femmes, //j-eret aux femmes. Pag. !Z94 , lig. 12 > la société croit , Usez la so- ciété pense. Pag. 336, lig. 8, son royaume , lisez ^es peuples. Pag 338, lig. 22 ç^i3, a'apërent rien moins qu'un , lisez n'opère pas un. •s. Pag. 342., lig. u , dans, lisez de. Pag. 344 , lig. 22 , ô^ez encore. ^ Pag. 34c5, li'g. 9 , ce grand homme, lisez ce prince extraordinaire. Pag. 348 , lig. I , que peut , lisez que put.- Pag. 35q^ lig.ia, qu'étudier, lisez qu'étaler. Pag. 35 1 , lig. 2.2. , ôlez alors. Pag. 302, lig. 14, de ce changement, lisez de tous les changemens. . I Pag. 353 , lig. 21 , base de l'exactitude, lisez base de la régularité. Pag. 356, lig. 6, attribuer, lisez imputer. Errata. 423 Pag. 357, Hg. 14, Texemple de Frédéric, ajoutez à l'Allemagne. Pag. 870, lig. 1 1 , ôtez alors. Pag. 877, lig. 17, 18 et 19, un assez grand nombre d'hommes de mérite et même de personnages éminens , lisez des hommes de mérite , et même des personnages émi- nens. Pag. 878 , lig. I et ^ , effacez quelle différence le sépare et. Pag. 88^ , lig. %Z , Qtez gïand. ■%